Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 2 - (A suite - C). Eugene-Emmanuel Viollet-le-Duc
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СКАЧАТЬ ou cherche des effets dans lesquels l'exagération a plus de part que le goût. Le profil de la base que nous donnons (fig. 35) en est un exemple: c'est un profil roman; la scotie est maladroitement remplie par un perlé qui amollit encore ce profil, déjà trop plat pour une pile de ce diamètre. Ce n'est pas ainsi que procédaient les maîtres, les architectes tels que Robert de Luzarches, Pierre de Corbie, Pierre de Montereau et tant d'autres sortis des écoles de l'Ile de France, de la Champagne, de la Picardie et de la Bourgogne; ils ne donnaient rien au hasard, et ils se rendaient compte, dans leurs compositions d'ensemble comme dans le tracé des moindres profils, en praticiens habiles qu'ils étaient, des effets qu'ils voulaient produire.

      Qu'on ne s'étonne pas si, à propos des bases, nous entrons dans des considérations aussi étendues. Les bases, leur compositions leurs profils, ont, dans les édifices, une importance au moins égale à celle des chapiteaux; elles donnent l'échelle de l'architecture. Celles qui sont posées sur le sol étant près de l'oeil deviennent le point de comparaison, le module qui sert à établir des rapports entre les moulures, les faisceaux de colonnes, les nervures des voûtes. Trop fines ou trop accentuées, elles feront paraître les membres supérieurs d'un monument lourds ou maigres 95.

      Aussi les bases sont-elles traitées par les grands maîtres des oeuvres du XIIIe siècle avec un soin, un amour tout particulier. Si elles sont posées très-près du sol et vues de haut en bas, leurs profils s'aplatiront, leurs moindres détails se prêteront à cette position (36 A). Si, au contraire, elles portent des colonnes supérieures telles que celles des fenêtres hautes, des triforiums, et si, par conséquent, on ne peut les voir que de bas en haut, leurs moulures, tores, scoties et listels prendront de la hauteur (36 B), de manière que, par l'effet de la perspective, les profils de ces bases inférieures et supérieures paraîtront les mêmes. Cette étude de l'effet des profils des bases est bien évidente dans la nef de la cathédrale d'Amiens, bâtie d'un seul jet de 1225 à 1235. Là, plus les bases se rapprochent de la voûte et plus leurs profils sont hauts, tout en conservant exactement les mêmes membres de moulures.

      Depuis les premiers essais de l'architecture du XIIe siècle, dans les provinces de France, jusque vers 1225 environ, lorsque des piles se composent de faisceaux de colonnes inégales de diamètre, la réunion des bases donne des profils différents de hauteur en raison de la grosseur des diamètres des colonnes; du moins cela est fréquent; c'est-à-dire que la grosse colonne a sa base et la colonne fine la sienne, les profils étant semblables mais inégaux. Ce fait est bien remarquable à la cathédrale de Laon 96, dont quelques piles de la nef se composent de grosses colonnes monocylindriques flanquées de colonnettes détachées, d'un faible diamètre (37). A donne le profil de la grosse colonne centrale et B le profil des colonnettes reposant tous deux sur un socle et une plinthe de même épaisseur. Mais déjà, de 1230 à 1240, nous voyons les piles composées de colonnes de diamètres inégaux posséder le même profil de base pour ces colonnes, indépendamment de leur diamètre. Il est certain que, quelle que fût la composition de la pile, les architectes du XIIIe siècle voulaient qu'elle eût sa base, et non ses bases; c'était là une question d'unité. À la Sainte-Chapelle de Paris (voy. fig. 34), les trois colonnes des piles engagées et les colonnettes de l'arcature ont le même profil de base, qui se continue entre ces colonnettes le long du pied de la tapisserie; seulement le profil appliqué aux colonnettes de l'arcature et courant le long du parement est plus camard que celui des grosses colonnes. Les architectes du XIIIe siècle, artistes de goût autant au moins que logiciens scrupuleux, avaient senti qu'il fallait, dans leurs édifices composés de tant de membres divers, nés successivement du principe auquel ils s'étaient soumis, rattacher ces membres par de grandes lignes horizontales, d'autant mieux accusées qu'elles étaient plus rares. La base placée presque au niveau de l'oeil était, plus que le sol encore, le véritable point de départ de toute leur ordonnance; ils cherchaient si bien à éviter, dans cette ligne, les ressauts, les démanchements de niveaux, qu'ils réunissaient souvent les bases des piles adossées aux murs par une assise continuant le profil de ces bases, ainsi qu'on peut le voir à la Sainte-Chapelle de Paris.

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      1

       Voy. la notice sur le Hortus deliciarum, par M. A. Le Noble; Bibl. de l'école des Chartes, t. I, p. 238.

      2

       Descript. de la cathéd. de Chartres, par M. l'abbé Bulteau, 1850.

      3

       Sei libri della Cosmog. univ. Seb. Munstero, édit. de 1563.

      4

       Nous donnons ici le fac-simile de cette gravure tirée du chapitre intitulé: «Delle maravigliose et monstruose creature che si trovano nel' interne parti der Africa.»

      5

       Le sceptre est brisé.

      6

       Il y a des lois qui prononcent des peines assez sévères contre ceux qui mutilent les édifices publics; les cathédrales et les églises, que nous sachions, ne sont pas exceptées. Tous les jours, cependant, des enfants, à la sortie des écoles, jettent des pierres, à heures fixes, contre leurs sculptures, et cela sur toute la surface de la France. Il nous est arrivé quelquefois de nous plaindre de cette habitude sauvage; mais la plainte d'un particulier désintéressé n'est guère écoutée. Les magistrats chargés de la police urbaine rendraient un service aux arts et aux artistes, et aussi à la civilisation, s'ils voulaient faire exécuter à cet égard les lois en vigueur. On le fait bien pour la destruction intempestive du gibier. Or un bas-relief vaut, sinon pour tout le monde, au moins pour quelques-uns, une perdrix, les lois s'exécutent d'ordinaire, quel que soit le petit nombre de ceux dont elles protègent les intérêts (voy. art. 257 du code Napoléon, code pénal). Toutes les mutilations des figures si curieuses, et belles souvent, que nous avons données ci-dessus, sont dues bien plus aux mains des enfants sortant de nos écoles publiques, qu'au marteau des démolisseurs de 1793.

      7

       A, de la crypte de l'église Saint-Léger à Soissons; B, de la crypte de l'église de Saint-Denis en France; C, de la nef de l'église СКАЧАТЬ



<p>95</p>

Combien d'édifices, dont l'effet intérieur était détruit par ces amas de chaises ou de bancs encombrant leurs bases, paraissent cent fois plus beaux une fois ces meubles enlevés.

<p>96</p>

Commencement du XIIIe siècle.