Le Piccinino. George Sand
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Название: Le Piccinino

Автор: George Sand

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066082628

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СКАЧАТЬ lui!

      Et, s'élançant dans le bal, comme par l'effet d'une résolution courageuse, elle tira brusquement le rideau et le rejeta sur Michel, qui, par un hasard inespéré, se trouva ainsi doublement caché au moment où elle passait près de lui.

      Le trouble que sa situation personnelle lui causait fut à peine dissipé, qu'il entra dans la grotte, et, s'y voyant seul, il se laissa tomber sur le divan, à côté de la place que venait d'y occuper la princesse. Tout ce qu'il avait entendu l'avait agité singulièrement; mais toutes les réflexions qu'il eût pu faire étaient dominées maintenant par le dernier mot que cette femme étrange venait de prononcer.

      Ce mot eût pu être une énigme pour un jeune homme tout à fait humble et candide: Non, ce n'est pas Pier-Angelo, c'est lui! Quelle mystérieuse réponse, ou quelle distraction singulière! Mais, pour Michel, ce n'était pas une distraction: ce lui ne se rapportait pas à Pier-Angelo, mais à lui-même. Pour la princesse, il était donc celui qu'on n'a pas besoin de nommer, et c'est avec cette concision énergique qu'elle le désignait à un homme épris d'elle.

      Cette inexplicable parole, et les réticences qui l'avaient précédée, le refus qu'elle avait fait d'aimer le marquis, ce moment solennel de sa vie dont elle avait parlé, cette émotion terrible qu'elle disait avoir éprouvée dans la soirée, cette confidence importante qu'elle devait faire le lendemain, tout cela se rapportait-il donc à Michel?

      Quand il se rappelait l'incroyable regard qu'elle avait jeté sur lui en le voyant pour la première fois avant l'ouverture du bal, il était tenté de se livrer aux plus folles présomptions. Il est vrai qu'en parlant au marquis, il y avait eu un instant où ses yeux rêveurs avaient brillé aussi d'un éclat extraordinaire; mais il ne semblait pas à Michel qu'ils eussent alors la même expression que lorsqu'ils avaient plongé dans les siens. Regard pour regard il aimait encore mieux celui qu'il avait obtenu.

      Qui pourrait raconter les étranges et magnifiques romans que, pendant un quart d'heure, forgea la cervelle de ce téméraire enfant? Ils étaient tous bâtis sur la même donnée, sur le génie extraordinaire d'un jeune artiste qui s'ignorait lui-même, et qui venait de se révéler subitement dans une grande et vive peinture de décor. La belle princesse qui avait fait exécuter cet essai, était venue souvent, à la dérobée, pendant huit jours, examiner les progrès de l'œuvre magistrale; et, pendant huit jours que l'artiste avait fait la sieste et mangé à de certains moments, dans de certaines salles mystérieuses du palais enchanté, cette fée invisible était venue le contempler, tantôt de derrière un rideau, tantôt d'une rosace du plafond. Elle s'était prise d'amour pour sa personne, ou d'admiration pour son talent, enfin, d'un engouement quelconque pour lui; et ce sentiment était trop vif pour qu'elle eût trouvé le sang-froid de le lui manifester par des paroles. Son regard lui avait tout révélé malgré elle; et lui, tremblant et bouleversé, comment s'y prendrait-il pour lui dire qu'il avait bien compris?

      Il en était là, lorsque le marquis de la Serra, l'adorateur de la princesse, reparut tout à coup devant lui et le surprit, tenant dans ses mains, et contemplant sans le voir, l'éventail qu'elle avait oublié sur le divan.

      —Pardon, mon cher enfant, lui dit le marquis en le saluant avec une courtoisie charmante, je suis forcé de vous reprendre cet objet qu'une dame redemande. Mais si les peintures chinoises de cet éventail vous intéressent, je pourrai mettre à votre disposition une collection de vases et d'images curieuses, où vous serez libre de choisir.

      —Vous êtes beaucoup trop bon, monsieur le marquis, répondit Michel, blessé d'un ton de bienveillance où il crut voir une impertinente protection; cet éventail ne m'intéresse point, et la peinture chinoise n'est pas de mon goût.

