Don Juan, ou le Festin de pierre. Жан-Батист Мольер
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Читать онлайн книгу Don Juan, ou le Festin de pierre - Жан-Батист Мольер страница 4

СКАЧАТЬ que vous savez mal vous défendre pour un homme de cour, et qui doit être accoutumé à ces sortes de choses! J'ai pitié de vous voir la confusion que vous avez. Que ne vous armez-vous le front d'une noble effronterie? que ne me jurez-vous que vous êtes toujours dans les mêmes sentiments pour moi, que vous m'aimez toujours avec une ardeur sans égale, et que rien n'est capable de vous détacher de moi que la mort? que ne me dites-vous que des affaires de la dernière conséquence vous ont obligé à partir sans m'en donner avis; qu'il faut que, malgré vous, vous demeuriez ici quelque temps, et que je n'ai qu'à m'en retourner d'où je viens, assurée que vous suivrez mes pas le plus tôt qu'il vous sera possible; qu'il est certain que vous brûlez de me rejoindre, et qu'éloigné de moi vous souffrez ce que souffre un corps qui est séparé de son âme? Voilà comme il faut vous défendre, et non pas être interdit comme vous êtes.

      – Don Juan -

      Je vous avoue, Madame, que je n'ai point le talent de dissimuler, et que je porte un coeur sincère. Je ne vous dirai point que je suis toujours dans les mêmes sentiments pour vous, et que je brûle de vous rejoindre, puisqu'enfin il est assuré que je ne suis parti que pour vous fuir; non point pour les raisons que vous pouvez vous figurer, mais par un pur motif de conscience, et pour ne croire pas qu'avec vous davantage je puisse vivre sans péché. Il m'est venu des scrupules, Madame, et j'ai ouvert les yeux de l'âme sur ce que je faisais. J'ai fait réflexion que, pour vous épouser, je vous ai dérobée à la clôture d'un couvent, que vous avez rompu des voeux qui vous engageaient autre part, et que le ciel est fort jaloux de ces sortes de choses. Le repentir m'a pris, et j'ai craint le courroux céleste. J'ai cru que notre mariage n'était qu'un adultère déguisé, qu'il nous attirerait quelque disgrâce d'en haut, et qu'enfin je devais tâcher de vous oublier, et vous donner moyen de retourner à vos premières chaînes. Voudriez-vous, Madame, vous opposer à une si sainte pensée, et que j'allasse, en vous retenant, me mettre le ciel sur les bras; que pour…

      – Done Elvire -

      Ah! scélérat, c'est maintenant que je te connais tout entier; et, pour mon malheur, je te connais lorsqu'il n'en est plus temps, et qu'une telle connaissance ne peut plus me servir qu'à me désespérer. Mais sache que ton crime ne demeurera pas impuni, et que le même ciel dont tu te joues me saura venger de ta perfidie.

      – Don Juan -

      Sganarelle, le ciel !

      – Sganarelle -

      Vraiment oui, nous nous moquons bien de cela, nous autres.

      – Don Juan -

      Madame…

      – Done Elvire -

      Il suffit. je n'en veux pas ouïr davantage, et je m'accuse même d'en avoir trop entendu. C'est une lâcheté que de se faire expliquer trop sa honte; et sur de tels sujets, un noble coeur, au premier mot, doit prendre son parti. N'attends pas que j'éclate ici en reproches et en injures; non, non, je n'ai point un courroux à exhaler en paroles vaines, et toute sa chaleur se réserve pour sa vengeance. Je te le dis encore, le ciel te punira, perfide, de l'outrage que tu me fais, et si le ciel n'a rien que tu puisses appréhender, appréhende du moins la colère d'une femme offensée.

      Scène IV. – Don Juan, Sganarelle.

      – Sganarelle -

      (à part.)

      Si le remords le pouvait prendre !

      – Don Juan -

      (après un moment de réflexion.)

      Allons songer à l'exécution de notre entreprise amoureuse.

      – Sganarelle -

      (seul.)

      Ah! quel abominable maître me vois-je obligé de servir !

      ACTE SECOND

      Le théâtre représente une campagne au bord de la mer.

      Scène première. – Charlotte, Pierrot.

      – Charlotte -

      Notre dinse, Piarrot, tu t'es trouvé là bien à point !

