Название: Deux. Impair
Автор: Federico Montuschi
Издательство: Tektime S.r.l.s.
Жанр: Полицейские детективы
isbn: 9788893986472
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Dehors, il tombait une pluie fine mais constante, qui toucha en premier lieu son âme avant de pénétrer ses os.
En sortant de l’aéroport, il avait sauté dans le premier taxi disponible et, dans un espagnol assez approximatif, mais toutefois convenable, il avait demandé au chauffeur de le conduire dans le quartier italien.
Le chauffeur, un homme petit et suant, un mégot de cigarette suspendu aux lèvres, l’avait regardé d’un air étrange.
Ce jeune homme blond, grand, musclé, portant une chemise à carreaux et des Ray-Ban posées sur le front, malgré l’obscurité qui enveloppait déjà les petites routes mal éclairées de la zone environnant l’aéroport, lui rappelait le personnage d’un jeu vidéo qui l’avait marqué des années plus tôt, à l’époque du lycée.
Duke Nukem, s’il se rappelait bien.
Le jeune homme voyageait avec un seul bagage et n’arrêtait pas de regarder autour de lui avec des yeux de furet, qui se déplaçaient de gauche à droite avec une incroyable rapidité, alors que sa tête restait immobile.
« Il n’y a pas de quartier italien à San José, monsieur », avait déclaré le chauffeur, sans se tourner.
Depuis le siège arrière, aucun commentaire ne lui était parvenu.
Incertain sur la conduite à suivre, le chauffeur observait la réaction du jeune homme dans le miroir du rétroviseur.
Rien.
Aucun mouvement des muscles du visage, aucune réaction émotive.
Aucun tic nerveux.
Le chauffeur avait pris une profonde respiration, le mégot de cigarette toujours suspendu et il avait attendu, tambourinant les doigts sur l'accoudoir de sa Citroën Picasso bleue.
La pluie insistait sur le pare-brise et sur la vitre arrière avec un martellement monotone, mais cela ne semblait pas déranger le passager.
Le chauffeur s’était senti obligé de rompre ce silence qui le mettait étrangement mal à l’aise :
« Je ne veux pas vous presser, mais je dois de vous dire que le compteur tourne.
— Je vous remercie. Vous pouvez démarrer.
— Et où allons-nous ? Comme je vous l’ai dit, il n’y a pas de communauté italienne à San José, je suis désolé.
— Démarrez, s’il vous plaît. Nous ferons un tour dans la zone environnant la ville. Je vous dirai quand vous arrêter, ne vous inquiétez pas. »
Le jeune homme semblait gentil.
Le chauffeur n’avait pas l’habitude d’avoir des passagers qui utilisaient fréquemment des formules telles que « je vous remercie », « s’il vous plait » ou « ne vous inquiétez pas ».
Il avait enclenché la première et était parti, accélérant doucement, cherchant à détacher le moins possible son regard du miroir du rétroviseur.
D’un côté, cet homme l'intriguait, mais d’un autre, il l’effrayait, ou quelque chose de similaire.
Il avait un regard furtif et anormalement rapide et il ne cessait de caresser imperceptiblement sa valise, qu’il n’avait pas voulu mettre dans le coffre, presque en transe.
« Vous avez fait un long voyage ? » avait demandé le taxi, plus par politesse que par réel intérêt.
C’était la demande la plus banale que l’on pouvait faire à un passager débarquant d’un vol international.
« Oui. C’est la première fois que je prends l’avion. À dire vrai, c’est aussi la première fois que je sors de l’Europe.
— Vous êtes italien ?
— Oui... », avait répondu le jeune homme distrait, pour ensuite se corriger immédiatement « ...en fait non. Je suis slave, mais j’ai toujours vécu en Italie. Je ne parle pas la langue, le slave, j’ai vécu en Yougoslavie jusqu’à l’âge de quatre ans, puis la guerre civile a éclaté et mes parents se sont enfuis en Italie. J’ai appris l’italien et j’ai oublié le slave.
— Il y a eu une guerre civile en Yougoslavie ? »
Le taxi s’était senti gêné par son ignorance à peine avait-il terminé de formuler sa question, mais il était trop tard et la réponse du jeune homme ne s’était pas fait attendre.
« Bien sûr, qu'il y a eu une guerre, il y en a même eu plusieurs...et quelles guerres ! La fédération a été littéralement anéantie, dans les années quatre-vingt-dix. D’abord la Slovénie, puis la Serbie, la Croatie, le Monténégro...et toutes les autres régions suivirent de près l’une après l’autre, des guerres terribles ! Et la communauté internationale était là à regarder le spectacle. Mieux vaut ne pas en parler, vraiment. »
Le chauffeur, regrettant d’avoir posé cette question si gênante dans une conversation avec un inconnu, avait décidé de laisser passer quelques instants de silence, lourd de pensées pour chacun d’eux.
Ce fut le jeune homme qui reprit la conversation.
« Chez vous en revanche c’est plus tranquille, non ?
— Eh bien nous, nous sommes les Suisses de l’Amérique centrale, vous ne le saviez pas ?
— Franchement, non.
— Nous, depuis la guerre civile de 1948, nous avons supprimé l’armée. À quoi sert une armée dans un pays comme le nôtre ? Le gouvernement a utilisé les ressources militaires pour l’éducation et la culture. Nous en sommes très fiers. Nos enfants étudient, au lieu de combattre. Pura vida , monsieur, pura vida ».
Les yeux du chauffeur de taxi s’étaient illuminés.
Il était extrêmement fier de sa nationalité et il ne perdait pas une occasion, pendant un trajet entre l’aéroport et la ville, de chanter à ses passagers les louanges du Costa Rica, terre unique, constellée de richesses naturelles et d’un patrimoine culturel, ainsi que d'un peuple, hors du commun.
« Et savez-vous, monsieur, que le Costa Rica a l’indice moyen de bonheur le plus élevé du monde ? », avait-il poursuivi, enthousiaste.
Le jeune homme avait répondu sans trop d’emphase.
« Et c’est quoi cet indice moyen de bonheur ?
— C’est simple. », avait repris le chauffeur, « Il s’agit de statistiques élaborées au niveau mondial dans cent-quarante-neuf pays, basées sur un questionnaire qui comprend une seule question : sur une échelle de zéro à dix, à quel point êtes-vous globalement satisfait de votre vie ?
— Intéressant ; et quels sont les résultats ?
— Eh bien, le Costa Rica arrive en tête du classement. Indice moyen de bonheur supérieur à neuf points. Pura vida , hein ?
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