L'Abbesse De Castro. Stendhal
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу L'Abbesse De Castro - Stendhal страница 5

Название: L'Abbesse De Castro

Автор: Stendhal

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ en tous sens, mais préparez vos larmes, je vais tuer l'insolent qui ose s'attaquer à votre fenêtre.

      Ces paroles étaient à peine prononcées qu'Hélène entendit sa mère frapper à la porte de sa chambre.

      Hélène se hâta d'ouvrir, en disant qu'elle ne concevait pas comment cette porte se trouvait fermée.

      – Pas de comédie avec moi, mon cher ange, lui dit sa mère, ton père est furieux et te tuera peut-être: viens te placer avec moi dans mon lit; et, si tu as une lettre, donne-la-moi, je la cacherai.

      Hélène lui dit:

      – Voilà le bouquet, la lettre est cachée entre les fleurs.

      A peine la mère et la fille étaient-elles au lit, que le seigneur Campireali rentra dans la chambre de sa femme, il revenait de son oratoire, qu'il était allé visiter, et où il avait tout renversé. Ce qui frappa Hélène, c'est que son père, pâle comme un spectre, agissait avec lenteur et comme un homme qui a parfaitement pris son parti. «Je suis morte!» se dit Hélène.

      – Nous nous réjouissons d'avoir des enfants, dit son père en passant près du lit de sa femme pour aller à la chambre de sa fille, tremblant de fureur, mais affectant un sang-froid parfait; nous nous réjouissons d'avoir des enfants, nous devrions répandre des larmes de sang plutôt quand ces enfants sont des filles. Grand Dieu! Est-il bien possible! Leur légèreté peut enlever l'honneur à tel homme qui, depuis soixante ans, n'a pas donné la moindre prise sur lui.

      En disant ces mots, il passa dans la chambre de sa fille.

      – Je suis perdue, dit Hélène à sa mère, les lettres sont sous le piédestal du crucifix, à côté de la fenêtre.

      Aussitôt, la mère sauta hors du lit, et courut après son mari: elle se mit à lui crier les plus mauvaises raisons possibles, afin de faire éclater sa colère: elle y réussit complètement. Le vieillard devint furieux, il brisait tout dans la chambre de sa fille; mais la mère put enlever les lettres sans être aperçue. Une heure après, quand le seigneur de Campireali fut rentré dans sa chambre à côté de celle de sa femme, et tout étant tranquille dans la maison, la mère dit à sa fille: – Voilà tes lettres, je ne veux pas les lire, tu vois ce qu'elles ont failli nous coûter! A ta place, je les brûlerais. Adieu, embrasse-moi.

      Hélène rentra dans sa chambre, fondant en larmes; il lui semblait que, depuis ces paroles de sa mère, elle n'aimait plus Jules. Puis elle se prépara à brûler ses lettres; mais, avant de les anéantir, elle ne put s'empêcher de les relire. Elle les relut tant et si bien, que le soleil était déjà haut dans le ciel quand enfin elle se détermina à suivre un conseil salutaire.

      Le lendemain, qui était un dimanche, Hélène s'achemina vers la paroisse avec sa mère; par bonheur, son père ne les suivit pas. La première personne qu'elle aperçut dans l'église, ce fut Jules Branciforte. D'un regard elle s'assura qu'il n'était point blessé. Son bonheur fut au comble; les événements de la nuit étaient à mille lieues de sa mémoire. Elle avait préparé cinq ou six petits billets tracés sur des chiffons de vieux papier souillés avec de la terre détrempée d'eau, et tels qu'on peut en trouver sur les dalles d'une église; ces billets contenaient tous le même avertissement:

      «Ils avaient tout découvert, excepté son nom. Qu'il ne reparaisse plus dans la rue; on viendra ici souvent.»

      Hélène laissa tomber un de ces lambeaux de papier; un regard avertit Jules, qui ramassa et disparut. En rentrant chez elle, une heure après, elle trouva sur le grand escalier du palais un fragment de papier qui attira ses regards par sa ressemblance exacte avec ceux dont elle s'était servie le matin. Elle s'en empara, sans que sa mère elle-même s'aperçût de rien; elle y lut:

      «Dans trois jours il reviendra de Rome, où il est forcé d'aller. On chantera en plein jour, les jours de marché, au milieu du tapage des paysans, vers dix heures.»

