Rome. Emile Zola
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Название: Rome

Автор: Emile Zola

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ du palais de Caligula est à droite; et, en vous tournant, vous avez en face de vous le temple de Jupiter Stator… La voie Sacrée montait jusqu'à cette place et passait sous la porte Mugonia, une des trois anciennes portes de la Rome primitive.

      Il s'interrompit, indiquant d'un geste la partie nord-ouest du mont.

      – Vous avez remarqué que, de ce côté, les Césars n'ont point bâti. C'est évidemment qu'ils ont dû respecter de très anciens monuments, antérieurs à la fondation de la ville et vénérés du peuple. Là étaient le temple de la Victoire bâti par Evandre et ses Arcadiens, l'antre lupercal que je vous ai montré, l'humble cabane de Romulus, faite de roseaux et de terre… Tout cela a été retrouvé, monsieur l'abbé; et, malgré ce que disent les Allemands, il n'y a aucun doute.

      Mais, tout d'un coup, il se récria, de l'air d'un homme qui oublie le plus intéressant.

      – Ah! pour finir, nous allons voir le couloir souterrain où Caligula a été assassiné.

      Et ils descendirent dans une longue galerie couverte, où le soleil, aujourd'hui, par des brèches, jette de gais rayons. Certaines décorations en stuc et des parties de mosaïque se voient encore. Le lieu n'en est pas moins morne et désert, fait pour l'horreur tragique. La voix de l'ancien soldat s'était assombrie, il raconta comment Caligula, qui revenait des Jeux palatins, eut le caprice de descendre seul dans ce couloir, pour assister à des danses sacrées, que, ce jour-là, y répétaient de jeunes Asiatiques. Et ce fut ainsi que, dans l'ombre, le chef des conjurés, Chéréas, put le frapper le premier au ventre. L'empereur voulut fuir, hurlant. Mais, alors, les assassins, ses créatures, ses amis les plus aimés, se ruèrent tous, le renversèrent, le hachèrent de coups; pendant que, fou de rage et de peur, il emplissait le couloir obscur et sourd de son hurlement de bête qu'on égorge. Quand il fut mort, le silence retomba; et les meurtriers, épouvantés, s'enfuirent.

      La visite classique des ruines du Palatin était finie. Lorsque Pierre fut remonté, il n'eut plus qu'un désir, se débarrasser du guide, rester seul dans ce jardin si discret, si rêveur, qui occupait le sommet du mont, dominant Rome. Depuis trois heures bientôt, il piétinait, il entendait cette voix grosse et monotone, bourdonnant à ses oreilles, sans lui faire grâce d'une pierre. Maintenant, le brave homme revenait sur son amitié pour la France, racontait longuement la bataille de Magenta. Il prit, avec un bon sourire, la pièce blanche que le prêtre lui donna; puis, il entama la bataille de Solferino. Et cela menaçait de ne point finir, quand la chance voulut qu'une dame survint, en quête d'un renseignement. Tout de suite, il l'accompagna.

      – Bonsoir, monsieur l'abbé. Vous pouvez descendre par le palais de Caligula. Et vous savez qu'un escalier secret, creusé dans le sol, conduisait de ce palais à la maison des Vestales, en bas, sur le Forum. On ne l'a pas retrouvé, mais il doit y être.

      Ah! quel soulagement délicieux, quand Pierre, enfin seul, put s'asseoir un instant sur un des bancs de marbre du jardin! Il n'y avait là que quelques bouquets d'arbres, des buis, des cyprès, des palmiers; mais les beaux chênes verts, sous lesquels le banc se trouvait, avaient une ombre noire d'une fraîcheur exquise. Et le charme venait aussi de la solitude songeuse, du silence frissonnant qui semblait sortir de ce vieux sol saturé d'histoire, de l'histoire la plus retentissante, dans l'éclat d'un orgueil surhumain. Anciennement, les jardins Farnèse avaient changé cette partie du mont en un séjour aimable, orné de bocages; les bâtiments de la villa, fort endommagés, existent encore; et toute une grâce a persisté sans doute, le souffle de la Renaissance passe toujours, comme une caresse, dans les feuillages luisants des vieux chênes verts. On est là en pleine âme du passé, au milieu du peuple léger des visions, sous les haleines errantes des générations sans nombre, endormies dans les herbes.

      Mais Rome éparse au loin, tout autour de ce sommet auguste, sollicita Pierre si vivement, qu'il ne put rester assis. Il se leva, s'approcha de la balustrade d'une terrasse; et, sous lui, le Forum se déroula; et, au bout, le mont du Capitule apparut.

