La femme au collier de velours. Alexandre Dumas
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Название: La femme au collier de velours

Автор: Alexandre Dumas

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066086275

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СКАЧАТЬ de toutes les éditions de ses œuvres et ornée de son buste. Il prit mon manuscrit, me donna rendez-vous à huit jours, et nous congédia.

      Au bout de huit jours, heure pour heure, je me présentai à la porte de M. Picard. M. Picard m'attendait évidemment; il me reçut avec le sourire de Rigobert dans Maison à vendre.

      —Monsieur, me dit-il en me tendant mon manuscrit proprement roulé, avez-vous quelque moyen d'existence? Le début n'était pas encourageant.

      —Oui, monsieur, répondis-je; j'ai une petite place chez monsieur le duc d'Orléans.

      —Eh bien! mon enfant, fit-il en me mettant affectueusement mon rouleau entre les deux mains et en me prenant les mains du même coup, allez à votre bureau.

      Et, enchanté d'avoir fait un mot, il se frotta les mains en m'indiquant du geste que l'audience était terminée.

      Je n'en devais pas moins un remerciement à Nodier. Je me présentai à l'Arsenal. Nodier me reçut, comme il recevait, avec un sourire aussi.... Mais il y a sourire et sourire, comme dit Molière.

      Peut-être oublierai-je un jour le sourire de Picard, mais je n'oublierai jamais celui de Nodier.

      Je voulus prouver à Nodier que je n'étais pas tout à fait aussi indigne de sa protection qu'il eût pu le croire d'après la réponse que Picard m'avait faite. Je lui laissai mon manuscrit. Le lendemain, je reçus une lettre charmante, qui me rendait tout mon courage, et qui m'invitait aux soirées de l'Arsenal.

      Ces soirées de l'Arsenal, c'était quelque chose de charmant, quelque chose qu'aucune plume ne rendra jamais.

      Elles avaient lieu le dimanche, et commençaient en réalité à six heures.

      À six heures, la table était mise. Il y avait des dîneurs de la fondation: Cailleux, Taylor, Francis Wey, que Nodier aimait comme un fils; puis, par hasard, un ou deux invités; puis qui voulait.

      Une fois admis à cette charmante intimité de la maison, on allait dîner chez Nodier à son plaisir. Il y avait toujours deux ou trois couverts attendant les convives de hasard. Si ces trois couverts étaient insuffisants, on en ajoutait un quatrième, un cinquième, un sixième. S'il fallait allonger la table, on l'allongeait. Mais malheur à celui qui arrivait le treizième! Celui-là dînait impitoyablement à une petite table, à moins qu'un quatorzième ne vînt le relever de sa pénitence.

      Nodier avait ses manies: il préférait le pain bis au pain blanc, l'étain à l'argenterie, la chandelle à la bougie.

      Personne n'y faisait attention que madame Nodier, qui le servait à sa guise.

      Au bout d'une année ou deux, j'étais un de ces intimes dont je parlais tout à l'heure. Je pouvais arriver sans prévenir, à l'heure du dîner; on me recevait avec des cris qui ne me laissaient pas de doute sur ma bienvenue, et l'on me mettait à table, ou plutôt je me mettais à table entre madame Nodier et Marie.

      Au bout d'un certain temps, ce qui n'était qu'un point de fait devint un point de droit. Arrivais-je trop tard, était-on à table, ma place était-elle prise: on faisait un signe d'excuse au convive usurpateur, ma place m'était rendue, et, ma foi! se mettait où il pouvait celui que j'avais déplacé.

      Nodier alors prétendait que j'étais une bonne fortune pour lui, en ce que je le dispensais de causer. Mais, si j'étais une bonne fortune pour lui, j'étais une mauvaise fortune pour les autres. Nodier était le plus charmant causeur qu'il y eût au monde. On avait beau faire à ma conversation tout ce qu'on fait à un feu pour qu'il flambe, l'éveiller, l'attiser, y jeter cette limaille qui fait jaillir les étincelles de l'esprit comme celles de la forge; c'était de la verve, c'était de l'entrain, c'était de la jeunesse; mais ce n'était point cette bonhomie, ce charme inexprimable, cette grâce infinie, où, comme dans un filet tendu, l'oiseleur prend tout, grands et petits oiseaux. Ce n'était pas Nodier.

      C'était un pis-aller dont on se contentait, voilà tout.

