Le Cabinet des Fées. Anonyme
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Название: Le Cabinet des Fées

Автор: Anonyme

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

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isbn: 4064066075071

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СКАЧАТЬ fut tout étonné qu'il l'épousa, et que le noir se changea en vert et en couleur de rose: il suffit très-souvent de connaître le faible des gens pour entrer dans leur coeur, et pour en faire tout ce que l'on veut.

      Le roi n'avait eu qu'une fille de son premier mariage, qui passait pour la huitième merveille du monde; on la nommait Florine, parce qu'elle ressemblait à Flore, tant elle était fraîche, jeune et belle. On ne lui voyait guère 5 d'habits magnifiques; elle aimait les robes de taffetas volant, avec quelques agrafes de pierreries, et force guirlandes de fleurs, qui faisaient un effet admirable quand elles étaient placées dans ses beaux cheveux. Elle n'avait que quinze ans lorsque le roi se remaria.

      La nouvelle reine envoya quérir 6 sa fille, qui avait été nourrie chez sa marrane la fée Soussio; mais elle n'en était ni plus gracieuse ni plus belle: Soussio y avait voulu travailler, et n'avait rien gagné; elle ne laissait pas de l'aimer chèrement. On l'appelait Truitonne, car son visage avait autant de taches de rousseur qu'une truite; ses cheveux noirs étaient si gras et si crasseux, que l'on n'y pouvait toucher, et sa peau jaune distillait de l'huile. La reine ne laissait pas de l'aimer à la folie, elle ne parlait que de la charmante Truitonne; et comme Florine avait toutes sortes d'avantages au-dessus d'elle, la reine s'en désespérait; elle cherchait tous les moyens possibles de la mettre mal auprès du roi: 7 il n'y avait point de jour que la reine et Truitonne ne fissent quelque pièce à Florine. La princesse, qui était douce et spirituelle, tâchait de se mettre au-dessus des mauvais procédés.

      Le roi dit un jour à la reine, que Florine et Truitonne étaient assez grandes pour être mariées, et qu'aussitôt qu'un prince viendrait à la cour, il fallait faire en sorte de lui en donner une des deux. Je prétends, répliqua la reine, que ma fille soit la première établie: elle est plus âgée que la vôtre, et comme elle est mille fois plus aimable, il n'y a point à balancer là-dessus. Le roi, qui n'aimait point la dispute, lui dit qu'il le voulait bien, et qu'il l'en faisait la maîtresse.

      A quelque temps de là l'on apprit que le roi Charmant devait arriver. Jamais prince n'avait porté plus loin la galanterie et la magnificence; son esprit et sa personne n'avaient rien qui ne répondît à son nom. Quand la reine sut ces nouvelles, elle employa tous les brodeurs, tous les tailleurs, et tous les ouvriers à faire des ajustements à Truitonne. Elle pria le roi que Florine n'eût rien de neuf; et ayant gagné ses femmes, elle lui fit voler tous ses habits, toutes ses coiffures et toutes ses pierreries le jour même que Charmant arriva: de sorte que, lorsqu'elle se voulut parer, elle ne trouva pas un ruban. Elle vit bien d'où lui venait ce bon office. 8 Elle envoya chez les marchands pour avoir des étoffes: ils répondirent que la reine avait défendu qu'on lui en donnât. Elle demeura donc avec une petite robe fort crasseuse, et sa honte était si grande, qu'elle se mit dans le coin de la salle lorsque le roi Charmant arriva.

      La reine le reçut avec de grandes cérémonies; elle lui présenta sa fille, plus brillante que le soleil, et plus laide par toutes ses parures qu'elle ne l'était ordinairement. Le roi en détourna les yeux; la reine voulait se persuader qu'elle lui plaisait trop, et qu'il craignait de s'engager: de sorte qu'elle la faisait toujours mettre devant lui. Il demanda s'il n'y avait pas encore une autre princesse appelée Florine? "Oui, dit Truitonne en la montrant avec le doigt; la voilà qui se cache, parce qu'elle n'est pas brave." Florine rougit, et devint si belle, si belle, que le roi Charmant demeura comme un homme ébloui. Il se leva promptement, et fit une profonde révérence à la princesse:

      --Madame, lui dit-il, votre incomparable beauté vous pare trop pour que vous ayez besoin d'aucuns secours étrangers.

      --Seigneur, répliqua-t-elle, je vous avoue que je suis peu accoutumée à porter un habit aussi malpropre que l'est celui-ci; et vous m'auriez fait plaisir de ne vous pas apercevoir de moi.--Il serait impossible, s'écria Charmant, qu'une si merveilleuse princesse pût être en quelque lieu, et que l'on eût des yeux pour d'autres que pour elle.--"Ah! dit la reine irritée, je passe bien mon temps à vous entendre. Croyez-moi, seigneur, Florine est déjà assez coquette, elle n'a pas besoin qu'on lui dise tant de galanteries."--Le roi Charmant démêla aussitôt les motifs qui faisaient ainsi parler la reine; mais comme il n'était pas de condition à se contraindre, il laissa paraître toute son admiration pour Florine, et l'entretint trois heures de suite.