      Ce départ pour Rome parut singulier à Hélène. «Est-ce qu'il craint les coups d'arquebuse de mon frère?» se disait-elle tristement. L'amour pardonne tout, excepté l'absence volontaire; c'est qu'elle est le pire des supplices. Au lieu de se passer dans une douce rêverie et d'être tout occupée à peser les raisons qu'on a d'aimer son amant, la vie est agitée par des doutes cruels. «Mais, après tout, puis-je croire qu'il ne m'aime plus?» se disait Hélène pendant les trois longues journées que dura l'absence de Branciforte. Tout à coup ses chagrins furent remplacés par une joie folle: le troisième jour, elle le vit paraître en plein midi, se promenant dans la rue devant le palais de son père. Il avait des habillements neufs et presque magnifiques. Jamais la noblesse de sa démarche et la naïveté gaie et courageuse de sa physionomie n'avaient éclaté avec plus d'avantage; jamais aussi, avant ce jour-là, on n'avait parlé si souvent dans Albano de la pauvreté de Jules. C'étaient les hommes et surtout les jeunes gens qui répétaient ce mot cruel; les femmes et surtout les jeunes filles ne tarissaient pas en éloges de sa bonne mine.

      Jules passa toute la journée à se promener par la ville; il semblait se dédommager des mois de réclusion auxquels sa pauvreté l'avait condamné. Comme il convient à un homme amoureux, Jules était bien armé sous sa tunique neuve. Outre sa dague et son poignard, il avait mis son giacco (sorte de gilet long en mailles de fil de fer, fort incommode à porter, mais qui guérissait ces coeurs italiens d'une triste maladie, dont en ce siècle-là on éprouvait sans cesse les atteintes poignantes, je veux parler de la crainte d'être tué au détour de la rue par un des ennemis qu'on se connaissait). Ce jour-là, Jules espérait entrevoir Hélène, et, d'ailleurs, il avait quelque répugnance à se trouver seul avec lui-même dans sa maison solitaire: voici pourquoi. Ranuce, un ancien soldat de son père, après avoir fait dix campagnes avec lui dans les troupes de divers condottieri, et, en dernier lieu, dans celles de Marco Sciarra, avait suivi son capitaine lorsque ses blessures forcèrent celui-ci à se retirer. Le capitaine Branciforte avait des raisons pour ne pas vivre à Rome: il était exposé à y rencontrer les fils d'hommes qu'il avait tués; même dans Albano, il ne se souciait pas de se mettre tout à fait à la merci de l'autorité régulière. Au lieu d'acheter ou de louer une maison dans la ville, il aima mieux en bâtir une située de façon à voir venir de loin les visiteurs. Il trouva dans les ruines d'Albe une position admirable: on pouvait sans être aperçu par les visiteurs indiscrets, se réfugier dans la forêt où régnait son ancien ami et patron, le prince Fabrice Colonna. Le capitaine Branciforte se moquait fort de l'avenir de son fils. Lorsqu'il se retira du service, âgé de cinquante ans seulement, mais criblé de blessures, il calcula qu'il pourrait vivre encore quelque dix ans, et, sa maison bâtie, dépensa chaque année le dixième de ce qu'il avait amassé dans les pillages des villes et villages auxquels il avait eu l'honneur d'assister.

      Il acheta la vigne qui rendait trente écus de rente à son fils, pour répondre à la mauvaise plaisanterie d'un bourgeois d'Albano, qui lui avait dit, un jour qu'il disputait avec emportement sur les intérêts et l'honneur de la ville, qu'il appartenait, en effet, à un aussi riche propriétaire que lui de donner des conseils aux anciens d'Albano. Le capitaine acheta la vigne, et annonça qu'il en achèterait bien d'autres puis, rencontrant le mauvais plaisant dans un lieu solitaire, il le tua d'un coup de pistolet.

      Après huit années de ce genre de vie, le capitaine mourut; son aide de camp Ranuce adorait Jules; toutefois, fatigué de l'oisiveté, il reprit du service dans la troupe du prince Colonna. Souvent il venait voir son fils Jules, c'était le nom qu'il lui donnait, et, à la veille d'un assaut périlleux que le prince devait soutenir dans sa forteresse de la Petrella, il avait emmené Jules combattre avec lui. Le voyant fort brave:

      – Il faut que tu sois fou, lui dit-il, et de plus bien dupe, pour vivre auprès d'Albano comme le dernier et le plus pauvre de ses habitants, tandis qu'avec ce que je te vois faire et le nom de ton père tu pourrais être parmi nous un brillant soldat d'aventure, et de plus faire СКАЧАТЬ