Название: Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 4 - (C suite)
Автор: Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
Издательство: Public Domain
Жанр: Техническая литература
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Au-dessus de ces archivoltes, ce mur se retraite en F de manière à permettre aux pilastres G de porter les formerets supérieurs. C est l'arc doubleau du collatéral; D les arêtes des voûtes de ce collatéral, et H celles des voûtes hautes. Les voûtes des collatéraux sont bandées sur les arcs doubleaux C, les extrados des archivoltes B et sur un formeret noyé en partie dans le mur du bas-côté, et portant comme les formerets supérieurs de la fig. 10. Ainsi donc déjà les membres des voûtes donnent la section horizontale des piles, leur forme dérive de ces membres. Cependant ces voûtes étaient contre-butées d'une manière insuffisante, des mouvements se faisaient sentir dans les piles; par suite, les nerfs principaux des voûtes, les arcs doubleaux se déformaient. Ne sachant comment maintenir les poussées, les constructeurs se préoccupèrent d'abord de rendre leur effet moins funeste. Ils avaient observé que plus les claveaux d'un arc présentent une grande section de l'intrados à l'extrados, et plus les mouvements qui se produisent dans cet arc occasionnent de désordre. Ils n'étaient pas les premiers qui eussent reconnu cette loi. Les Romains, avant eux, lorsqu'ils avaient eu de grands arcs à bander, avaient eu le soin de les former de plusieurs rangs de claveaux concentriques, mais indépendants les uns des autres, ainsi que l'indique la fig. 11 en A. Les arcs construits de cette manière forment comme autant de cerceaux agissant séparément et conservant une élasticité beaucoup plus grande, et, par suite, plus de résistance qu'un arc de même section construit d'après la méthode indiquée en B.
Les constructeurs romans composèrent, d'après ce principe, leurs arcs doubleaux de deux rangs de claveaux concentriques: l'un, celui d'intrados, prenant une section ou portion de rayon plus longue que celui de l'extrados; et comme les arcs doubleaux n'étaient que des cintres permanents destinés à recevoir les bouts des couchis sur lesquels on maçonnait la voûte, ils donnèrent à ce second rang de claveaux une saillie sur le premier propre à porter ces bouts de couchis. La fig. 12 explique cette méthode. En A est le rang des claveaux de l'intrados, en B celui des claveaux de l'extrados avec les deux saillies C destinées à recevoir les bouts des couchis D sur lesquels on maçonnait les voûtes. Les formerets ayant un moins grand diamètre, et n'étant pas sujets aux effets des poussées, sont composés d'un seul rang de claveaux portant, ainsi que le démontre la fig. 12 bis, la saillie nécessaire à la pose des couchis. On voit déjà que les constructeurs romans laissaient en évidence leurs moyens matériels de construction; que, loin de chercher à les dissimuler, ils composaient leur architecture de ces moyens mêmes. Veut-on d'autres preuves de ce fait? Les Romains terminaient le sommet de leurs colonnes par des chapiteaux; mais la saillie du tailloir de ces chapiteaux ne portait rien: ce n'était qu'un ornement.
Ainsi, lorsque les Romains posaient une voûte d'arête sur des colonnes, comme il arrivait fréquemment, dans les salles de thermes, par exemple, le sommier de la voûte était à l'aplomb du nu de la colonne (13). Et alors, chose singulière et dont on ne peut donner la raison, non-seulement le fût de la colonne romaine portait son chapiteau, mais l'entablement complet de l'ordre; de sorte que, par le fait, toute la partie comprise entre A et B ne servait à rien, et que les fortes saillies B n'avaient pu être utilisées que pour poser les cintres en charpente destinés à fermer les voûtes. Il faut avouer que c'était beaucoup de luxe pour un objet accessoire. Lorsque les constructeurs romans posent un arc sur une colonne isolée ou engagée, le chapiteau n'est qu'un encorbellement destiné à recevoir le sommier de l'arc, une saillie servant de transition entre le fût cylindrique de la colonne et l'assiette carrée du sommier (14). Alors le chapiteau n'est pas seulement un ornement, c'est un membre utile de la construction (voy. CHAPITEAU).
Les constructeurs romans avaient-ils une corniche de couronnement à placer à la tête d'un mur à l'extérieur, avares de temps et de matériaux, ils se gardaient bien d'évider à grands frais les divers membres de cette corniche dans une seule pierre; ils posaient, par exemple, des corbeaux saillants entre la dernière rangée de moellons, et sur ces corbeaux ils plaçaient une tablette en pierre servant d'égout à la couverture (voy. CORNICHE). Il est inutile d'insister davantage sur ces détails, qui viendront se présenter à leur place dans le cours de cet ouvrage.
La construction des voûtes était donc la grande préoccupation des architectes du moyen âge; ils étaient arrivés, ainsi que nous venons de le faire voir, à des combinaisons ingénieuses en elles-mêmes, qu'ils n'avaient pas encore trouvé les moyens propres à maintenir sûrement ces voûtes et qu'ils en étaient réduits aux expédients. Ainsi, par exemple, ils maçonnaient les remplissages de ces voûtes en tuf, en matériaux légers, afin de diminuer les effets des poussées; ils les réduisaient d'épaisseur autant que possible; ils bloquaient des maçonneries sous les combles des collatéraux au droit de ces poussées, dans l'espoir d'empêcher le déversement des piles; ils posaient des chaînages en bois transversaux à la base de ces contre-forts masqués par la pente des combles, pour rendre les piles solidaires des murs extérieurs. Ces expédients étaient suffisants dans de petites constructions; ils ne faisaient, dans les grandes, que ralentir l'effet des poussées sans les détruire complétement.
Il faut se rendre compte de ces effets pour concevoir la suite de raisonnements et d'essais par lesquels les constructeurs passèrent de l'ignorance à la science. Soit (15) la coupe transversale d'une église romane de la fin du XIe siècle, construite, comme celle de Vézelay, avec voûtes d'arêtes sur les collatéraux et sur la nef centrale. En A la construction est figurée telle que l'architecte l'avait conçue; en B, telle que l'effort des voûtes hautes l'avait déformée. On avait eu le soin de laisser des tirants en fer C D à la naissance des arcs doubleaux; mais ces tirants, mal forgés probablement, s'étaient brisés. Un siècle et demi après la construction de la nef, les effets produits avaient déjà causé la chute de plusieurs voûtes, et on avait à la hâte construit les arcs-boutants extérieurs E ponctués sur notre dessin. Ces effets étaient: 1º déversement des piles et murs qui les relient de F en G, par suite affaissement des arcs doubleaux en H à la clef, écrasement des lits des claveaux des reins de ces arcs en I à l'intrados; 2º dislocation des arcs doubleaux K des collatéraux, comme notre figure l'indique; par suite encore, déversement des murs extérieurs L des bas-côtés. Ces effets se produisaient partout de la même manière. En les étudiant, les constructeurs crurent, non sans raison, puisque le fait est constant, que tout le mal était produit par la poussée des arcs plein cintre et des voûtes qu'ils supportent en partie; que la concavité trop plate de ces voûtes avait une action oblique, une poussée trop considérable; que la poussée d'un arc plein cintre augmente en raison directe de son action; que la déformation subie par ces arcs indique leurs points faibles, savoir: la clef et les reins; que toutes les fois qu'un arc plein cintre n'est pas parfaitement contre-butté et que les piles qui le supportent s'écartent, ces arcs se déforment, ainsi que l'indique la fig. 16.