Название: Horace
Автор: George Sand
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066088934
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—Où, demanda Horace impatient.
—Où bon lui semble, répondit Laravinière. Chemin faisant:—Je quitte M. Poisson pour toujours, me répondit-elle; mais je ne le quitte pas pour me mal conduire. Je n'ai pas d'amant, Monsieur; je vous jure devant Dieu, qui veille sur moi, puisqu'il vous a envoyé vers moi en ce moment, que je n'en ai pas et n'en veux pas avoir. Je me soustrais à de mauvais traitements, et voilà tout. J'ai un asile, chez une amie, chez une femme honnête et bonne; je vais vivre de mon travail. Ne venez pas me voir; il faut que je me tienne dans une grande réserve après une pareille fuite; mais gardez-moi un souvenir amical, et croyez que je n'oublierai jamais... Nouvelle poignée de main; adieu solennel, éternel peut-être, et puis, bonsoir, plus personne. Je sais où elle est, mais je ne sais chez qui, ni avec qui. Je ne chercherai pas à le savoir, et je ne mettrai personne sur la voie de le découvrir. C'est égal, je n'en ai pas dormi de la nuit et me voilà amoureux comme une bête! À quoi cela me servira-t-il?
—Et vous croyez, dit Horace ému, qu'elle n'a pas d'amant, qu'elle est chez une femme, qu'elle...
—Ah! je ne crois rien, je ne sais rien, et peu m'importe! Elle s'est emparée de moi. Me voilà forcé de tenir ce que j'ai promis, puisqu'on m'a subjugué. Ces diables de femmes! Arsène, du rhum! l'orateur est fatigué.»
Je regardai Arsène: son visage ne trahissait pas la moindre émotion. Je cessai de croire à son amour pour madame Poisson; mais, en voyant l'agitation d'Horace, je commençai à penser que le sien prenait un caractère sérieux. Nous nous séparâmes à la rue Gît-le-Coeur. Je rentrai accablé de fatigue. J'avais passé la nuit précédente auprès d'un ami malade, et je n'étais pas revenu chez moi de la journée.
Quoique j'eusse vu briller de la lumière derrière mes fenêtres, je fus tenté de croire qu'il n'y avait personne chez moi, à la lenteur qu'Eugénie mit à me recevoir. Ce ne fut qu'au troisième coup de sonnette qu'elle se décida à ouvrir la porte, après m'avoir bien regardé et interrogé par le guichet.
«Vous avez donc bien peur? lui dis-je en entrant.
—Très-peur, me répondit-elle; j'ai mes raisons pour cela. Mais puisque vous voilà, je suis tranquille.»
Ce début m'inquiéta beaucoup. «Qu'est-il donc arrivé? m'écriai-je.
—Rien que de fort agréable, répondit-elle en souriant, et j'espère que vous ne me désavouerez pas; j'ai, en votre absence, disposé de votre chambre.
—De ma chambre! grand Dieu! et moi qui ne me suis pas couché la nuit dernière! Mais pourquoi donc? et que veut dire cet air de mystère?
—Chut! ne faites pas de bruit! dit Eugénie en mettant sa main sur ma bouche. Votre chambre est habitée par quelqu'un qui a plus besoin de sommeil et de repos que vous.
—Voilà une étrange invasion! Tout ce que vous faites est bien, mon Eugénie, mais enfin...
—Mais enfin, mon ami, vous allez vous retirer de suite, et demander à votre ami Horace ou à quelque autre (vous n'en manquerez pas) de vous céder la moitié de sa chambre pour une nuit.
—Mais vous me direz au moins pour qui je fais ce sacrifice?
—Pour une amie à moi, qui est venue me demander un refuge dans une circonstance désespérée.
—Ah! mon Dieu! m'écriai-je, un accouchement dans ma chambre! Au diable le butor à qui je dois cet enfant-là!
—Non, non! rien de pareil! dit Eugénie en rougissant. Mais parlez donc plus bas, il n'y a point là d'affaire d'amour proprement dite; c'est un roman tout à fait pur et platonique. Mais, allez-vous-en.
