Название: Le Robinson suisse ou Histoire d'une famille suisse naufragée
Автор: Johann David Wyss
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066086046
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«Qui peut avoir amené ce monstre ici? continua-t-il quand nous fûmes tout près; hier il n'y en avait aucune trace.
—C'est peut-être le requin que tu as tiré hier, répondit Ernest; car sa tête est tout ensanglantée, et j'y vois trois blessures.»
En effet, c'était lui; et, me rappelant combien sa peau était utile, je recommandai d'en prendre quelques morceaux pour nous servir de limes.
Alors Ernest tira la baguette de fer de son fusil, et, frappant à droite et à gauche, tua plusieurs des oiseaux que notre approche n'avait pu écarter. Fritz coupa plusieurs bandes de peau, comme Jack avait fait au chacal, et le tout fut déposé au fond des cuves. Pendant cette opération je remarquai sur le rivage une quantité de planches que la mer y poussait, ce qui devait nous dispenser d'aller en chercher au navire. À l'aide d'un cric et d'un levier nous soulevâmes les poutres dont nous avions besoin; nous les réunîmes en train, et nous attachâmes dessus de longues planches, de manière à former un radeau; puis nous levâmes l'ancre pour retourner auprès des nôtres, quatre heures après notre départ. Craignant de trouver des bas-fonds près de la côte, je me dirigeai vers le courant, qui nous emporta rapidement en pleine mer; et là, favorisés par un bon vent, nous rangeâmes le vaisseau à notre droite, et nous nous dirigeâmes droit vers la terre. Ernest cependant examinait avec attention les oiseaux qu'il avait tués.
«Quels sont ces oiseaux? sont-ils bons à manger?
—Non, mon ami, ce sont des mouettes; et, comme ces animaux se nourrissent de poissons morts, leur chair en prend un goût fade et désagréable; ils sont si avides, qu'ils se laissent plutôt tuer que de quitter la proie à laquelle ils sont attachés.»
Des mouettes la conversation tomba au requin. Fritz s'étonnait de voir sa peau se crisper et se racornir sur le mât, où il l'avait accrochée: je lui répondis qu'elle serait aussi bonne en cet état pour l'usage auquel je la destinais, et qu'elle me fournirait la superbe peau si estimée qu'on nomme en Europe chagrin.
Tout en conversant, nous étions arrivés dans la baie et nous avions gagné le débarcadère; mais personne n'était là pour nous recevoir. Cette absence ne nous effraya pas tant que la première fois, et nous nous mîmes tous trois à crier: «Holà! ho!». Des cris de joie nous répondirent, et je vis bientôt accourir ma femme et mes deux jeunes fils, qui venaient du côté du ruisseau, portant tous un mouchoir rempli et mouillé. En arrivant près de nous, Jack avait levé son mouchoir en l'air en signe de joie; il l'ouvrit, et j'en vis tomber une quantité de magnifiques écrevisses de rivière. Ma femme et Franz suivirent son exemple, et en quelques instants nous fûmes environnés d'écrevisses qui, se sentant libres, cherchaient à s'enfuir de tous côtés. Mes enfants se précipitèrent pour les retenir, et cet incident donna lieu à des éclats de rire inextinguibles.
«Eh bien, papa, qu'en dites-vous? me cria Jack; nous en avons tant trouvé, que c'était effrayant; il y en avait là au moins deux cents: voyez comme elles sont grosses.
—Est-ce toi qui les as trouvées? et comment cela est-il arrivé?
—Vous allez voir. Quand vous fûtes partis, je pris le singe de Fritz sur mon épaule, et, accompagné de Franz, je me rendis au ruisseau pour chercher un endroit où vous puissiez établir votre pont.
—Oh! oh! ta petite tête a donc quelquefois des idées plus sages? Eh bien, nous irons visiter l'endroit que tu as choisi. Mais continue.
—Nous marchions toujours vers le ruisseau, et Franz ramassait tous les cailloux brillants qu'il rencontrait, en disant que c'était de l'or. Il avança ensuite jusqu'auprès de l'eau, et je l'entendis soudain crier: «Jack, viens donc voir toutes les écrevisses qui sont sur le chacal de Fritz!» J'accourus rapidement, et je m'aperçus avec étonnement, que ce cadavre était encore à la place où nous l'avions jeté, et qu'il était couvert d'écrevisses. Alors maman, à qui je courus raconter cette découverte, nous enseigna le moyen de les prendre, et nous en avons fait une belle provision, comme vous voyez.
