La Maison Tellier. Guy de Maupassant
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу La Maison Tellier - Guy de Maupassant страница 8

Название: La Maison Tellier

Автор: Guy de Maupassant

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066089825

isbn:

СКАЧАТЬ

       Table des matières

      Elles dormirent jusqu'à l'arrivée, du sommeil paisible des consciences satisfaites; et quand elles rentrèrent au logis, rafraîchies, reposées pour la besogne de chaque soir, Madame ne put s'empêcher de dire:—«C'est égal, il m'ennuyait déjà de la maison.»

      On soupa vite, puis, quand on eut repris le costume de combat, on attendit les clients habituels; et la petite lanterne allumée, la petite lanterne de madone, indiquait aux passants que dans la bergerie le troupeau était revenu.

      En un clin d'oeil la nouvelle se répandit, on ne sait comment, on ne sait par qui. M. Philippe, le fils du banquier, poussa même la complaisance jusqu'à prévenir par un exprès M. Tournevau, emprisonné dans sa famille.

      Le saleur avait justement chaque dimanche plusieurs cousins à dîner, et l'on prenait le café quand un homme se présenta avec une lettre à la main. M. Tournevau, très ému, rompit l'enveloppe et devint pâle: il n'y avait que ces mots tracés au crayon: «Chargement de morues retrouvé; navire entré au port; bonne affaire pour vous. Venez vite

      Il fouilla dans ses poches, donna vingt centimes au porteur, et rougissant soudain jusqu'aux oreilles: «Il faut, dit-il, que je sorte.» Et il tendit à sa femme le billet laconique et mystérieux. Il sonna, puis lorsque parut la bonne:—«Mon pardessus, vite, vite, et mon chapeau.»—À peine dans la rue, il se mit à courir en sifflant un air, et le chemin lui parut deux fois plus long tant son impatience était vive.

      L'établissement Tellier avait un air de fête. Au rez-de-chaussée les voix tapageuses des hommes du port faisaient un assourdissant vacarme. Louise et Flora ne savaient à qui répondre, buvaient avec l'un, buvaient avec l'autre, méritaient mieux que jamais leur sobriquet des «deux Pompes». On les appelait partout à la fois; elles ne pouvaient déjà suffire à la besogne, et la nuit pour elles s'annonçait laborieuse.

      Le cénacle du premier fut au complet dès neuf heures. M. Vasse, le juge au tribunal de commerce, le soupirant attitré mais platonique de Madame, causait tout bas avec elle dans un coin; et ils souriaient tous les deux comme si une entente était près de se faire. M. Poulin, l'ancien maire, tenait Rosa à cheval sur ses jambes; et elle, nez à nez avec lui, promenait ses mains courtes dans les favoris blancs du bonhomme. Un bout de cuisse nue passait sous la jupe de soie jaune relevée, coupant le drap noir du pantalon, et les bas rouges étaient serrés par une jarretière bleue, cadeau du commis voyageur.

      La grande Fernande, étendue sur le sopha, avait les deux pieds sur le ventre de M. Pimpesse, le percepteur, et le torse sur le gilet du jeune M. Philippe dont elle accrochait le cou de sa main droite, tandis que de la gauche elle tenait une cigarette.

      Raphaële semblait en pourparlers avec M. Dupuis, l'agent d'assurances, et elle termina l'entretien par ces mots:—«Oui, mon chéri, ce soir, je veux bien.»—Puis, faisant seule un tour de valse rapide à travers le salon:—«Ce soir, tout ce qu'on voudra,» cria-t-elle.

      La porte s'ouvrit brusquement et M. Tournevau parut. Des cris enthousiastes éclatèrent:—«Vive Tournevau!»—Et Raphaële, qui pivotait toujours, alla tomber sur son coeur. Il la saisit d'un enlacement formidable, et sans dire un mot, l'enlevant de terre comme une plume, il traversa le salon, gagna la porte du fond, et disparut dans l'escalier des chambres avec son fardeau vivant, au milieu des applaudissements.

      Rosa, qui allumait l'ancien maire, l'embrassant coup sur coup et tirant sur ses deux favoris en même temps pour maintenir droite sa tête, profita de l'exemple:—«Allons, fais comme lui,»—dit-elle. Alors le bonhomme se leva, et, rajustant son gilet, suivit la fille en fouillant dans la poche où dormait son argent.