—Ah ça, c'est donc une princesse enlevée pour qui vous prenez tant de précautions respectueuses?
—Non; mais c'est une femme comme moi, et elle a bien droit à quelque respect de votre part.
—Et vous ne me direz pas même son nom?
—A quoi bon ce soir? Nous verrons demain ce qu'on peut vous confier.
—Et, c'est une femme?... dis-je avec un grand embarras.
—Vous en doutez?» répondit Eugénie en éclatant de rire.
Elle me poussa vers la porte, et j'obéis machinalement. Elle me rendit ma lumière, et me reconduisit jusqu'au palier d'un air affectueux et enjoué, puis elle rentra, et je l'entendis fermer la porte à double tour, ainsi qu'une barre que j'y avais fait poser pour plus de sécurité quand je laissais Eugénie seule, le soir, dans ma mansarde.
Quand je fus au bas de l'escalier, je fus pris d'un vertige. Je ne suis point jaloux de ma nature, et d'ailleurs, jamais ma douce et sincère compagne ne m'avait donné le moindre sujet de méfiance. J'avais pour elle plus que de l'amour, j'avais une estime sans bornes pour son caractère, une foi absolue en sa parole. Malgré tout cela, je fus saisi d'une sorte de délire, et ne pus jamais me résoudre à descendre le dernier étage. Je remontai vingt fois jusqu'à ma porte; je redescendis autant de fois l'escalier. Le plus profond silence régnait dans ma mansarde et dans toute la maison. Plus je combattais ma folie, plus elle s'emparait de mon cerveau. Une sueur froide coulait de mon front. Je pensai plusieurs fois à enfoncer la porte: malgré la serrure et la barre de fer, je crois que j'en aurais eu la force dans ce moment-là; mais la crainte d'épouvanter et d'offenser Eugénie par cette violence et l'outrage d'un tel soupçon, m'empêchèrent de céder à la tentation. Si Horace m'eût vu ainsi, il m'aurait pris en pitié ou raillé amèrement. Après tout ce que je lui avais dit pour combattre les instincts de jalousie et de despotisme qu'il laissait percer dans ses théories de l'amour, j'étais d'un ridicule achevé.
Je ne pus néanmoins prendre sur moi de sortir de la maison. Je songeai bien à passer la nuit à me promener sur le quai; mais la maison avait une porte de derrière sur la rue Gît-le-Coeur, et pendant que j'en ferais le tour, on pouvait sortir d'un côté ou de l'autre. Une fois que j'aurais franchi la porte principale, soit que le portier fut prévenu, soit qu'il allât se coucher, j'étais sur de ne pas pouvoir rentrer passé minuit. Les portiers sont fort inhumains envers les étudiants, et le mien était des plus intraitables. Au diable l'hôtesse inconnue et sa réputation compromise! pensai-je; et ne pouvant renoncer à garder mon trésor à vue, ne pouvant plus résister à la fatigue, je me couchai sur la natte de paille dans l'embrasure de ma porte, et je finis par m'y endormir.
Heureusement nous demeurions au dernier étage de la maison, et la seule chambre qui donnât sur notre palier n'était pas louée. Je ne courais pas risque d'être surpris dans cette ridicule situation par des voisins médisants.
Je ne dormis ni longtemps ni paisiblement, comme on peut croire. Le froid du matin m'éveilla de bonne heure. J'étais brisé, je fumai pour me ranimer, et quand, vers six heures, j'entendis ouvrir la porte de la maison, je sonnai à la mienne. Il me fallut encore attendre et encore subir l'examen du guichet. Enfin il me fut permis de rentrer.
«Ah! mon Dieu! dit Eugénie en frottant ses yeux appesantis par un sommeil meilleur que le mien. Vous me paraissez changé! Pauvre Théophile! vous avez donc été bien mal couché chez votre ami Horace?
—On ne peut pas plus mal, répondis-je, un lit très dur. Et votre hôte, est-il enfin parti?
—Mon hôte!» dit-elle avec un СКАЧАТЬ