Название: Légendes pour les enfants
Автор: Anonyme
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066085216
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Un jour qu'il avait tendu un piége à un loup et pris la bête, passa par là un grand vaurien qui, voyant la fosse et entendant le loup, voulut le tuer et l'emporter. Il ne savait pas que les trois petits chasseurs qui étaient là étaient Dagobert et deux de ses amis, et, quand il les aurait connus, il ne pensait pas que trois enfants de cet âge pussent l'empêcher d'en faire à sa tête. «Je te défends d'y toucher,» dit Dagobert dès qu'il vit quelle était son intention. «Tiens! le beau donneur d'ordres!» répondit le grand rustre. «Si tu y touches, tu auras affaire à moi.--Voilà qui m'effraye! Est-ce que tes camarades n'ont rien, non plus, à me dire?--Vois ce que tu veux faire.»
Le rustre allait tuer le loup; mais Dagobert, prenant sa petite hache de chasse qui était cachée dans l'herbe, s'élança sur lui et lui porta un coup qui le fit tomber. On accourut aux cris, on reconnut Dagobert, et on fut étonné de voir quel homme il avait mis à la raison. C'était l'un des plus redoutés coureurs de bois, un voleur de grands chemins, que l'on cherchait depuis tantôt un an, et une récompense considérable avait été promise à celui qui parviendrait à se saisir de lui. Dagobert reçut la récompense et fut grandement loué par le roi Chlother.
D'autres fois on le voyait couché sur le fumier avec les poules, prenant dans sa main les petits poulets, leur donnant du grain, du pain trempé, et, lorsqu'ils piaulaient trop, les plaçant dans sa robe. C'était alors le plus doux et le plus gai des enfants.
Cependant Sadragésile ne l'aimait pas: il disait que sa douceur était de la paresse et sa valeur de la férocité.
III
Commencement de l'histoire du grand saint Éloi.
Avec le temps, Dagobert grandissait et se fortifiait; mais laissons-le grandir, et, sans raconter minutieusement tous les détails de son adolescence, parlons tout de suite de saint Éloi qui arriva vers cette époque à la cour du roi Chlother II et qui devait jouer un si grand rôle sous le règne de son fils.
Eligius (c'est le nom en latin de messire Éloi) était un petit paysan du Limousin, né à Cadaillac, à ce qu'on croit, un enfant de la vieille Gaule, plein d'esprit et en même temps d'une fort belle humeur. Sa gentillesse l'avait fait prendre en amitié par un orfévre de Limoges qui l'instruisit dans son métier et lui fit faire des progrès si rapides qu'en peu de temps il n'eut plus rien à lui apprendre.
Ce qui prouve qu'il y a ressource à tout mal et que tel qui a commencé par être d'un naturel présomptueux s'amende à la fin, c'est l'exemple de saint Éloi qui, en sa jeunesse, avait beaucoup d'orgueil. Voici à quelle occasion et de quelle éclatante manière il fut remis dans les voies de la sagesse.
Éloi venait de quitter l'orfévre son maître; mais comme il n'avait pas assez d'argent pour ouvrir une boutique d'orfévrerie, en attendant mieux, il se fit maréchal ferrant.
Jamais on n'avait vu maréchal qui fût digne de dénouer les cordons de ses souliers.
Avec son marteau, sa tenaille et son enclume, il faisait des merveilles incomparables. Les fers qu'il forgeait (et il les forgeait sans les chauffer plus de trois fois) avaient exactement le brillant de l'argent poli et ils étaient d'un dessin plein d'élégance. Les clous qu'il préparait pour clouer ses fers étaient taillés comme des diamants. Un fer à cheval fabriqué et placé par Éloi était un véritable bijou qu'on admirait dans toute l'étendue des divers royaumes des Francs. L'orgueil le saisit lorsqu'il vit que son nom jouissait d'une si grande renommée; il se fit peindre sur sa porte ferrant un cheval et il fit écrire au-dessus de l'enseigne: Eloi, maître sur maître, maître sur tous.
On fut bien étonné un beau matin de voir cette enseigne; peu après on s'en plaignit; les maréchaux ferrants de toute l'Europe murmurèrent; enfin le bruit de ces plaintes et de ces murmures monta jusqu'au ciel. Dieu n'aime pas les gens qui ne savent pas dominer leur orgueil, et il se plaît souvent à les humilier.
Un matin, pendant que saint Éloi achevait un fer, le plus élégant et le plus brillant de tous ceux qu'il avait fabriqués, il vit un jeune homme, vêtu d'un costume d'ouvrier, qui se tenait sur le seuil de sa porte et le regardait travailler. La matinée était belle et fraîche; le soleil éclairait de grandes pièces d'avoine devant la maison de saint Éloi; il y avait encore un peu de rosée dans les touffes d'herbes qui couvraient la chaussée. Tout cela fit que saint Éloi se trouva de bonne humeur et demanda à l'inconnu d'un ton assez aimable ce qu'il voulait de lui. «Je voudrais voir si tu es un maître sans égal, comme le disent ta renommée et ton enseigne.
--A quoi te servira de le savoir?
--A cela que, si je vois que tu es plus habile que moi, je me mettrai à ton école.
--Tu es donc bien habile?
--Je le suis assez pour croire qu'on ne peut l'être davantage.
--Tu n'as donc jamais vu ce que je fais?
--Je viens ici pour te voir à l'oeuvre.
--Alors c'est un défi?
--Sans doute.
--Et combien de fois chaufferas-tu un fer comme celui-ci? Tu sais que je n'ai besoin que de trois chaudes.
--Trois chaudes! c'est deux de trop.
--Pour le coup, mon ami, je crois que tu es un peu fou.
--Eh bien, laisse-moi entrer.»
L'inconnu prend un morceau de fer, le met dans la forge, souffle le feu, tourne et retourne son fer, l'arrose, le retourne encore, le retire, le porte sur l'enclume. C'est un morceau d'argent irisé de veines bleues, de veines jaunes, de veines roses, doux et souple comme une cire; il le prend, et, de la main, du marteau, il le façonne sans le remettre dans la forge. En un instant le fer à cheval est achevé et cambré, ciselé comme un bracelet.
Éloi n'en peut croire ses yeux.
«Il y a, dit-il, quelque sortilége.
--Non; mais je suis, comme tu le vois, passé maître dans le métier.
--Mais ce fer ne peut être solide.
--Examine-le.»
Éloi prit le fer et l'examina; il n'y vit aucun défaut.
«Allons, dit-il, je n'y comprends plus rien, mais sais-tu ferrer la bête?
--Donne-moi un cheval.»
Éloi appela un charretier du voisinage qui amena son cheval, et le voulut, comme c'est la coutume, placer au travail, c'est-à-dire dans l'appareil de bois qui retient le cheval pendant qu'on le ferre.
«A quoi bon? dit le jeune maréchal.
--Comment! à quoi bon? СКАЧАТЬ