—Oui, lui dis-je; aussi laissons s'enfuir les plus petites, et remercions Dieu de ce qu'il nous a fait découvrir un pareil trésor.»
J'annonçai alors que, tandis que les écrevisses cuiraient, nous irions transporter à terre les planches qui formaient le radeau, et qui étaient restées dans la baie; mais nous n'avions pas de charrette; et il était impossible de pouvoir transporter à bras ces masses énormes. Je me rappelai alors comment les Lapons parviennent à faire tirer à leurs rennes les plus pesants fardeaux.
J'attachai au cou de l'âne et de la vache des cordes qui passaient entre leurs jambes et venaient entourer l'extrémité des poutres; l'expédient réussit à merveille, et nos animaux apportèrent toutes les planches une a une à l'endroit qu'avait choisi mon petit ingénieur.
La place était vraiment bien trouvée. Le ruisseau y était plus resserré que partout ailleurs entre deux rives d'égale hauteur, et de chaque côté des troncs d'arbre semblaient placés pour servir de point d'appui.
«Il s'agit maintenant, dis-je alors à mes fils, d'évaluer la largeur du ruisseau pour proportionner les planches: comment faire?
—Mais, dit Ernest, demandons à maman un paquet de ficelle, au bout duquel nous attacherons une grosse pierre; en la jetant sur l'autre rive et en la ramenant ensuite sur l'extrême bord, nous trouverons facilement cette largeur.
—Excellent conseil! Allons, à l'œuvre!» Tout fut facilement exécuté, et nous trouvâmes une largeur de dix-huit pieds; les planches, pour être solides, devaient avoir au moins trois pieds d'assise de chaque côté: elles devaient donc avoir vingt-quatre pieds. Cependant tout n'était pas fini, et il fallait maintenant amener de l'autre côté ces énormes poutres. Comme nous restions tous aussi embarrassés, je dis à mes enfants: «Allons d'abord dîner; en épluchant nos belles écrevisses, il nous viendra peut-être un moyen.» Tout en surveillant le dîner, notre ménagère avait fait pour l'âne et la vache deux sacs de toile à voile, et, comme elle n'avait pas d'aiguilles assez fortes pour cet ouvrage, elle s'était servie d'un clou. Je la complimentai sur sa patience et son habileté, et nous nous mîmes à table; mais les morceaux furent dévorés à la hâte, tant nous étions pressés de voir notre pont en bon train. Il se termina pourtant, et personne n'avait pu trouver d'expédient. «Voyons, dis-je avec assurance, si je serai plus heureux que vous.»
Il y avait sur le rivage un tronc d'arbre assez fort; je passai alentour une corde dont j'entourai aussi une de nos poutres à quelques pieds au-dessous de son extrémité. À l'autre bout je fixai une autre corde; puis, attachant une pierre, je la lançai de l'autre côté du ruisseau, que je traversai à mon tour en sautant de pierre en pierre. Ne sachant comment faire passer de même l'âne et la vache, qui étaient nécessaires à mon dessein, je pris une poulie que je fixai solidement à un arbre; je jetai sur la roue de ma poulie la corde que j'avais lancée auparavant, et, traversant de nouveau le ruisseau en en emportant l'extrémité, j'y attelai l'âne et la vache. Ces deux animaux firent d'abord quelque résistance; mais enfin ils marchèrent, et la poutre tourna autour du tronc, tandis que son extrémité allait toucher l'autre bord. Mes enfants, pleins de joie, s'élancèrent sur ce frêle pont aussitôt qu'il eut touché terre, et le traversèrent avec une agilité surprenante, malgré mes craintes et mes efforts pour les retenir. Le plus difficile de notre ouvrage était fait, et nous plaçâmes trois poutres à côté de la première, en les faisant glisser sur celle-ci; puis nous les réunîmes à l'aide de fortes planches. Notre pont avait huit à neuf pieds de large, et pouvait cependant être facilement retiré, de manière à interdire le passage du ruisseau. Quand le soir arriva, nous étions СКАЧАТЬ