Le Horla. Guy de Maupassant
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Название: Le Horla

Автор: Guy de Maupassant

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066090104

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СКАЧАТЬ de suppléer, par l'effort de son intelligence, à l'impuissance de ses organes. Quand cette intelligence demeurait encore à l'état rudimentaire, cette hantise des phénomènes invisibles a pris des formes banalement effrayantes. De là sont nées les croyances populaires au surnaturel, les légendes des esprits rôdeurs, des fées, des gnomes, des revenants, je dirai même la légende de Dieu, car nos conceptions de l'ouvrier-créateur, de quelque religion qu'elles nous viennent, sont bien les inventions les plus médiocres, les plus stupides, les plus inacceptables sorties du cerveau apeuré des créatures. Rien de plus vrai que cette parole de Voltaire. « Dieu a fait l'homme à son image, mais l'homme le lui a bien rendu. »

      « Mais, depuis un peu plus d'un siècle, on semble pressentir quelque chose de nouveau. Mesmer et quelques autres nous ont mis sur une voie inattendue, et nous sommes arrivés vraiment, depuis quatre ou cinq ans surtout, à des résultats surprenants. »

      Ma cousine, très incrédule aussi, souriait. Le docteur Parent lui dit : — Voulez-vous que j'essaie de vous endormir, Madame ?

      — Oui, je veux bien.

      Elle s'assit dans un fauteuil et il commença à la regarder fixement en la fascinant. Moi, je me sentis soudain un peu troublé, le cœur battant, la gorge serrée. Je voyais les yeux de Mme Sablé s'alourdir, sa bouche se crisper, sa poitrine haleter.

      Au bout de dix minutes, elle dormait.

      — Mettez-vous derrière elle, dit le médecin.

      Et je m'assis derrière elle. Il lui plaça entre les mains une carte de visite en lui disant : « Ceci est un miroir ; que voyez-vous dedans ? »

      Elle répondit :

      — Je vois mon cousin.

      — Que fait-il ?

      — Il se tord la moustache.

      — Et maintenant ?

      — Il tire de sa poche une photographie.

      — Quelle est cette photographie ?

      — La sienne.

      C'était vrai ! Et cette photographie venait de m'être livrée, le soir même, à l'hôtel.

      — Comment est-il sur ce portrait ?

      — Il se tient debout avec son chapeau à la main.

      Donc elle voyait dans cette carte, dans ce carton blanc, comme elle eût vu dans une glace.

      Les jeunes femmes, épouvantées, disaient : « Assez ! Assez ! Assez ! »

      Mais le docteur ordonna : « Vous vous lèverez demain à huit heures ; puis vous irez trouver à son hôtel votre cousin, et vous le supplierez de vous prêter cinq mille francs que votre mari vous demande et qu'il vous réclamera à son prochain voyage. »

      Puis il la réveilla.

      En rentrant à l'hôtel, je songeais à cette curieuse séance et des doutes m'assaillirent, non point sur l'absolue, sur l'insoupçonnable bonne foi de ma cousine, que je connaissais comme une sœur, depuis l'enfance, mais sur une supercherie possible du docteur. Ne dissimulait-il pas dans sa main une glace qu'il montrait à la jeune femme endormie, en même temps que sa carte de visite ? Les prestidigitateurs de profession font des choses autrement singulières.

      Je rentrai donc et je me couchai.

      Or, ce matin, vers huit heures et demie, je fus réveillé par mon valet de chambre, qui me dit :

      — C'est Mme Sablé qui demande à parler à Monsieur tout de suite.

      Je m'habillai à la hâte et je la reçus.

      Elle s'assit fort troublée, les yeux baissés, et, sans lever son voile, elle me dit :

      — Mon cher cousin, j'ai un gros service à vous demander.

      — Lequel, ma cousine ?

      — Cela me gêne beaucoup de vous le dire, et pourtant, il le faut. J'ai besoin, absolument besoin, de cinq mille francs.

      — Allons donc, vous ?

      — Oui, moi, ou plutôt mon mari, qui me charge de les trouver.

      J'étais tellement stupéfait, que je balbutiais mes réponses. Je me demandais si vraiment elle ne s'était pas moquée de moi avec le docteur Parent, si ce n'était pas là une simple farce préparée d'avance et fort bien jouée.

      Mais, en la regardant avec attention, tous mes doutes se dissipèrent. Elle tremblait d'angoisse, tant cette démarche lui était douloureuse, et je compris qu'elle avait la gorge pleine de sanglots.

      Je la savais fort riche et je repris :

      — Comment ! votre mari n'a pas cinq mille francs à sa disposition ! Voyons réfléchissez. Êtes-vous sûre qu'il vous a chargée de me les demander ?

      Elle hésita quelques secondes comme si elle eût fait un grand effort pour chercher dans son souvenir, puis elle répondit :

      — Oui..., oui... j'en suis sûre.

      — Il vous a écrit ?

      Elle hésita encore, réfléchissant. Je devinai le travail torturant de sa pensée. Elle ne savait pas. Elle savait seulement qu'elle devait m'emprunter cinq mille francs pour son mari. Donc elle osa mentir.

      — Oui, il m'a écrit.

      — Quand donc ? Vous ne m'avez parlé de rien, hier.

      — J'ai reçu sa lettre ce matin.

      — Pouvez-vous me la montrer ?

      — Non... non... non... elle contenait des choses intimes... trop personnelles... je l'ai... je l'ai brûlée.

      — Alors, c'est que votre mari fait des dettes.

      Elle hésita encore, puis murmura :

      — Je ne sais pas.

      Je déclarai brusquement :

      — C'est que je ne puis disposer de cinq mille francs en ce moment, ma chère cousine.

      Elle poussa une sorte de cri de souffrance.

      — Oh ! oh ! je vous en prie, je vous en prie, trouvez-les...

      Elle s'exaltait, joignait les mains comme si elle m'eût prié ! J'entendais sa voix changer de ton ; elle pleurait et bégayait, harcelée, dominée par l'ordre irrésistible qu'elle avait reçu.

      — Oh ! oh ! je vous en supplie... si vous saviez comme je souffre... il me les faut aujourd'hui.

      J'eus pitié d'elle.

      — Vous les aurez tantôt, je vous le jure.

      Elle s'écria :

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