      Le marquis s'aperçut fort rien du dépit de Michel, il reprit en souriant:

      —C'est apparemment que vous n'avez vu que des échantillons grossiers de l'art de ce peuple; mais il existe des dessins coloriés, qui, malgré la simplicité élémentaire du procédé, sont dignes, pour la pureté des lignes et la naïveté charmante des mouvements, d'être comparés aux étrusques. Je serais heureux de vous montrer ceux que je possède. C'est un petit plaisir que je voudrais vous procurer et qui ne m'acquitterait pas encore envers vous, car j'en ai eu un bien grand à voir vos peintures.

      Le marquis parlait d'un air si sincère, et il y avait sur sa noble figure une bienveillance si marquée, que Michel, attaqué par son côté sensible, ne put s'empêcher de lui avouer naïvement ce qu'il éprouvait.

      —Je crains, dit-il, que Votre Seigneurie ne veuille m'encourager par plus d'indulgence que je n'en mérite; car je ne suppose pas qu'elle s'abaisse à railler un jeune artiste, au début délicat de sa carrière.

      —Dieu m'en préserve, mon jeune maître! répondit M. de la Serra, en lui tendant la main d'un air de franchise irrésistible. Je connais et j'estime trop votre père pour n'être pas bien disposé d'avance en votre faveur; cela, je dois l'avouer; mais, sincèrement, je puis vous affirmer que vos peintures révèlent du génie et promettent du talent. Voyez, je ne vous flatte pas; il y a encore de grandes fautes d'inexpérience, ou peut-être d'emportement d'imagination, dans votre œuvre; mais il y a un cachet de grandeur et une originalité de conception qui ne s'acquièrent ni ne se perdent. Travaillez, travaillez, mon jeune Michel-Ange, et vous justifierez le beau nom que vous portez.

      —Votre avis est-il partagé, monsieur le marquis, demanda Michel, violemment lente d'amener le nom de la princesse dans cette conversation.

      —Mon avis est, je crois, celui de tout le monde. On critique vos défauts avec indulgence, on loue de grand cœur vos qualités; on ne s'étonne pas de vos dispositions brillantes quand on apprend que vous êtes de Catane, et fils de Pier-Angelo Lavoratori, excellent artisan, plein de cœur et de feu. On est bon compatriote ici, Michel-Ange! On se réjouit du succès qu'obtient un enfant du pays, et chacun en prend généreusement sa part. On estime tant ceux qui sont nés sur le sol bien-aimé, qu'on oublie toutes les distinctions de caste, et que, nobles ou paysans, ouvriers ou artistes, se pardonnent les antiques préjugés respectifs pour confondre leurs vœux dans le sentiment de l'unité de race.

      —Oh! pensa Michel, le marquis me parle politique! Je ne connais point ses opinions. Peut-être, s'il a deviné les sentiments de la princesse, va-t-il travailler à me perdre! Je ne me fierai point à lui.—Puis-je savoir de Votre Seigneurie, dit-il, si la princesse de Palmarosa a daigné lever les yeux sur mes peintures, et si elle n'est pas trop mécontente de mes décors?

      —La princesse est enchantée, n'en doutez pas, mon cher maître, répondit le marquis avec une merveilleuse cordialité; et, si elle vous savait ici, elle y viendrait pour vous le dire elle-même. Mais elle est trop occupée en ce moment pour que vous puissiez l'approcher. Demain, sans doute, elle vous donnera les éloges que vous méritez, et vous ne perdrez rien pour attendre... A propos, dit le marquis en se retournant, au moment de quitter Michel, voulez vous venir voir mes peintures chinoises et d'autres peintures qui ne sont pas sans mérite? Je serai charmé de vous recevoir souvent. Ma maison de campagne est à deux pas d'ici.

      Michel s'inclina comme pour remercier et accepter; mais, quoiqu'il eût dû être flatté de la grâce du marquis à son égard, il demeura triste et comme accablé. Évidemment le marquis n'était pas jaloux de lui. Il n'était pas même inquiet.

       Table des matières

      MAGNANI.

      Rien n'est si mortifiant que d'avoir cru, СКАЧАТЬ