Partie carrée. Theophile Gautier
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Название: Partie carrée

Автор: Theophile Gautier

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066082116

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       Table des matières

      Bien que la maison devant laquelle nous avons conduit notre lecteur soit d'une apparence médiocrement engageante, nous espérons qu'il voudra bien, sous notre conduite, devancer de quelques pas l'inconnu et son guide, et y pénétrer avec nous.

      Au dehors, elle n'avait rien de particulièrement repoussant et paraissait à peu près semblable aux autres maisons de la rue. Cependant sa façade étroite et comprimée par les façades voisines, épanouies plus largement, avait un air de gêne et de contrainte, comme un fripon en bonne compagnie. Ses murailles de briques d'un jaune malsain produisaient l'effet du teint aigre et blême d'un débauché à côté des faces rougeaudes et bien portantes des édifices juxtaposés. Ce logis, de peur d'être borgne ou louche, s'était fait aveugle. Toutes les fenêtres étaient fermées, et rien de la maison ne regardait dans la rue pour éviter la réciprocité.

      Suivant l'usage de Londres, un petit fossé garni de grilles la séparait de la rue; la grille, toute couverte de cette imperceptible poussière de charbon que tamise perpétuellement le ciel anglais, était noire comme la balustrade qui entoure une tombe, et prouvait, de la part des maîtres ou des locataires, une profonde incurie du confort et de la propreté, si toutefois cette maison était ordinairement habitée, car rien n'y révélait la présence de l'homme. La cheminée n'y dégorgeait pas de fumée, et le bouton de cuivre de la sonnette, tout couvert de poussière et tout vert-de-grisé, ne semblait pas avoir été touché de longtemps; rien ne vivait sur ces murailles endormies, mornes et délavées par la pluie.

      En étudiant un peu l'aspect extérieur de cette maison, dont la devanture, à cause de son manque de largeur, ne pouvait admettre que deux fenêtres de front et une chambre par étage, y compris la cage de l'escalier, un observateur attentif eût compris que cette façade n'était que le masque d'un autre édifice situé à une grande distance de la rue, et à qui elle servait pour ainsi dire de couloir; car les angles des marches de pierre du perron, élimées et arrondies au milieu, témoignaient d'un passage plus fréquent que n'aurait pu le faire supposer la médiocrité du taudis.

      En effet, la porte s'ouvrait sur un long corridor obscur, humide, où circulait avec peine un air rarement renouvelé, fétide et glacial: un air de tombe, de cave ou de cachot; les parois de cet étroit boyau miroitaient à hauteur d'homme, par les tâtonnements successifs des mains grasses qui avaient cherché leur chemin dans son ombre. Le sol était couvert d'un enduit de boue gluant par places, calleux dans d'autres, qui témoignait du passage d'un grand nombre de semelles crottées. Au bout de quelques pas, la lumière avare qui filtrait par les carreaux jaunis de l'imposte s'éteignait, et il fallait marcher assez longtemps dans la nuit la plus profonde. Le corridor traversait probablement des maçonneries compactes et ne pouvait s'éclairer même par des jours de souffrance; peut-être même, en de certains endroits, était-il complètement souterrain, à en juger du moins par l'eau qui suintait des pierres.

      L'homme qui eût suivi ce couloir pour la première fois eût été bien vite désorienté par les nombreux coudes qu'il faisait, et n'aurait pu en deviner la direction.

      L'inconnu, précédé du singulier personnage aux vêtements couleur de muraille, marchait de ce pas ferme mais prudent, où un pied ne quitte la terre que quand l'autre est bien appuyé: non qu'il pût redouter quelque piège, quelque trappe à bascule, puisque le guide passait devant lui; mais il ressentait cette appréhension vague qu'inspirent aux plus braves l'obscurité et le froid sous une voûte basse entre deux murailles étroites.

      Par un mouvement instinctif, ses mains avaient cherché sous son manteau si ses deux petits pistolets de poche étaient bien à leur place.

      A une assez grande distance au fond de l'ombre, quelques raies rougeâtres commençaient à se dessiner, indiquant une chambre éclairée, dont les lumières filtraient à travers les ais d'une porte mal jointe.