      Mais parfois je boudais, parfois je ne voulais pas parler, et, à mon refus de parler, il fallait bien, comme il était chez lui, que Nodier parlât; alors tout le monde écoutait, petits enfants et grandes personnes. C'était à la fois Walter Scott et Perrault, c'était le savant aux prises avec le poète, c'était la mémoire en lutte avec l'imagination. Non seulement alors Nodier était amusant à entendre, mais encore Nodier était charmant à voir. Son long corps efflanqué, ses longs bras maigres, ses longues mains pâles, son long visage plein d'une mélancolique bonté, tout cela s'harmonisait avec sa parole un peu traînante, que modulait sur certains tons ramenés périodiquement un accent franc-comtois que Nodier n'a jamais entièrement perdu. Oh! alors le récit était chose inépuisable, toujours nouvelle, jamais répétée. Le temps, l'espace, l'histoire, la nature, étaient pour Nodier cette bourse de Fortunatus d'où Pierre Schlemihl tirait ses mains toujours pleines. Il avait connu tout le monde. Danton, Charlotte Corday, Gustave III, Cagliostro, Pie VI, Catherine II, le grand Frédéric, que sais-je? Comme le comte de Saint-Germain et le taratantaleo, il avait assisté à la création du monde et traversé les siècles en se transformant. Il avait même, sur cette transformation, une théorie des plus ingénieuses, selon Nodier, les rêves n'étaient qu'un souvenir des jours écoulés dans une autre planète, une réminiscence de ce qui avait été jadis. Selon Nodier, les songes les plus fantastiques correspondaient à des faits accomplis autrefois dans Saturne, dans Vénus ou dans Mercure: les images les plus étranges n'étaient que l'ombre des formes qui avaient imprimé leurs souvenirs dans notre âme immortelle. En visitant pour la première fois le Musée fossile du Jardin des Plantes, il s'est écrié, retrouvant des animaux qu'il avait vus dans le déluge de Deucalion et de Pyrrha, et parfois il lui échappait d'avouer que, voyant la tendance des Templiers à la possession universelle, il avait donné à Jacques de Molay le conseil de maîtriser son ambition. Ce n'était pas sa faute si Jésus-Christ avait été crucifié; seul parmi ses auditeurs, il l'avait prévenu des mauvaises intentions de Pilate à son égard. C'était surtout le Juif errant que Nodier avait eu l'occasion de rencontrer: la première fois à Rome du temps de Grégoire VII; la seconde fois à Paris, la veille de la Saint-Barthélemy, et la dernière fois à Vienne en Dauphiné, et sur lequel il avait des documents les plus précieux. Et à ce propos il relevait une erreur dans laquelle étaient tombés les savants et les poètes, et particulièrement Edgar Quinet: ce n'était pas Ahasvérus, qui est un nom moitié grec moitié latin, que s'appelait l'homme aux cinq sous, c'était Isaac Laquedem: de cela il pouvait en répondre, il tenait le renseignement de sa propre bouche. Puis de la politique, de la philosophie, de la tradition, il passait à l'histoire naturelle. Oh! comme dans cette scène Nodier distançait Hérodote, Pline, Marco Polo, Buffon et Lacépède! Il avait connu des araignées près desquelles l'araignée de Pélisson n'était qu'une drôlesse; il avait fréquenté des crapauds près desquels Mathusalem n'était qu'un enfant; enfin il avait été en relation avec des caïmans près desquels la tarasque n'était qu'un lézard.

      Aussi il tombait à Nodier de ces hasards comme il n'en tombe qu'aux hommes de génie. Un jour qu'il cherchait des lépidoptères, c'était pendant son séjour en Styrie, pays des roches granitiques et des arbres séculaires, il monta contre un arbre afin d'atteindre une cavité qu'il apercevait, fourra sa main dans cette cavité, comme il avait l'habitude de le faire, et cela assez imprudemment, car un jour il retira d'une cavité pareille son bras enrichi d'un serpent qui s'était enroulé à l'entour; un jour donc qu'ayant trouvé une cavité il fourrait sa main dans cette cavité, il sentit quelque chose de flasque, et de gluant qui cédait à la pression de ses doigts. Il ramena vivement sa main à lui, et regarda: deux yeux brillaient d'un feu terne au fond de cette cavité. Nodier croyait au diable; aussi, en voyant ces deux yeux qui ne ressemblaient pas mal aux yeux de braise de Charon, comme dit Dante, Nodier commença СКАЧАТЬ