      La reine au désespoir, et Truitonne inconsolable de n'avoir pas la préférence sur la princesse, firent de grandes plaintes au roi, et l'obligèrent de consentir que, pendant le séjour du roi Charmant, l'on enfermerait Florine dans une tour, où ils ne se verraient point. En effet, aussitôt qu'elle fut retournée dans sa chambre, quatre hommes masqués la portèrent au haut de la tour, et l'y laissèrent dans la dernière désolation; car elle vit bien que l'on n'en usait ainsi que pour l'empêcher de plaire au roi, qui lui plaisait déjà fort, et qu'elle aurait bien voulu pour époux.

      Comme il ne savait pas les violences que l'on venait de faire à la princesse, il attendait l'heure de la revoir avec mille impatiences. Il voulut parler d'elle à ceux que le roi avait mis auprès de lui pour lui faire plus d'honneur; mais, par l'ordre de la reine, ils lui en dirent tout le mal qu'ils purent: qu'elle était coquette, inégale, de méchante humeur; qu'elle tourmentait ses amis et ses domestiques; qu'on ne pouvait être plus malpropre, et qu'elle poussait si loin l'avarice, qu'elle aimait mieux être habillée comme une petite bergère que d'acheter des riches étoffes de l'argent que lui donnait le roi son père. A tout ce détail, Charmant souffrait, et se sentait des mouvements de colère qu'il avait bien de la peine à modérer. "Non, disait-il en lui-même, il est impossible que le ciel ait mis une âme si mal faite dans le chef-d'oeuvre de la nature. Je conviens qu'elle n'était pas proprement mise quand je l'ai vue; mais la honte qu'elle en avait prouve assez qu'elle n'est point accoutumée à se voir ainsi. Quoi! elle serait mauvaise avec cet air de modestie et de douceur qui enchante? Ce n'est pas une chose qui me tombe sous le sens; il m'est bien plus aisé de croire que c'est la reine qui la décrie 9 ainsi: l'on n'est pas belle-mère pour rien; et la princesse Truitonne est une si laide bête, qu'il ne serait point extraordinaire qu'elle portât envie à la plus parfaite de toutes les créatures."

      Pendant qu'il raisonnait là-dessus, les courtisans qui l'environnaient devinaient bien à son air qu'ils ne lui avaient pas fait plaisir de parler mal de Florine. Il y en eut un plus adroit que les autres, qui, changeant de ton et de langage pour connaître les sentiments du prince, se mit à dire des merveilles de la princesse. A ces mots il se réveilla comme d'un profond sommeil, il entra dans la conversation, la joie se répandit sur son visage. Amour, amour, que l'on te cache difficilement! tu parais partout, sur les lèvres d'un amant, dans ses yeux, au son de sa voix; lorsque l'on aime, le silence, la conversation, la joie ou la tristesse, tout parle de ce qu'on ressent.

      La reine, impatiente de savoir si le roi Charmant était bien touché, envoya quérir ceux qu'elle avait mis dans sa confidence, et elle passa le reste de la nuit à les questionner. Tout ce qu'ils lui disaient ne servait qu'à confirmer l'opinion où elle était, que le roi aimait Florine. Mais que vous dirai-je de la mélancolie de cette pauvre princesse? Elle était couchée par terre dans le donjon de cette terrible tour où les hommes masqués l'avaient emportée. «Je serais moins à plaindre, disait-elle, si l'on m'avait mise ici avant que j'eusse vu cet aimable roi: l'idée que j'en conserve ne peut servir qu'à augmenter mes peines. Je ne dois pas douter que c'est peur m'empêcher de le voir davantage que la reine me traite si cruellement. Hélas! que le peu de beauté dont le ciel m'a pourvue coûtera cher à mon repos!» Elle pleurait ensuite si amèrement, si amèrement, que sa propre ennemie en aurait eu pitié si elle avait été témoin de ses douleurs.

      C'est ainsi que la nuit se passa. La reine, qui voulait engager le roi Charmant par tous les témoignages qu'elle pourrait lui donner de son attention, lui envoya des habits d'une richesse et d'une magnificence sans pareille, faits à la mode du pays, et l'ordre des chevaliers d'Amour, qu'elle avait obligé le roi d'instituer le jour de leurs noces. C'était un coeur d'or émaillé de couleur de feu, entouré de plusieurs flèches, et percé СКАЧАТЬ