      Le guide poussa un piaulement bizarre,—signe convenu de reconnaissance.

      Un grincement de verrous se fit entendre à l'intérieur, et la porte, s'entre-bâillant, laissa tomber subitement dans le noir passage un rouge flot de clarté.

      Usant de nos privilèges de romancier, nous pénétrerons avant l'étranger dans ce bouge étrange où il semblait attendu, quoique, à vrai dire, il fût impossible de deviner quelle espèce de relations pouvaient exister entre ce jeune homme à figure noble et pure et les hôtes bizarres de ce taudis.

      C'était une chambre assez grande où le principal objet qui saisît d'abord les yeux était une cheminée de forme ancienne, où grésillait dans une grille un feu très vif de charbon de terre, dont les reflets flamboyants illuminaient la pièce; car il fallait compter pour rien ce jour louche et douteux tombant d'une fenêtre dont les carreaux inférieurs étaient soigneusement barbouillés de blanc d'Espagne, et qui s'ouvrait sur un de ces puits sombres qu'on appelle des cours dans les grandes villes; les deux vitres restées claires ne laissaient voir que des auvents et des toits désordonnés de tuiles d'un ton criard, que des tuyaux et des cages de planches noires, toutes les misères intérieures d'une bâtisse ignoble et pauvre.

      Les murailles, mises à nu par le frottement des épaules, dans les portions inférieures, conservaient dans le haut quelques traces d'une peinture d'un ton rouge sombre comme du sang vieilli. Sur ce fond, les habitués du lieu avaient, dans leurs moments d'attente ou de loisir, sculpté, avec la pointe d'un clou ou d'un couteau, une foule de dessins et d'arabesques du plus haut caprice, dont les linéaments blancs ressortaient comme les compositions des vases étrusques, et démontraient un art non moins pur, non moins primitif.

      Le thème favori de ces artistes inconnus, celui qui se reproduisait le plus fréquemment à travers ces fantaisies ornementales, c'était, il faut l'avouer, un gibet orné de son fruit. Ce choix trahissait-il des préoccupations habituelles, ou ne venait-il que du joli effet produit par les trois montants de la potence anglaise, réunis à leur sommité par des traverses de bois formant triangle, et dont la silhouette pittoresque séduisait les dessinateurs? C'est une question délicate à résoudre.—Ces représentations, quelque grossières qu'elles fussent, se recommandaient par la fidélité et l'exactitude technique. Malgré la barbarie du dessin et les monstrueuses licences anatomiques, les mouvements et les attitudes des petits personnages suspendus offraient cette vérité saisissante que l'art le plus avancé n'atteint pas toujours; les nœuds coulants étaient bien placés, et trahissaient des spectateurs assidus du théâtre de Tiburn.

      Ces grotesques esquisses, tracées avec une jovialité terrible, faisaient rire et faisaient trembler. Plusieurs coupes, épures et élévations de la prison de Newgate, alternaient avec cet aimable sujet, et, à défaut de correction architecturale, attestaient une grande connaissance et un vif souvenir des lieux. Des têtes du profil le plus bizarre, tenant des pipes entre leurs dents, y faisaient la grimace à des lions couronnés et autres bêtes apocalyptiques; des vaisseaux, plus fantastiques que ceux de Della-Bella, s'y dandinaient sur des mers impossibles. Tout cela était tracé à grands traits, et sans beaucoup de respect de la figure voisine; des dates, des chiffres et des lettres d'une calligraphie hasardée, compliquaient cet effroyable grimoire, où les seuls mots lisibles étaient: paresse, vice et crime.

      L'ornementation de la salle n'avait cependant pas été laissée tout entière à ces fantaisistes de rencontre; un art plus cultivé se faisait sentir dans les pancartes gravées sur bois et coloriées, représentant le chandelier d'or aux sept branches mystiques, la chaste Suzanne et les vieillards, le portrait de George III, le retour de l'Enfant prodigue, les principales poses de la boxe, les exploits de Jack Sheppard et de Jonathan Wild, ces Cid et ces Bernard de Carpio du romancero picaresque, des combats de coqs et des prises de bouledogues СКАЧАТЬ