Название: Nouveaux mystères et aventures
Автор: Arthur Conan Doyle
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066088811
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Ce mystère piqua ma curiosité.
La facilité, avec laquelle on devient amoureux en villégiature à la campagne, est passée en proverbe, mais je n’ai jamais été d’une nature sentimentale et mon jugement ne fut faussé par aucune préférence en faveur de miss Warrender. Au contraire, je me mis à l’étudier comme un entomologiste l’eût fait pour un spécimen, d’une façon minutieuse, très impartiale.
Pour atteindre ce but, j’organisai mon travail de manière à être libre quand elle sortait les enfants pour leur faire prendre de l’exercice.
Nous nous promenâmes ainsi ensemble maintes fois, et cela m’avança dans la connaissance de son caractère plus que je n’eusse pu le faire en m’y prenant autrement.
Elle avait vraiment beaucoup lu, connaissait plusieurs langues d’une manière superficielle, et avait une grande aptitude naturelle pour la musique.
Au-dessous de ce vernis de culture, elle n’en avait pas moins une forte dose de sauvagerie naturelle.
Au cours de sa conversation, il lui échappait de temps à autre quelque sortie qui me faisait tressaillir par sa forme primitive de raisonnement et par le dédain des conventions de la civilisation.
Je ne pouvais guère m’en étonner, en songeant qu’elle était devenue femme avant d’avoir quitté la tribu sauvage que son père gouvernait.
Je me rappelle une circonstance qui me frappa tout particulièrement, car elle y laissa percer brusquement ses habitudes sauvages et originales.
Nous nous promenions sur la route de campagne. Nous parlions de l’Allemagne, où elle avait passé quelques mois, quand soudain elle s’arrêta, et posa son doigt sur ses lèvres.
—Prêtez-moi votre canne, me dit-elle à voix basse.
Je la lui tendis, et aussitôt, à mon grand étonnement, elle s’élança légèrement et sans bruit à travers une ouverture de la haie, son corps se pencha, et elle rampa avec agilité en se dissimulant derrière une petite hauteur. J’étais encore à la suivre des yeux, tout stupéfait, quand un lapin se leva soudain devant elle et partit.
Elle lança la canne sur lui et l’atteignit, mais l’animal parvint à s’échapper tout en boitant d’une patte.
Elle revint vers moi triomphante, essoufflée:
—Je l’ai vu remuer dans l’herbe, dit-elle, je l’ai atteint.
—Oui, vous l’avez atteint, vous lui avez cassé une patte, lui dis-je avec quelque froideur.
—Vous lui avez fait mal, s’écria le petit garçon d’un ton peiné.
—Pauvre petite bête! s’écria-t-elle, changeant soudain de manières. Je suis bien fâchée de l’avoir blessée.
Elle avait l’air tout à fait décontenancée par cet incident et causa très peu pendant le reste de notre promenade.
Pour ma part, je ne pouvais guère la blâmer.
C’était évidemment une explosion du vieil instinct qui pousse le sauvage vers une proie, bien que cela produisît une impression assez désagréable de la part d’une jeune dame vêtue à la dernière mode et sur une grande route d’Angleterre.
Un jour qu’elle était sortie, John Thurston me fit jeter un coup d’œil dans la chambre qu’elle habitait.
Elle avait là une quantité de bibelots hindous, qui prouvaient qu’elle était venue de son pays natal avec une ample cargaison.
Son amour d’Orientale pour les couleurs vives se manifestait d’une façon amusante.
Elle était allée à la ville où se tenait le marché, y avait acheté beaucoup de feuilles de papier rouge et bleu, qu’elle avait fixées au moyen d’épingles sur le revêtement de couleur sombre que jusqu’alors couvrait le mur.
Elle avait aussi du clinquant qu’elle avait réparti dans les endroits les plus en vue, et pourtant il semblait qu’il y ait quelque chose de touchant dans cet effort pour reproduire l’éclat des tropiques dans cette froide habitation anglaise.
Pendant les quelques premiers jours que j’avais passés à Dunkelthwaite, les singuliers rapports qui existaient entre miss Warrender et le secrétaire avaient simplement excité ma curiosité, mais après des semaines, et quand je me fus intéressé davantage à la belle Anglo-Indienne, un sentiment plus profond et plus personnel s’empara de moi.
Je me mis le cerveau à la torture pour deviner quel était le lien qui les unissait.
Comme se faisait-il que tout en montrant de la façon la plus évidente qu’elle ne voulait pas de sa société pendant le jour, elle se promenât seule avec lui, la nuit venue?
Il était possible que l’aversion qu’elle manifestait envers lui devant des tiers fût une ruse pour cacher ses véritables sentiments.
Une telle supposition amenait à lui attribuer une profondeur de dissimulation naturelle que semblait démentir la franchise de son regard, la netteté et la fierté de ses traits.
Et pourtant quelle autre hypothèse pouvait expliquer le pouvoir incontestable qu’il exerçait sur elle!
Cette influence perçait en bien des circonstances, mais il en usait d’une façon si tranquille, si dissimulée qu’il fallait une observation attentive pour s’apercevoir de sa réalité.
Je l’ai surpris lui lançant un regard si impérieux, même si menaçant, à ce qu’il me semblait, que le moment d’après, j’avais peine à croire que cette figure pâle et dépourvue d’expression fût capable d’en prendre une aussi marquée.
Lorsqu’il la regardait ainsi, elle se démenait, elle frissonnait comme si elle avait éprouvé de la souffrance physique.
«Décidément, me dis-je, c’est de la crainte et non de l’amour, qui produit de tels effets.»
Cette question m’intéressa tant, que j’en parlai à mon ami John.
Il était, à ce moment-là, dans son petit laboratoire, abîmé dans une série de manipulations, de distillations qui devaient aboutir à la production d’un gaz fétide, et nous faire tousser en nous prenant à la gorge.
Je profitai de la circonstance qui nous obligeait à respirer le grand air, pour l’interroger sur quelques points sur lesquels je désirais être renseigné.
—Depuis combien de temps disiez-vous que miss Warrender se trouve chez votre oncle? demandai-je.
John me jeta un regard narquois et agita son doigt taché d’acide.
—Il me semble que vous vous intéressez bien singulièrement à la fille du défunt et regretté Achmet Genghis, dit-il.
—Comment s’en empêcher? répondis-je franchement. Je lui trouve un des types les plus romanesques que j’aie jamais rencontrés.
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