La Princesse De Clèves par Mme de La Fayette. Madame de la Fayette
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу La Princesse De Clèves par Mme de La Fayette - Madame de la Fayette страница 8

Название: La Princesse De Clèves par Mme de La Fayette

Автор: Madame de la Fayette

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066085162

isbn:

СКАЧАТЬ les sentiments de Monsieur de Nemours sur le bal, Madame de Clèves avoit senti une grande envie de ne point aller à celui du maréchal de Saint-André. Elle entra aisément dans l'opinion qu'il ne falloit pas aller chez un homme dont on étoit aimée, et elle fut bien aise d'avoir une raison de sévérité pour faire une chose qui étoit une faveur pour Monsieur de Nemours. Elle emporta néanmoins la parure que lui avoit donnée la Reine Dauphine; mais le soir, lorsqu'elle la montra à sa mère, elle lui dit qu'elle n'avoit pas dessein de s'en servir; que le maréchal de Saint-André prenoit tant de soin de faire voir qu'il étoit attaché à elle, qu'elle ne doutoit point qu'il ne voulût aussi faire croire qu'elle auroit part au divertissement qu'il devoit donner au Roi, et que sous prétexte de faire les honneurs de chez lui, il lui rendroit des soins dont peut-être elle seroit embarrassée.

      Madame de Chartres combattit quelque temps l'opinion de sa fille, comme la trouvant particulière; mais, voyant qu'elle s'y opiniâtroit, elle s'y rendit, et lui dit qu'il falloit donc qu'elle fît la malade,[1] pour avoir un prétexte de n'y pas aller, parce que les raisons qui l'en empêchoient ne seroient pas approuvées, et qu'il falloit même empêcher qu'on ne les soupçonnât. Madame de Clèves consentit volontiers à passer quelques jours chez elle, pour ne point aller dans un lieu où M. de Nemours ne devoit pas être, et il partit sans avoir le plaisir de savoir qu'elle n'iroit pas.

      Il revint le lendemain du bal; il sut qu'elle ne s'y étoit pas trouvée; mais, comme il ne savoit pas que l'on eût redit devant elle la conversation de chez le Roi Dauphin, il étoit bien éloigné de croire qu'il fût assez heureux pour l'avoir empêchée d'y aller.

      Le lendemain, comme il étoit chez la Reine, et qu'il parloit à Madame la Dauphine, Madame de Chartres et Madame de Clèves y vinrent, et s'approchèrent de cette princesse. Madame de Clèves étoit un peu négligée, comme une personne qui s'étoit trouvée mal; mais son visage ne répondoit pas à son habillement.

      "Vous voilà si belle, lui dit Madame la Dauphine, que je ne saurois croire que vous ayez été malade. Je pense que Monsieur le prince de Condé, en vous contant l'avis de Monsieur de Nemours sur le bal, vous a persuadée que vous feriez une faveur au maréchal de Saint-André d'aller chez lui, et que c'est ce qui vous a empêchée d'y venir."

      Madame de Clèves rougit de ce que Madame la Dauphine devinoit si juste, et de ce qu'elle disoit devant Monsieur de Nemours ce qu'elle avoit deviné.

      Madame de Chartres vit dans ce moment pourquoi sa fille n'avoit pas voulu aller au bal; et pour empêcher que Monsieur de Nemours ne le jugeât aussi bien qu'elle, elle prit la parole sur un air qui sembloit être appuyé sur la vérité. "Je vous assure, Madame, dit-elle à Madame la Dauphine, que Votre Majesté fait plus d'honneur à ma fille qu'elle n'en mérite. Elle étoit véritablement malade; mais je crois que, si je ne l'en eusse empêchée, elle n'eût pas laissé de vous suivre et de se montrer aussi changée qu'elle étoit, pour avoir le plaisir de voir tout ce qu'il y a eu d'extraordinaire au divertissement d'hier au soir."

      Madame la Dauphine crut ce que disoit Madame de Chartres; Monsieur de Nemours fut bien fâché d'y trouver de l'apparence; néanmoins la rougeur de Madame de Clèves lui fit soupçonner que ce que Madame la Dauphine avoit dit n'étoit pas entièrement éloigné de la vérité. Madame de Clèves avoit d'abord été fâchée que Monsieur de Nemours eût lieu de croire que c'étoit lui qui l'avoit empêchée d'aller chez le maréchal de Saint-André; mais ensuite elle sentit quelque espèce de chagrin que sa mère lui en eût entièrement ôté l'opinion.

      Quoique l'assemblée de Cercamp eût été rompue, les négociations pour la paix avoient toujours continué, et les choses s'y disposèrent d'une telle sorte que, sur la fin de février, on se rassembla à Château-Cambrésis.[1] Les mêmes députés y retournèrent, et l'absence du maréchal de Saint-André défit Monsieur de Nemours du rival qui lui étoit plus redoutable par l'attention qu'il avoit à observer ceux qui approchoient Madame de Clèves que par le progrès qu'il pouvoit faire auprès d'elle.

