Les musiciens et la musique. Hector Berlioz
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Название: Les musiciens et la musique

Автор: Hector Berlioz

Издательство: Bookwire

Жанр: Документальная литература

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isbn: 4064066081560

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СКАЧАТЬ Troyens au compositeur du Pardon de Ploërmel: simple gratitude de Berlioz, disent-ils, pour un maître illustre, auditeur assidu et bienveillant de toutes ses symphonies et de tous ses opéras. A leur avis, si l'on veut savoir sa véritable opinion, il faut s'en tenir à cette boutade rapportée par M. Adolphe Jullien[29]: «Meyerbeer n'a pas seulement le bonheur d'avoir du talent, il a surtout le talent d'avoir du bonheur.»

      Berlioz a pu lâcher cette méchanceté dans un instant d'humeur. Ce n'était point son opinion intime. Tels passages de ses œuvres (ce ne sont pas les meilleurs), notamment le finale de la Réconciliation, théâtral épilogue de la belle symphonie de Roméo et Juliette, prouveraient que l'admiration de Berlioz pour Meyerbeer ne fut que trop réelle... Mais, rien qu'à lire ses feuilletons, nous en sommes déjà convaincus. Qu'il s'agisse de l'auteur des Huguenots ou de celui de la Juive, l'éloge sonne d'une manière différente.

      En 1836, Berlioz avait publié une analyse de la partition des Huguenots, très longue et très chaleureuse[30]. On a lu plus haut un fragment d'un de ses articles sur le Prophète. A la suite de la représentation de l'Étoile du Nord, il disait: «C'est merveilleux de vérité, d'élégance, de fraîcheur d'idées, d'originalité, d'audace et de bonheur. A côté des plus jolies, des plus coquettes chatteries musicales, on y trouve des combinaisons effrayantes de complexité, des traits d'expression passionnée d'une vérité saisissante[31].»—Pour le Pardon de Ploërmel, mêmes louanges[32]. Et si l'on conserve un doute, malgré tous ces témoignages publics, il faut ouvrir les Lettres intimes à Humbert Ferrand: on y lit ceci (28 avril 1859): «Que la musique d'Herculanum est d'une faiblesse et d'un incoloris (pardon du néologisme) désespérants! Que celle du Pardon de Ploërmel est écrite, au contraire, d'une façon magistrale, ingénieuse, fine, piquante et souvent poétique! Il y a un abîme entre Meyerbeer et ces jeune gens. On voit qu'il n'est pas Parisien. On voit le contraire pour David et Gounod.»

      Berlioz traite ici avec un peu d'amertume ces deux jeunes gens. Il avait pourtant salué leurs débuts avec une évidente sympathie. Pour Félicien David, sympathie est trop peu dire. L'article sur la première audition du Désert ressemble à un sacre, à une apothéose: un grand compositeur vient d'apparaître; un chef d'œuvre vient d'être dévoilé. «Arrière toutes les tièdes réticences, toutes les réserves ingrates sous lesquelles se cache la lâche crainte de trouver des railleurs, ou celle plus misérable encore et plus mal fondée de voir les travaux futurs du nouvel artiste ne pas répondre à l'attente que son premier triomphe fait concevoir!... Ah! prudents aristarques, vous ne savez pas de quelle nature est l'émotion qui fait battre le cœur de l'artiste dont l'œuvre est reconnue belle! Ce n'est pas de la vanité, ce n'est pas de l'orgueil, ce n'est pas la satisfaction d'avoir vaincu une difficulté, la joie d'être sorti d'un péril, ce n'est rien de tout cela, détrompez-vous, c'est de la passion, c'est une passion partagée, c'est l'enthousiasme pour son œuvre multiplié par la somme des enthousiasmes intelligents qu'elle a excités... L'amour du beau remplit seul tout entière l'âme du poète; ce qu'il désire, c'est d'avoir, autour de lui, quand il chante, un chœur de voix émues pour répondre à sa voix: plus elles sont belles, savantes et nombreuses et plus sa vie rayonne et se divinise, plus il est heureux[33]...» Pauvre Berlioz! Il livrait le secret de ses plus cruelles rancœurs, lorsqu'il peignait avec tant de feu les joies du poète applaudi; de toute son âme il aspirait à l'ivresse du triomphe, au délire qui «divinise» la vie; mais un destin avare lui marchandait cette félicité: ce fut son désespoir. Pauvre David! la gloire lui avait souri trop tôt. Ces «aristarques prudents» dont les scrupules et les réserves indignaient son panégyriste, n'étaient peut-être pas si mal avisés. Il justifia leur prudence, et Berlioz lui-même écrivit sur Herculanum un article d'une sévérité mitigée où le dépit d'avoir été mauvais prophète se mêlait à la crainte que tout le monde n'eût pas perdu le souvenir des solennels enthousiasmes de naguère.

