Le Docteur Pascal. Emile Zola
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le Docteur Pascal - Emile Zola страница 20

Название: Le Docteur Pascal

Автор: Emile Zola

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ renoncer à se faire aider par elle. Une note, qu'il lui avait donnée à mettre au net, resta trois jours sur son pupitre. Elle ne classait plus rien, ne se serait pas baissée pour ramasser un manuscrit par terre. Surtout, elle avait abandonné les pastels, les dessins de fleurs très exacts qui devaient servir de planches à un ouvrage sur les fécondations artificielles. De grandes mauves rouges, d'une coloration nouvelle et singulière, s'étaient fanées dans leur vase, sans qu'elle eut fini de les copier. Et, pendant une après-midi entière, elle se passionna encore sur un dessin fou, des fleurs de rêve, une extraordinaire floraison épanouie au soleil du miracle, tout un jaillissement de rayons d'or en forme d'épis, au milieu de larges corolles de pourpre, pareilles à des coeurs ouverts, d'où montaient, en guise de pistils, des fusées d'astres, des milliards de mondes coulant au ciel ainsi qu'une voie lactée.

      – Ah! ma pauvre fille, lui dit ce jour-là le docteur, peut-on perdre son temps à de telles imaginations! Moi qui attends la copie de ces mauves que tu as laissées mourir!.. Et tu te rendras malade. Il n'y a ni santé, ni même beauté possible, en dehors de la réalité.

      Souvent, elle ne répondait plus, enfermée dans une conviction farouche, ne voulant point discuter. Mais il venait de la toucher au vif de ses croyances.

      – Il n'y a pas de réalité, déclara-t-elle nettement.

      Lui, amusé par cette carrure philosophique chez cette grande enfant, se mit à rire.

      – Oui, je sais… Nos sens sont faillibles, nous ne connaissons le monde que par nos sens, donc il se peut que le monde n'existe pas… Alors, ouvrons la porte à la folie, acceptons comme possibles les chimères les plus saugrenues, partons pour le cauchemar, en dehors des lois et des faits… Mais ne vois-tu donc pas qu'il n'est plus de règle, si tu supprimes la nature, et que le seul intérêt à vivre est de croire à la vie, de l'aimer et de mettre toutes les forces de son intelligence à la mieux connaître.

      Elle eut un geste d'insouciance et de bravade à la fois; et la conversation tomba. Maintenant, elle sabrait le pastel à larges coups de crayon bleu, elle en détachait le flamboiement sur une limpide nuit d'été.

      Mais, deux jours plus tard, à la suite d'une nouvelle discussion, les choses se gâtèrent encore. Le soir, au sortir de table, Pascal était remonté travailler dans la salle, pendant qu'elle restait dehors, assise sur la terrasse. Des heures s'écoulèrent, il fut tout surpris et inquiet, lorsque sonna minuit, de ne pas l'avoir entendue rentrer dans sa chambre. Elle devait passer par la salle, il était bien certain qu'elle ne l'avait point traversée, derrière son dos. En bas, quand il fut descendu, il constata que Martine dormait. La porte du vestibule n'était pas fermée à clef, Clotilde s'était sûrement oubliée dehors. Cela lui arrivait parfois, pendant les nuits chaudes; mais jamais elle ne s'attardait à ce point.

      L'inquiétude du docteur augmenta, lorsque, sur la terrasse, il aperçut, vide, la chaise où la jeune fille avait dû rester assise longtemps. Il espérait l'y trouver endormie. Puisqu'elle n'y était plus, pourquoi n'était-elle pas rentrée? où pouvait-elle s'en être allée, à une pareille heure? La nuit était admirable, une nuit de septembre, brûlante encore, avec un ciel immense, criblé d'étoiles, dans son infini de velours sombre; et, au fond de ce ciel sans lune, les étoiles luisaient si vives et si larges, qu'elles éclairaient la terre. D'abord, il se pencha sur la balustrade de la terrasse, examina les pentes, les gradins de pierres sèches, qui descendaient jusqu'à la voie du chemin de fer; mais rien ne remuait, il ne voyait que les têtes rondes et immobiles des petits oliviers. L'idée alors lui vint qu'elle était sans doute sous les platanes, près de la fontaine, dans le perpétuel frisson de cette eau murmurante. Il y courut, il s'enfonça en pleine obscurité, une nappe si épaisse, que lui-même, qui connaissait chaque tronc d'arbre, devait marcher les mains en avant, pour ne point se heurter. Puis, ce fut au travers de la pinède qu'il battit ainsi l'ombre, tâtonnant, sans rencontrer personne. Et il finit par appeler, d'une voix qu'il assourdissait.

