Son Excellence Eugène Rougon. Emile Zola
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Название: Son Excellence Eugène Rougon

Автор: Emile Zola

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066086770

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СКАЧАТЬ pour s'oublier avec cette grande diablesse de fille.» Et ces messieurs se rapprochèrent, s'enfonçant dans une conversation risquée, à mots très crus. Ils dirent les anecdotes qui circulaient sur ces deux Italiennes, la mère et la fille, moitié aventurières et moitié grandes dames, qu'on rencontrait partout, au milieu de toutes les cohues: chez les ministres, dans les avant-scènes des petits théâtres, sur les plages à la mode, au fond des auberges perdues. La mère, assurait-on, sortait d'un lit royal; la fille, avec une ignorance de nos conventions françaises qui faisait d'elle «une grande diablesse» originale et fort mal élevée, crevait des chevaux à la course, montrait ses bas sales et ses bottines éculées sur les trottoirs les jours de pluie, cherchait un mari avec des sourires hardis de femme faite. M. La Rouquette raconta que, chez le chevalier Rusconi, le légat d'Italie, elle était arrivée, un soir de bal, en Diane chasseresse, si nue, qu'elle avait failli être demandée en mariage, le lendemain, par le vieux M. de Nougarède, un sénateur très friand. Et, pendant cette histoire, les trois députés jetaient des regards sur la belle Clorinde, qui, malgré le règlement, regardait les membres de la Chambre les uns après les autres, à l'aide d'une grosse jumelle de théâtre.

      «Non, non, répéta M. Kahn, jamais Rougon ne serait assez fou!... Il la dit très intelligente, et il la nomme en riant "mademoiselle Machiavel." Elle l'amuse, voilà tout.

      —N'importe, conclut M. Béjuin, Rougon a tort de ne pas se marier.... Ça assoit un homme.» Alors, tous trois tombèrent d'accord sur la femme qu'il faudrait à Rougon: une femme d'un certain âge, trente-cinq ans au moins, riche, et qui tînt sa maison sur un pied de haute honnêteté.

      Cependant le brouhaha grandissait. Ils s'oubliaient à ce point dans leurs anecdotes scabreuses, qu'ils ne s'apercevaient plus de ce qui se passait autour d'eux. Au loin, au fond des couloirs, on entendait la voix perdue des huissiers qui criaient: «En séance, messieurs, en séance!» Et des députés arrivaient de tous les côtés, par les portes d'acajou massif, ouvertes à deux battants, montrant les étoiles d'or de leurs panneaux. La salle, jusque-là à moitié vide, s'emplissait peu à peu. Des petits groupes, causant d'un air d'ennui d'un banc à l'autre, les dormeurs, étouffant leurs bâillements, étaient noyés dans le flot montant, au milieu d'une distribution considérable de poignées de main. En s'asseyant à leurs places, à droite comme à gauche, les membres se souriaient; ils avaient un air de famille, des visages également pénétrés du pouvoir qu'ils venaient remplir là. Un gros homme, sur le dernier banc, à gauche, qui s'était assoupi trop profondément, fut réveillé par son voisin; et, quand celui-ci qui eut dit quelques mots à l'oreille, il se hâta de se frotter les yeux, il prit une pose convenable. La séance, après s'être traînée dans des questions d'affaires fort ennuyeuses pour ces messieurs, allait prendre un intérêt capital.

      Poussés par la foule, M. Kahn et ses deux collègues montèrent jusqu'à leurs bancs, sans en avoir conscience. Ils continuaient à causer, en étouffant des rires. M. La Rouquette racontait une nouvelle histoire sur la belle Clorinde. Elle avait eu, un jour, l'étonnante fantaisie de faire tendre sa chambre de draperies noires semées de larmes d'argent, et de recevoir là ses intimes, couchée sur son lit, ensevelie dans des couvertures également noires, qui ne laissaient passer que le bout de son nez.

