Les Maîtres sonneurs. George Sand
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Название: Les Maîtres sonneurs

Автор: George Sand

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066085179

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СКАЧАТЬ à sa figure, qu'elle n'était pas plus vieille.

      Elle était blanche et menue comme un flambeau de cire vierge, et ses cheveux noirs, débordant d'un petit bonnet en mode étrangère, qui s'était dérangé dans son sommeil, me tombaient sur la poitrine et me pendaient quasiment jusqu'aux genoux. Je n'avais jamais rien vu de si bien achevé que son visage pâle, ses yeux bleu-clair, bordés de soies très-épaisses, son air doux et fatigué, et mêmement un signe tout à fait noir qu'elle avait au coin de la bouche et qui rendait sa beauté très-étrange et difficile à oublier.

      Elle semblait si jeune que mon cœur ne me disait rien à côté du sien, et ce n'était peut-être pas tant son manque d'années que la langueur de sa maladie qui me la faisait paraître si enfant. Je ne lui parlais point, et marchais toujours sans la trouver lourde, mais ayant du plaisir à la regarder, comme on en sent devant toute chose belle, que ce soit fille ou femme, fleur ou fruit.

      Comme nous approchions de la seconde gâne, où son père et le mien recommençaient, l'un à tirer son cheval, l'autre a pousser sa roue, la fillette me parla en un langage qui me fit rire, vu que je n'en comprenais pas un mot. Elle s'étonna de mon étonnement, et, me parlant alors comme nous parlons:

      —Ne vous ruinez pas le corps à me porter, dit-elle, je marcherai bien sans sabots: j'y suis aussi habituée que les autres.

      —Oui, mais vous êtes malade, que je lui répondis, et j'en porterais bien quatre comme vous. Mais de quel pays êtes-vous donc, que vous parliez si drôlement tout à l'heure?

      —De quel pays! dit-elle. Je ne suis pas d'un pays. Je suis des bois, voilà tout. Et vous, de quel pays que vous êtes donc?

      —Oh! ma fine, si vous êtes des bois, je suis des blés, que je lui répondis en riant.

      J'allais cependant la questionner davantage quand son père vint me la reprendre.

      —Allons, fit-il, après avoir donné une poignée de main à mon père, en vous remerciant, mes braves gens. Et toi, petite, embrasse donc ce bon garçon qui t'a portée comme une châsse.

      La fillette ne se fit point prier; elle n'était pas encore dans l'âge de la honte, et, n'y entendant pas malice, elle n'y faisait point de façons. Elle m'embrassa sur les deux joues, en me disant:

      —Merci à vous, mon beau serviteur. Et, passant aux bras de son père, elle fut remise sur son matelas et parut pressée de reprendre son somme, sans aucun souci des cahots et des aventures du chemin.

      —Encore adieu! nous dit son père, qui me prit le genou pour me replacer en croupe sur la jument. Un beau garçon! fit-il à mon père, en me regardant, et aussi avancé dans l'âge que vous dites qu'il a, que ma petite dans le sien.

      —Il se sent bien aussi un peu d'en être malade, répondit mon père; mais, le bon Dieu aidant, le travail guérira tout. Excusez-nous si nous prenons les devants, nous allons loin et voulons arriver chez nous devant la nuit.

      Là-dessus, mon père talonna notre monture, qui prit le trot, et moi, me retournant, je vis que l'homme à la charrette coupait sur la droite et s'en allait à l'encontre de nous.

      Je pensai bientôt à autre chose, mais Brulette m'étant revenue dans la tête, je songeai aux francs baisers que m'avait donnés cette petite fille étrangère, et me demandai pourquoi Brulette répondait par des tapes à ceux que je lui voulais prendre; et, comme la route était longue et que je m'étais levé avant jour, je m'endormais derrière mon père, mêlant, je ne sais comment, les figures de ces deux fillettes dans ma tête embrouillée de fatigue.

      Mon père me pinçait pour me réveiller, car il me sentait lui peser sur les épaules et craignait de me voir tomber. Je lui demandai qui étaient ces gens que nous avions rencontrés.

      —Qui? fit-il, en se moquant de mes esprits alourdis; nous avons rencontré plus de cinq cents mondes depuis ce matin.

      —Cet âne et cette charrette?

      —Ah bon! dit-il. Ma foi, je n'en sais rien, je n'ai pas songé à m'en enquérir. Ça doit être des Marchois ou des Champenois, car ça a un accent étranger; mais j'étais si occupé de voir si cette jument a un bon coup de collier, que je ne me suis point intéressé à autre chose. De vrai, elle tire bien et n'est point rétive à la peine; je crois qu'elle fera un bon service et que décidément je ne l'ai point surpayée.

      Depuis ce temps-là (le voyage m'avait sans doute été bon), je pris le dessus et commençai à avoir goût au travail; mon père m'ayant donné le soin de la jument, et puis celui du jardin, enfin celui du pré, je trouvai, petit à petit, de l'agrément à bêcher, planter et récolter.

      Mon père était veuf depuis longtemps et se montrait désireux de me mettre en jouissance de l'héritage que ma mère m'avait laissé. Il m'intéressait donc à tous nos petits profits et ne souhaitait rien tant que de me voir devenir bon cultivateur.

      Il ne fut pas longtemps sans reconnaître que je mordais à belles dents dans ce pain-là, car si la jeunesse a besoin d'un grand courage pour se priver de plaisir au profit des autres, il ne lui en faut guère pour se ranger à ses propres intérêts, surtout quand ils sont mis en commun avec une bonne famille, bien honnête dans les partages et bien d'accord dans le travail.

      Je restai bien un peu curieux de causette et d'amusement le dimanche; mais on ne me le reprochait point à la maison, parce que j'étais bon ouvrier tout à fait le long de la semaine; et, à ce métier-là, je pris belle santé et belle humeur, avec un peu plus de raison dans la tête que je n'en avais annoncé au commencement. J'oubliai les fumées d'amour, car rien ne rend si tranquille comme de suer sous la pioche, du lever au coucher du soleil; et quand vient la nuit, ceux qui ont eu affaire à la terre grasse et lourde de chez nous, qui est la plus rude maîtresse qu'il y ait, ne s'amusent pas tant à penser qu'à dormir pour recommencer le lendemain.

      C'est de cette manière que j'attrapai tout doucement l'âge où il m'était permis de songer, non plus aux petites filles, mais aux grandes; et, de même qu'aux premiers éveils de mon goût, je retrouvai encore ma cousine Brulette plantée dans mon inclination avant toutes les autres.

      Restée seule avec son grand-père, Brulette avait fait de son mieux pour devancer les années par sa raison et son courage. Mais il y a des enfants qui naissent avec le don ou le destin d'être toujours gâtés.

      Le logement de la Mariton avait été loué à la mère Lamouche, de Vieilleville, qui n'était point à son aise et qui se dépêcha de servir les Brulet comme si elle eût été à leurs gages, espérant par là être écoutée quand elle remontrerait ne pouvoir payer les dix écus de sa locature. C'est ce qui arriva, et Brulette, se voyant aidée, devancée et flattée en toutes choses par cette voisine, prit le temps et l'aise de pousser en esprit et en beauté, sans se trop fouler l'âme ni le corps.

       Table des matières

      La petite Brulette était donc devenue la belle Brulette, dont il était déjà grandement parlé dans le pays, pour ce que, de mémoire d'homme, on n'avait vu plus jolie fille, des yeux plus beaux, une plus fine taille, des cheveux d'un or plus doux avec une joue plus rose; la main comme un satin, et le pied mignon comme celui d'une demoiselle.

      Tout ça СКАЧАТЬ