      – Clotilde! Clotilde!

      La nuit restait profonde et muette. Il haussa peu a peu la voix.

      – Clotilde! Clotilde!

      Pas une âme, pas un souffle. Les échos semblaient ensommeillés, son cri s'étouffait dans le lac infiniment doux des ténèbres bleues. Et il cria de toute sa force, il revint sous les platanes, il retourna dans la pinède, s'affolant, visitant la propriété entière. Brusquement, il se trouva sur l'aire.

      A cette heure, l'aire immense, la vaste rotonde pavée, dormait elle aussi. Depuis les longues années qu'on n'y vannait plus de grain, une herbe y poussait, tout de suite brûlée par le soleil, dorée et comme rasée, pareille à la haute laine d'un tapis. Et, entre les touffes de cette molle végétation, les cailloux ronds ne refroidissaient jamais, fumant dès le crépuscule, exhalant dans la nuit la chaleur amassée de tant de midis accablants.

      L'aire s'arrondissait, nue, déserte, au milieu de ce frisson, sous le calme du ciel, et Pascal la traversait pour courir au verger, lorsqu'il manqua culbuter contre un corps, longuement étendu, qu'il n'avait pu voir. Il eut une exclamation effarée:

      – Comment, tu es là?

      Clotilde ne daigna même pas répondre. Elle était couchée sur le dos, les mains ramenées et serrées sous la nuque, la face vers le ciel; et, dans son pale visage, on ne voyait que ses grands yeux luire.

      – Moi qui m'inquiète et qui t'appelle depuis un quart d'heure!.. Tu m'entendais bien crier?

      Elle finit par desserrer les lèvres.

      – Oui.

      – Alors, c'est stupide! Pourquoi ne répondais-tu pas?

      Mais elle était retombée dans son silence, elle refusait de s'expliquer, le front têtu, les regards envolés là-haut.

      – Allons, viens te coucher, méchante enfant! Tu me diras cela demain.

      Elle ne bougeait toujours point, il la supplia de rentrer à dix reprises, sans qu'elle fit un mouvement. Lui-même avait fini par s'asseoir près d'elle, dans l'herbe rase, et il sentait sous lui la tiédeur du pavé.

      – Enfin, tu ne peux coucher dehors… Réponds-moi au moins. Qu'est-ce que tu fais là?

      – Je regarde.

      Et, de ses grands yeux immobiles, élargis et fixes, ses regards semblaient monter plus haut, parmi les étoiles. Elle était toute dans l'infini pur de ce ciel d'été, au milieu des astres.

      – Ah! maître, reprit-elle, d'une voix lente et égale, ininterrompue, comme cela est étroit et borné, tout ce que tu sais, à côté de ce qu'il y a sûrement là-haut… Oui, si je ne t'ai pas répondu, c'était que je pensais à toi et que j'avais une grosse peine… Il ne faut pas me croire méchante.

      Un tel frisson de tendresse avait passé dans sa voix, qu'il en fut profondément ému. Il s'allongea à son côté, également sur le dos. Leurs coudes se touchaient. Ils causèrent.

      – Je crains bien, chérie, que tes chagrins ne soient pas raisonnables…

      Tu penses à moi et tu as de la peine. Pourquoi donc?

      – Oh! pour des choses que j'aurais de la peine à t'expliquer. Je ne suis pas une savante. Cependant, tu m'as appris beaucoup, et j'ai moi-même appris davantage, en vivant avec toi. D'ailleurs, ce sont des choses que je sens… Peut-être que j'essayerai de te le dire, puisque nous sommes là, si seuls, et qu'il fait si beau!

      Son coeur plein débordait, après des heures de réflexion, dans СКАЧАТЬ