      Quant à Gounod, le feuilleton de Berlioz sur Sapho contient de sévères admonestations mais aussi de grands éloges. Il mérite d'être relu. C'est un de ceux où Berlioz a exprimé sa pensée, toute sa pensée, avec le plus de franchise et de liberté. Après avoir vanté le poème d'Émile Augier comme un «magnifique texte pour la musique», il ajoute que Gounod l'a très bien traité dans certaines parties. Mais d'autres passages de l'œuvre l'ont révolté: «Je trouve cela, dit-il, hideux, insupportable, horrible.» Et s'adressant au musicien: «Non, mon cher Gounod, l'expression fidèle des sentiments et des passions n'est pas exclusive de la forme musicale... Avant tout il faut qu'un musicien fasse de la musique. Et ces interjections continuelles de l'orchestre et des voix dans les scènes dont je parle, ces cris de femmes sur des notes aiguës, arrivant au cœur comme des coups de couteau, ce désordre pénible, ce hachis de modulations et d'accords, ne sont ni du chant, ni du récitatif, ni de l'harmonie rythmée, ni de l'instrumentation, ni de l'expression. Il arrive dans certains cas au compositeur d'être obligé par son sujet à des espèces de préludes dans lesquels se montrent à demi les idées qu'il se propose de développer immédiatement après; mais il faut qu'enfin il les développe, ces idées, il faut que l'espoir de voir le morceau de musique commencer et finir ne soit pas continuellement déçu[34]...» Après cette vive mercuriale, il met en lumière toutes les beautés de la partition, surtout la dernière scène, dont il dira quelques mois plus tard, en rendant compte d'une reprise de Sapho:

      «L'art est si complet qu'il disparaît. On ne songe plus qu'à la sublimité de l'expression générale sans tenir compte des moyens employés par l'auteur. C'est beau!... mais très beau, miraculeusement beau[35]!»

      J'ai déjà cité les vivants dialogues par lesquels débute le feuilleton sur Faust. Quand, dans le même article, Berlioz prend ensuite la parole pour son compte, il s'efforce d'être équitable; mais le cœur n'y est pas. Comment ne serait-il pas blessé des inventions saugrenues des librettistes? comment, surtout, pourrait-il écarter de sa pensée le triste destin de sa Damnation? A son avis la partition de Gounod a «de fort belles parties et de fort médiocres[36]». Il loue de son mieux les premières. Quant aux secondes, il use d'ingénieuses prétentions: «Je ne puis me rappeler la forme ni l'accent du petit morceau chanté par Siébel cueillant des fleurs dans le jardin de Marguerite.» Quatre heures de musique l'ont tellement fatigué qu'il a gardé seulement un «souvenir confus» du trio final[37].

      Avant que Berlioz renonçât à la critique musicale, deux jeunes compositeurs français dont les noms furent depuis glorieux. Georges Bizet et Ernest Reyer, avaient fait représenter à Paris leurs premiers ouvrages. Berlioz leur rendit justice.

      Ce fut l'auteur de la Statue qui occupa dans les Débats la place abandonnée par l'auteur des Troyens. Il continua la glorieuse tradition de son maître. A son tour, pendant plus de trente années, il prodigua dans d'innombrables articles les fantaisies, les malices, les ironies de son esprit alerte et mordant, les boutades de son humeur indépendante, et les jugements de son goût libre, sûr et délicat.

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      La suite des feuilletons de Berlioz forme donc une histoire complète de la musique à Paris de 1835 à 1863. On n'y relève qu'une grave omission: Berlioz n'a point prononcé le nom de César Franck. Mais il faut observer que la seule œuvre de Franck exécutée pendant ce laps de temps fut Ruth et Booz et qu'alors (4 janvier 1846), Berlioz voyageait en Autriche. Ce fut Delécluze qui rendit compte de ce concert dans les Débats[38]; il loua le nouvel oratorio et fit écho à l'enthousiasme du public, car la première œuvre de César Franck remporta un éclatant succès.

      Je n'ai rien dit de l'attitude de Berlioz à l'égard de Wagner. On a si souvent conté la querelle du musicien français et du musicien allemand[39]! Autrefois beaucoup de personnes s'imaginaient, sur la foi de Scudo, que Berlioz et Wagner étaient «de la même famille... deux frères ennemis... deux enfants terribles de la vieillesse de Beethoven»; et, comme cette opinion était acceptée non seulement par СКАЧАТЬ