Les Maîtres sonneurs. George Sand
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Название: Les Maîtres sonneurs

Автор: George Sand

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066085179

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СКАЧАТЬ il eut fini, voilà bien la musique enragée! Où diantre prends-tu tout ça? à quoi que ça peut servir, et qu'est-ce que tu veux signifier par là?

      Il ne me fit point réponse, et sembla même qu'il ne m'entendait point. Il regardait Brulette qui s'était appuyée contre une chaise et qui avait la figure tournée du côté du mur.

      Comme elle ne disait mot, Joset fut pris d'une flambée de colère, soit contre elle, soit contre lui-même, et je le vis faire comme s'il voulait briser sa flûte entre ses mains; mais, au moment même, la belle fille regarda de son côté, et je fus bien étonné de voir qu'elle avait des grosses larmes au long des joues.

      Alors Joseph courut auprès d'elle, et, lui prenant vivement les mains:—Explique-toi, ma mignonne, dit-il, et fais-moi connaître si c'est de compassion pour moi que tu pleures, ou si c'est de contentement?

      —Je ne sache point, répondit-elle, que le contentement d'une chose comme ça puisse faire pleurer. Ne me demande donc point si c'est que j'ai de l'aise ou du mal; ce que je sais, c'est que je ne m'en puis empêcher, voilà tout.

      —Mais à quoi est-ce que tu as pensé, pendant ma flûterie? dit Joseph en la fixant beaucoup.

      —À tant de choses, que je ne saurais point t'en rendre compte, répliqua Brulette.

      —Mais enfin, dis-en une, reprit-il sur un ton qui signifiait de l'impatience et du commandement.

      —Je n'ai pensé à rien, dit Brulette; mais j'ai eu mille ressouvenances du temps passé. Il ne me semblait point te voir flûter, encore que je t'ouïsse bien clairement; mais tu me paraissais comme dans l'âge où nous demeurions ensemble, et je me sentais comme portée avec toi par un grand vent qui nous promenait tantôt sur les blés mûrs, tantôt sur des herbes folles, tantôt sur les eaux courantes; et je voyais des prés, des bois, des fontaines, des pleins champs de fleurs et des pleins ciels d'oiseaux qui passaient dans les nuées. J'ai vu aussi, dans ma songerie, ta mère et mon grand-père assis devant le feu, et causant de choses que je n'entendais point, tandis que je te voyais à genoux dans un coin, disant ta prière, et que je me sentais comme endormie dans mon petit lit. J'ai vu encore la terre couverte de neige, et des saulnées remplies d'alouettes, et puis des nuits remplies d'étoiles filantes, et nous les regardions, assis tous deux sur un tertre, pendant que nos bêtes faisaient le petit bruit de tondre l'herbe; enfin, j'ai vu tant de rêves que c'est déjà embrouillé dans ma tête; et si ça m'a donné l'envie de pleurer, ce n'est point par chagrin, mais par une secousse de mes esprits que je ne veux point t'expliquer du tout.

      —C'est bien! dit Joset. Ce que j'ai songé, ce que j'ai vu en flûtant, tu l'as vu aussi! Merci, Brulette! Par toi, je sais que je ne suis point fou et qu'il y a une vérité dans ce qu'on entend comme dans ce qu'on voit. Oui, oui! fit-il encore en se promenant dans la chambre à grandes enjambées et en élevant sa flûte au-dessus de sa tête; ça parle, ce méchant bout de roseau; ça dit ce qu'on pense; ça montre comme avec les yeux; ça raconte comme avec les mots; ça aime comme avec le cœur; ça vit, ça existe! Et à présent, Joset le fou, Joset l'innocent, Joset l'ébervigé, tu peux bien retomber dans ton imbécillité; tu es aussi fort, aussi savant, aussi heureux qu'un autre!

      Disant cela, il s'assit, sans plus faire attention à aucune chose autour de lui.

       Table des matières

      Nous le dévisagions, Brulette et moi, car il n'était plus le Joset que nous connaissions. Pour moi, il y avait quelque chose dans tout cela qui me rappelait les histoires qu'on fait chez nous sur les sonneurs-cornemuseux, lesquels passent pour savoir endormir les plus mauvaises bêtes, et mener, à nuitée, des bandes de loups par les chemins, comme d'autres mèneraient des ouailles aux champs. Joset n'était point dans une figure naturelle à ce moment-là, devant moi. De chétif et pâlot, il paraissait grandi et amendé, comme je l'avais vu dans la forêt. Il avait de la mine; ses yeux étaient dans sa tête comme deux rayons d'étoile, et quelqu'un qui l'aurait jugé le plus beau garçon du monde ne se serait point trompé sur le moment.