      – Pierrot -

      Parguienne, il ne s'en est pas fallu l'époisseur d'une éplingue, qu'ils ne se sayant nayés tous deux.

      – Charlotte -

      C'est donc le coup de vent d'à matin qui les avait renvarsés dans la mar ?

      – Pierrot -

      Aga1, quien, Charlotte, je m'en vas te conter tout fin drait comme cela est venu: car, comme dit l'autre, je les ai le premier avisés, avisés le premier je les ai. Enfin donc j'étions sur le bord de la mar, moi et le gros Lucas, et je nous amusions à batifoler avec des mottes de tarre que je nous jesquions à la tête; car, comme tu sais bian, le gros Lucas aime à batifoler, et moi, par fouas, je batifole itou. En batifolant donc, pisque batifoler y a, j'ai aparçu de tout loin queuque chose qui grouillait dans gliau, et qui venait comme envars nous par secousse. Je voyais cela fixiblement, et pis tout d'un coup je voyais que je ne voyais plus rien. Eh! Lucas, c'ai-je fait, je pense que vlà des hommes qui nageant là-bas. Voire, ce m'a-t-il fait, t'as été au trépassement d'un chat, t'as la vue trouble2. Palsanguienne, c'ai-je fait, je n'ai point la vue trouble, ce sont des hommes. Point du tout, ce m'a-t-il fait, t'as la barlue. Veux-tu gager, c'ai-je fait, que je n'ai point la barlue, c'ai-je fait, et que ce sont deux hommes, c'ai-je fait, qui nageant droit ici, c'ai-je fait? Morguienne, ce m'a-t-il fait, je gage que non. Oh! ça, c'ai-je fait, veux-tu gager dix sous que si? Je le veux bian, ce m'a-t-il fait, et, pour te montrer, vlà argent su jeu, ce m'a-t-il fait. Moi, je n'ai point été ni fou, ni estourdi; j'ai bravement bouté à tarre quatre pièces tapées, et cinq sous en doubles, jerniguienne, aussi hardiment que si j'avais avalé un varre de vin, car je sis hasardeux, moi, et je vas à la débandade. Je savais bian ce que je faisais pourtant. Queuque gniais! Enfin donc, je n'avons pas putôt eu gagé, que j'avons vu les deux hommes tout à plain, qui nous faisiant signe de les aller querir; et moi de tirer auparavant les enjeux. Allons, Lucas, c'ai-je dit, tu vois bian qu'ils nous appelont; allons vite à leu secours. Non, ce m'a-t-il dit, ils m'ont fait pardre. Oh! donc, tanquia qu'à la parfin, pour le faire court, je l'ai tant sarmonné, que je nous sommes boutés dans une barque, et pis j'avons tant fait cahin caha, que je les avons tirés de gliau, et pis je les avons menés cheux nous auprès du feu, et pis ils se sant dépouillés tous nus pour se sécher, et pis il y en est venu encore deux de la même bande, qui s'équiant sauvés tout seuls; et pis Mathurine est arrivée là, à qui l'en a fait les doux yeux. Vlà justement, Charlotte, comme tout ça s'est fait.

      – Charlotte -

      Ne m'as-tu pas dit, Piarrot, qu'il y en a un qu'est bien pu mieux fait que les autres ?

      – Pierrot -

      Oui, c'est le maître. Il faut que ce soit queuque gros, gros monsieur, car il a du dor à son habit tout depis le haut jusqu'en bas; et ceux qui le servont sont des monsieux eux-mêmes; et stapandant, tout gros monsieu qu'il est, il serait par ma fiqué nayé si je n'aviomme été là.

      – Charlotte -

      Ardez3 un peu.

      – Pierrot СКАЧАТЬ



<p>1</p>

"Aga" est une interjection d'admiration encore usitée dans quelques pays de France. Elle n'est point tirée du grec, comme plusieurs hellénistes l'ont pensé. La nature l'a fournie à nos ancêtres comme les autres interjections "ah !" "oh !" "eh !" (Mén.)

<p>2</p>

Ce proverbe, fondé sur quelque superstition populaire, se trouve dans la "Comédie des Proverbes", d'Adrien de Montluc: "Tu as la berlue; je crois que tu as été au trépassement d'un chat, tu vois trouble." (A.)

<p>3</p>

"Ardez", abréviation de "regardez".