      Madame de Chartres n'avoit pas voulu laisser voir à sa fille qu'elle connoissoit ses sentiments pour ce prince, de peur de se rendre suspecte sur les choses qu'elle avoit envie de lui dire. Elle se mit un jour à parler de lui; elle lui en dit du bien, et y mêla beaucoup de louanges empoisonnées sur la sagesse qu'il avoit d'être incapable de devenir amoureux, et sur ce qu'il ne se faisoit qu'un plaisir, et non pas un attachement sérieux, du commerce des femmes.

      "Ce n'est pas, ajouta-t-elle, que l'on ne l'ait soupçonné d'avoir une grande passion pour la Reine Dauphine; je vois même qu'il y va très-souvent, et je vous conseille d'éviter autant que vous pourrez de lui parler, et surtout en particulier, parce que, Madame la Dauphine vous traitant comme elle fait, on diroit bientôt que vous êtes leur confidente, et vous savez combien cette réputation est désagréable. Je suis d'avis, si ce bruit continue, que vous alliez un peu moins chez Madame la Dauphine, afin de ne vous pas trouver mêlée dans des aventures de galanterie."

      Madame de Clèves n'avoit jamais ouï parler de Monsieur de Nemours et de Madame la Dauphine: elle fut si surprise de ce que lui dit sa mère, et elle crut si bien voir combien elle s'étoit trompée dans tout ce qu'elle avoit pensé des sentiments de ce prince, qu'elle en changea de visage. Madame de Chartres s'en aperçut; il vint du monde dans ce moment; Madame de Clèves s'en alla chez elle, et s'enferma dans son cabinet.

      L'on ne peut exprimer la douleur qu'elle sentit de connoître, par ce que lui venoit de dire sa mère, l'intérêt qu'elle prenoit à Monsieur de Nemours: elle n'avoit encore osé se l'avouer à elle-même. Elle vit alors que les sentiments qu'elle avoit pour lui étoient ceux que Monsieur de Clèves lui avoit tant demandés; elle trouva combien il étoit honteux de les avoir pour un autre que pour un mari qui les méritoit. Elle se sentit blessée et embarrassée de la crainte que Monsieur de Nemours ne la voulût faire servir de prétexte à Madame la Dauphine, et cette pensée la détermina à conter à Madame de Chartres ce qu'elle ne lui avoit encore dit.

      Elle alla le lendemain matin dans sa chambre pour exécuter ce qu'elle avoit résolu; mais elle trouva que Madame de Chartres avoit un peu de fièvre, de sorte qu'elle ne voulut pas lui parler. Ce mal paroissoit néanmoins si peu de chose, que Madame de Clèves ne laissa pas d'aller l'après-dînée chez Madame la Dauphine; elle étoit dans son cabinet avec deux ou trois dames qui étoient le plus avant dans sa familiarité.

      "Nous parlions de Monsieur de Nemours, lui dit cette Reine en la voyant, et nous admirions combien il est changé depuis son retour de Bruxelles: devant que[1] d'y aller, il avoit un nombre infini de maîtresses, et c'étoit même un défaut en lui, car il ménageoit également celles qui avoient du mérite et celles qui n'en avoient pas; depuis qu'il est revenu, il ne connoît ni les unes ni les autres; il n'y a jamais eu un si grand changement; je trouve même qu'il y en a dans son humeur, et qu'il est moins gai que de coutume."

      Madame de Clèves ne répondit rien, et elle pensoit avec honte qu'elle auroit pris tout ce que l'on disoit du changement de ce prince pour des marques de sa passion, si elle n'avoit point été détrompée. Elle se sentoit quelque aigreur contre Madame la Dauphine, de lui voir chercher des raisons et s'étonner d'une chose dont apparemment elle savoit mieux la vérité que personne. Elle ne put s'empêcher de lui en témoigner quelque chose; et comme les autres dames s'éloignèrent, elle s'approcha d'elle et lui dit tout bas:

      "Est-ce aussi pour moi, Madame, que vous venez de parler, et voudriez-vous me cacher que vous fussiez celle qui a fait changer de conduite à Monsieur de Nemours?"

      "Vous êtes injuste, lui dit Madame la Dauphine; vous savez que je n'ai rien de caché pour vous. Il est vrai que Monsieur de Nemours, devant d'aller à Bruxelles, a eu, je crois, intention de me laisser entendre qu'il ne me haïssoit pas; mais, depuis qu'il est revenu, il ne m'a pas même paru qu'il se souvînt des choses qu'il avoit faites, et j'avoue que j'ai de la curiosité de savoir СКАЧАТЬ