      Il me paraissait aussi que Brulette en était charmée et ensorcelée, puisqu'elle avait vu tant d'affaires dans cette flûterie où je n'avais vu que du feu, et j'eus beau vouloir lui représenter que Joset ne ferait jamais danser que le diable avec sa musique, elle ne m'écouta point, et le pria de recommencer.

      Il s'y porta bien volontiers, et reprit sur un air qui ressemblait au premier, mais qui n'était pourtant pas le même; d'où je vis que ses idées ne différaient pas les unes des autres pour le moment, et qu'il ne voulait en rien se ranger à la mode du pays. En voyant comme Brulette écoutait et paraissait goûter la chose, je fis un effort de ma tête pour la goûter aussi, et il me parut que je m'accoutumais si bien à cette nouvelle sorte de musique, que j'en étais mouvé aussi au dedans de moi; car il se fit aussi en moi une songerie, et je crus voir Brulette dansant toute seule au clair d'une belle lune, sous des buissons de blanche épine fleurie, et secouant son tablier rose, comme prête à s'envoler. Mais voilà que, tout d'un coup, il se fit, non loin de là, comme une sonnerie de clochette, pareille à celle que j'avais ouïe sur la fougeraie, et la flûterie de Joset s'arrêta comme coupée net au beau mitant.

      Je me réveillai alors de ma fantaisie, et m'assurai que la clochette n'était point un rêve; que Joseph s'était interrompu de flûter, qu'il se tenait debout, d'un air tout estomaqué, et que Brulette le regardait, non moins étonnée que moi.

      Alors toute ma peur me revint.—Joset, que je lui dis sur un ton de reproche, il y en a plus que tu n'en confesses! Ce n'est pas tout seul que tu as appris ce que tu sais, et voilà dehors un compagnon qui te répond malgré toi. Or çà, donne-lui congé vitement, car je ne serais pas content de l'avoir en ma maison; je t'y ai invité, et non point du tout lui, ni aucun de sa séquelle. Qu'il s'en aille, ou je vas lui chanter une antienne qui le fâchera bien.

      Et disant cela, je pris à la cheminée un vieux fusil à mon père, que je savais chargé de trois balles bénites, car la grand'bête a toujours eu coutume de s'ébattre aux alentours de la font de Fond, et encore que je ne l'eusse jamais vue, j'étais toujours prêt à la recevoir, sachant que mes parents la redoutaient grandement, et en avaient été maintes fois molestés.

      Joset se prit à rire au lieu de me répondre, et appelant son chien, s'en alla ouvrir la porte. Mon chien, à moi, avait suivi mes parents au pèlerinage; si bien que je ne pouvais pas m'assurer si c'était du vrai monde ou du mauvais qui clochetait au dehors; car vous savez que les animaux et particulièrement les chiens ont grande connaissance là-dessus et jappent d'une façon qui le fait assavoir aux humains.

      Il est bien vrai que Parpluche, le chien à Joset, au lieu de s'enmalicer, avait couru le premier vers la porte, et qu'il sauta dehors bien gaiement quand il la vit ouverte; mais cette bête pouvait être charmée aussi, et, dans tout cela, je ne voyais rien de bon.

      Joset sortit, et le vent, qui était redevenu fort, repoussa sitôt la porte entre lui et nous. Brulette, qui s'était levée aussi, fit mine de la rouvrir pour voir ce que c'était; mais je l'en empêchai vitement, lui remontrant qu'il y avait là-dessous quelque mauvais secret, si bien qu'elle commença aussi d'être épeurée et de regretter d'être venue là.

      —N'ayez crainte, Brulette, que je lui dis; je crois aux méchants esprits, mais ne les redoute point. Ils ne font de mal qu'à ceux qui les recherchent, et tout ce qu'ils peuvent sur les vrais chrétiens, c'est de leur donner frayeur; mais cette frayeur-là, on peut et on doit la combattre. Tenez, dites une prière; СКАЧАТЬ