      Fernande et Madame restèrent seules avec les quatre hommes, et M. Philippe s'écria:—«Je paye du champagne: Mme Tellier, envoyez chercher trois bouteilles.»—Alors Fernande l'étreignant lui demanda dans l'oreille:—«Fais-nous danser, dis, tu veux?—Il se leva, et, s'asseyant devant l'épinette séculaire endormie en un coin, fit sortir une valse, une valse enrouée, larmoyante, du ventre geignant de la machine. La grande fille enlaça le percepteur, Madame s'abandonna aux bras de M. Vasse; et les deux couples tournèrent en échangeant des baisers. M. Vasse, qui avait jadis dansé dans le monde, faisait des grâces, et Madame le regardait d'un oeil captivé, de cet oeil qui répond «oui», un «oui» plus discret et plus délicieux qu'une parole!

      Frédéric apporta le champagne. Le premier bouchon partit, et M.

       Philippe exécuta l'invitation d'un quadrille.

      Les quatre danseurs le marchèrent à la façon mondaine, convenablement, dignement, avec des manières, des inclinations et des saluts.

      Après quoi l'on se mit à boire. Alors M. Tournevau reparut, satisfait, soulagé, radieux. Il s'écria:—«Je ne sais pas ce qu'a Raphaële, mais elle est parfaite ce soir.»—Puis, comme on lui tendait un verre, il le vida d'un trait en murmurant:—«Bigre, rien que ça de luxe!»

      Sur-le-champ M. Philippe entama une polka vive, et M. Tournevau s'élança avec la belle Juive qu'il tenait en l'air, sans laisser ses pieds toucher terre. M. Pimpesse et M. Vasse étaient repartis d'un nouvel élan. De temps en temps un des couples s'arrêtait près de la cheminée pour lamper une flûte de vin mousseux; et cette danse menaçait de s'éterniser, quand Rosa entr'ouvrit la porte avec un bougeoir à la main. Elle était en cheveux, en savates, en chemise, tout animée, toute rouge:—«Je veux danser,» cria-t-elle. Raphaële demanda;—«Et ton vieux?»—Rosa s'esclaffa:—«Lui? il dort déjà, il dort tout de suite.»—Elle saisit M. Dupuis, resté sans emploi sur le divan, et la polka recommença.

      Mais les bouteilles étaient vides:—«J'en paye une,» déclara M.

       Tournevau.—«Moi aussi,» annonça M. Vasse.—«Moi de même,» conclut M.

       Dupuis. Alors tout le monde applaudit.

      Cela s'organisait, devenait un vrai bal. De temps en temps même, Louise et Flora montaient bien vite, faisaient rapidement un tour de valse, pendant que leurs clients, en bas, s'impatientaient; puis elles retournaient en courant à leur café, avec le coeur gonflé de regrets.

      À minuit, on dansait encore. Parfois une des filles disparaissait, et quand on la cherchait pour faire un vis-à-vis, on s'apercevait tout à coup qu'un des hommes aussi manquait.

      —D'où venez-vous donc?» demanda plaisamment M. Philippe, juste au moment où M. Pimpesse rentrait avec Fernande.—«De voir dormir M. Poulin,» répondit le percepteur. Le mot eut un succès énorme; et tous, à tour de rôle, montaient voir dormir M. Poulin avec l'une ou l'autre des demoiselles, qui se montrèrent, cette nuit-là, d'une complaisance inconcevable. Madame fermait les yeux; et elle avait dans les coins de longs apartés avec M. Vasse comme pour régler les derniers détails d'une affaire entendue déjà.

      Enfin, à une heure, les deux hommes mariés, M. Tournevau et M. Pimpesse, déclarèrent qu'ils se retiraient, et voulurent régler leur compte. On ne compta que le Champagne, et, encore, à six francs la bouteille au lieu de dix francs, prix ordinaire. Et comme ils s'étonnaient de cette générosité, Madame, radieuse, leur répondit:

      —Ça n'est pas tous les jours fête.

      Конец ознакомительного фрагмента.

СКАЧАТЬ