      M. Kahn s'asseyait, lorsqu'il revint brusquement à lui.

      «Ce La Rouquette est idiot avec ses commérages! murmura-t-il. Voilà que j'ai manqué Rougon, maintenant!» Et, se tournant vers son voisin d'un air furieux:

      «Dites donc, Béjuin, vous auriez bien pu m'avertir!» Rougon, qui venait d'être introduit avec le cérémonie d'usage, était déjà assis entre deux conseillers d'État, au banc des commissaires du gouvernement, une sorte de caisse d'acajou énorme, installée au bas du bureau, à la place même de la tribune supprimée. Il crevait de ses larges épaules son uniforme de drap vert, chargé d'or au collet et aux manches. La face tournée vers la salle, avec sa grosse chevelure grisonnante plantée sur son front carré, il éteignait ses yeux sous d'épaisses paupières toujours à demi baissées; et son grand nez, ses lèvres taillées en pleine chair, ses joues longues où ses quarante-six ans ne mettaient pas une ride, avaient une vulgarité rude, que transfigurait par éclairs la beauté de la force. Il resta adossé, tranquillement, le menton dans le collet de son habit, sans paraître voir personne, l'air indifférent et un peu las.

      «Il a son air de tous les jours», murmura M. Béjuin.

      Sur les bancs, les députés se penchaient, pour voir la mine qu'il faisait. Un chuchotement de remarques discrètes courait d'oreille à oreille. Mais l'entrée de Rougon produisait surtout une vive impression dans les tribunes. Les Charbonnel, pour montrer qu'ils étaient là, allongeaient leur paire de faces ravies, au risque de tomber. Mme Correur avait eu une légère toux, sortant un mouchoir qu'elle agita légèrement, sous le prétexte de le porter à ses lèvres. Le colonel Jobelin s'était redressé, et la jolie Mme Bouchard, redescendue vivement au premier banc, soufflait un peu, en refaisant le nœud de son chapeau, pendant que M. d'Escorailles, derrière elle, restait muet, très contrarié. Quant à la belle Clorinde, elle ne se gêna point. Voyant que Rougon ne levait pas les yeux, elle tapa à petits coups très distincts sa jumelle sur le marbre de la colonne contre laquelle elle s'appuyait; et, comme il ne la regardait toujours pas, elle dit à sa mère, d'une voix si claire, que toute la salle l'entendit:

      «Il boude donc, le gros sournois!» Des députés se tournèrent, avec des sourires. Rougon se décida à donner un regard à la belle Clorinde. Alors, pendant qu'il lui adressait un imperceptible signe de tête, elle, toute triomphante, battit des mains, se renversa en riant, en parlant haut à sa mère, sans se soucier le moins du monde de tous ces hommes, en bas, qui la dévisageaient.

      Rougon, lentement, avant de laisser retomber ses paupières, avait fait le tour des tribunes, où son large regard enveloppa à la fois Mme Bouchard, le colonel Jobelin, Mme Correur et les Charbonnel. Son visage demeura muet. Il remit son menton dans le collet de son habit, les yeux à demi refermés, en étouffant un léger bâillement.

      «Je vais toujours lui dire un mot», souffla M. Kahn à l'oreille de M. Béjuin.

      Mais, comme il se levait, le président qui, depuis un instant, s'assurait que tous les députés étaient bien à leur poste, donna un coup de sonnette magistral. Et, brusquement, un silence profond régna.

      Un monsieur blond était debout au premier banc, un banc de marbre blanc. Il tenait à la main un grand papier, qu'il couvait des yeux, tout en parlant.

      «J'ai l'honneur, dit-il d'une voix chantante, de déposer un rapport sur le projet de loi portant ouverture au ministère d'État, sur l'exercice 1856, d'un crédit de quatre cent mille francs, pour les dépenses de la cérémonie et des fêtes du baptême du prince impérial.» Et il faisait mine d'aller déposer le rapport, d'un pas ralenti, lorsque tous les députés, avec un ensemble parfait, crièrent:

      «La lecture! la lecture!» Le rapporteur attendit que le président eût décidé que la lecture aurait lieu. Et il commença, d'un ton presque attendri:

      «Messieurs, le projet de loi qui nous est présenté est de ceux qui font paraître trop lentes les formes ordinaires du vote, en ce qu'elles retardent l'élan spontané du Corps législatif.»—Très bien! lancèrent plusieurs membres.

      «Dans les familles les plus humbles, continua le rapporteur en modulant chaque mot, la naissance d'un fils, d'un héritier, avec toutes les idées de transmission qui se rattachent à ce titre, est un sujet de si douce allégresse, que les épreuves du passé s'oublient et que l'espoir seul plane sur le berceau du nouveau-né. Mais que dire de cette fête du foyer, quand elle est en même temps celle d'une grande nation, et qu'elle est aussi un événement européen!» Alors, ce fut un ravissement. Ce morceau de rhétorique fit pâmer la Chambre. Rougon, qui semblait СКАЧАТЬ