      Ce n'était plus qu'un entassement de constructions grises, sans grandeur ni beauté. Dominant le mont, on ne voyait que la façade postérieure du palais des Sénateurs, une façade plate, aux fenêtres étroites, que surmontait le haut campanile carré. Ce grand mur nu, d'un ton de rouille, cachait l'église d'Aracoeli, le faîte où le temple de Jupiter capitolin, autrefois, resplendissait, dans sa royauté de protection divine. Puis, à gauche, sur la pente du Caprinus, où les chèvres paissaient au moyen âge, s'étageaient de laides maisons; tandis que les quelques beaux arbres du palais Caffarelli, occupé par l'ambassade d'Allemagne, verdissaient le sommet de l'antique roche Tarpéienne, presque introuvable aujourd'hui, perdue, noyée dans les murs de soutènement. Et c'était là ce mont du Capitole, la plus glorieuse des sept collines, avec sa forteresse, avec son temple, auquel était promis l'empire du monde, le Saint-Pierre de la Rome antique! ce mont escarpé du côté du Forum, à pic du côté du Champ de Mars, d'aspect formidable! ce mont que la foudre visitait, que le bois de l'Asile, avec ses chênes sacrés, au plus lointain des âges, rendait mystérieux, frissonnant d'un inconnu farouche! Plus tard, la grandeur romaine y eut les tables de son état civil. Les triomphateurs y montèrent, les empereurs y devinrent dieux, debout dans leurs statues de marbre. Et les yeux, à cette heure, cherchent avec étonnement, comment tant d'histoire, tant de gloire ont pu tenir dans si peu d'espace, cet îlot montueux et confus de mesquines toitures, une taupinière pas plus grande, pas plus haute qu'un petit bourg perché entre deux vallons.

      Puis, l'autre surprise, pour Pierre, fut le Forum, partant du Capitole, s'allongeant au bas du Palatin: une étroite place resserrée entre les collines voisines, un bas-fond où Rome grandissante avait dû entasser les édifices, étouffant, manquant d'espace. Il a fallu creuser profondément, pour retrouver le sol vénérable de la République, sous les quinze mètres d'alluvion amenés par les siècles; et le spectacle n'est maintenant qu'une longue fosse blafarde, tenue avec propreté, sans ronces ni lierres, où apparaissent, tels que des débris d'os, les fragments du pavage, les soubassements des colonnes, les massifs des fondations. A terre, la basilique Julia, reconstituée en entier, est simplement comme la projection d'un plan d'architecte. Seul, de ce côté, l'arc de Septime Sévère a gardé sa carrure intacte; tandis que les quelques colonnes qui restent du temple de Vespasien, isolées, debout par miracle au milieu des effondrements, ont pris une élégance fière, une souveraine audace d'équilibre, fines et dorées dans le ciel bleu. La colonne de Phocas est aussi là, debout; et, des rostres, à côté, on voit ce qu'on en a rétabli, avec des morceaux découverts aux alentours. Mais il faut aller plus loin que les trois colonnes du temple de Castor et Pollux, plus loin que les vestiges de la maison des Vestales, plus loin que le temple de Faustine, où l'église chrétienne San Lorenzo s'est installée si tranquillement, plus loin encore que le temple rond de Romulus, pour éprouver l'extraordinaire sensation d'énormité que cause la basilique de Constantin, avec ses trois colossales voûtes béantes. Vues du Palatin, on dirait des porches ouverts pour un monde de géants, d'une telle épaisseur de maçonnerie, qu'un fragment, tombé d'une des arcades, gît par terre, tel qu'un bloc détaché d'une montagne. Et là, dans ce Forum illustre, si étroit et si débordant, l'histoire du plus grand des peuples avait tenu pendant des siècles, depuis la légende des Sabines réconciliant les Romains et les Sabins, jusqu'à la proclamation des libertés publiques, lentement conquises par les plébéiens sur les patriciens. N'était-ce pas à la fois le Marché, la Bourse, le Tribunal, la Salle des assemblées politiques, ouverte au plein air? Les Gracques y avaient défendu la cause des humbles, Sylla y afficha ses listes de proscription, Cicéron y parla, et sa tête sanglante y fut accrochée. Puis, les empereurs en obscurcirent le vieil éclat, les siècles enfouirent sous leur poussière les monuments et les temples, à ce point que le moyen âge n'y trouva de place que pour y installer un marché aux bœufs. Le respect est revenu, un respect violateur des tombes, une fièvre de curiosité et de science, qui s'irrite aux hypothèses, égarée dans ce sol historique où les générations se superposent, partagée entre les quinze à vingt reconstitutions qu'on a faites du Forum, toutes aussi plausibles les unes que les autres. Pour un simple passant, qui n'est ni un érudit, СКАЧАТЬ