Les mystères du peuple, Tome IV. Эжен Сю
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Название: Les mystères du peuple, Tome IV

Автор: Эжен Сю

Издательство: Public Domain

Жанр: История

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СКАЧАТЬ tout bon Vagre…»

      Qui chantait ainsi? Ronan le Vagre… où chantait-il ainsi? sur une route montueuse qui conduisait à la ville de Clermont, en Auvergne, cette mâle et belle Auvergne, terre des grands souvenirs: Bituit, qui donnait pour repas du matin à sa meute de chiens de guerre, les légions romaines; le chef des cent vallées! Vindex! et tant d'autres héros de la Gaule n'étaient-ils pas enfants de l'Auvergne? de la mâle et belle Auvergne, aujourd'hui la proie de Clotaire, le plus féroce des quatre fils du féroce Clovis, ce meurtrier chéri des évêques et de la sainte église de Rome?

      Au chant de Ronan le Vagre, d'autres voix répondaient en choeur. Ils étaient là par une douce nuit d'été; ils étaient là une trentaine de Vagres, gais compères, rudes compagnons, vêtus de toutes sortes de façons, au gré des vestiaires des seigneurs franks et des évêques; mais armés jusqu'aux dents, et portant à leur bonnet, en signe de ralliement, une branchette de chêne vert.

      Ils arrivent à un carrefour: une route à droite, une route à gauche… Ronan fait halte; une voix s'élève, la voix de Dent-de-Loup… Quel Titan! il a six pieds: le cercle d'une tonne ne lui servirait pas de ceinture.

      –Ronan, tu nous as dit: Frères, armez-vous, nous sommes armés… Prenez quelques torches de paille, voici nos torches… Suivez-moi, nous te suivons… Tu t'arrêtes, nous nous arrêtons…

      –Dent-de-Loup, je réfléchis… Donc, frères, répondez: Quoi vaut mieux, la femme d'un comte frank ou une évêchesse?

      –Une évêchesse sent l'eau bénite, l'évêque bénit… La femme d'un comte sent le vin, son mari s'enivre…

      –Dent-de-Loup, c'est le contraire: le prélat rusé boit le vin et laisse l'eau bénite au Frank stupide.

      –Ronan a raison.

      –Au diable l'eau bénite, et vive le vin!

      –Oui, vive le vin de Clermont! dont Luern, le grand chef d'Auvergne au temps jadisC, faisait remplir des fossés, grands comme des étangs, pour désaltérer les guerriers de sa tribu.

      –C'était une coupe digne de toi, Dent-de-Loup… Mais, frères, répondez donc… Quoi vaut mieux? une évêchesse ou la femme d'un comte?

      –L'évêchesse! l'évêchesse!

      –Non, la femme d'un comte!

      –Frères, pour vous accorder, nous les prendrons toutes deux…

      –Bien dit, Ronan…

      –L'un de ces chemins conduit au BURG (château) du comte Neroweg… l'autre, à la villa épiscopale de l'évêque Cautin.

      –Il faut enlever l'évêchesse et la comtesse… il faut piller le burg et la villa!

      –Par où commencer? Allons-nous chez le prélat? allons-nous chez le seigneur?.. L'évêque boit plus longtemps, il savoure en gourmet; le comte boit davantage, il avale en ivrogne…

      –Bien dit, Ronan…

      –Donc, à cette heure de minuit, l'heure des Vagres, le comte Neroweg, gonflé comme une outre, doit ronfler dans son lit; à ses côtés, sa femme ou sa concubine rêve les yeux grands ouverts. L'évêque Cautin, les coudes sur la table, tête à tête avec une vieille cruche et l'un de ses chambriers favoris, doit causer de gaudrioles…

      –Allons d'abord chez le comte; il sera couché.

      –Frères, allons d'abord chez l'évêque, il sera levé… C'est plus gai de surprendre un prélat qui boit qu'un seigneur qui ronfle.

      –Bien dit, Ronan… Allons d'abord chez l'évêque.

      –Marchons… Moi, je connais la maison…

      Qui parlait ainsi?.. Un jeune et beau Vagre de vingt-cinq ans; on l'appelait le Veneur… Il n'était pas de plus fin archer, sa flèche allait où il voulait… Esclave forestier d'un duc frank, et surpris avec une des femmes de son seigneur, il avait échappé à la mort par la fuite, et depuis il courait la Vagrerie.

      –Oui, moi je connais la maison épiscopale, – reprit ce hardi garçon. – Me doutant qu'un jour ou l'autre nous irions communier avec les trésors de l'évêque, je suis allé, en bon veneur, observer son repaire… et là, j'ai vu la biche du saint homme… Quel corsage elle a!! Jamais chevrette n'eut l'oeil plus noir et plus doux!

      –Et la maison, Veneur, la maison, quelle figure a-t-elle?

      –Mauvaise! Fenêtres élevées, portes épaisses, fortes murailles.

      –Veneur, – reprit le joyeux Ronan, – nous arriverons au coeur de la maison de l'évêque sans passer ni par la porte, ni par la fenêtre, ni par la muraille… de même que tu arrives au coeur de ta maîtresse sans passer par ses yeux… Allons, mes Vagres, la nuit sera bonne.

      –Frères, à vous les trésors… à moi la belle évêchesse! Le saint homme l'appelle sa soeurD… le diable sait ce qui en est…

      –À toi, Veneur, l'évêchesse; à nous le pillage de la villa épiscopale… et vive la Vagrerie!

      L'évêque Cautin habitait, pendant l'été, sa villa située non loin de la ville de Clermont, siége de son épiscopat… Jardins magnifiques, eaux cristallines, épais ombrages, frais gazons, gras pâturages, moissons dorées, vignes empourprées, forêt giboyeuse, étangs empoissonnés, étables bien garnies, entouraient le palais du saint homme; deux cents esclaves ecclésiastiques, mâles et femelles, cultivaient les biens de l'Église, sans compter l'échanson, le cuisinier, le rôtisseur, le boucher, le boulanger, le baigneur, le raccommodeur de filets, le cordonnier, le tailleur, le tourneur, le charpentier, le maçon, le veneur et les fileuses et lavandièresE, esclaves aussi, presque toujours jeunes, souvent jolies. Chaque soir, l'une d'elles apportait à l'évêque Cautin, couché douillettement sur la plume, une coupe de vin chaud très-épicé… Le matin, une autre jolie fille apportait, au réveil du pieux homme, une coupe de lait crémeux… Voyez un peu ce bon apôtre d'humilité, de chasteté, de pauvreté!..

      Quelle est donc cette belle grande femme, jeune encore, et faite comme Diane chasseresse? Le cou et les bras nus, vêtue d'une simple tunique de lin, ses noirs cheveux à demi dénoués, elle est accoudée au balcon de la terrasse de cette villa. Brûlants et languissants à la fois, les yeux de cette jeune femme tantôt s'élèvent vers le ciel étoilé, tantôt semblent sonder la profondeur de cette douce nuit d'été, douce nuit qui protége de son ombre l'approche des Vagres, se dirigeant, à pas de loups, vers la demeure de l'évêque. Cette femme, c'est Fulvie, l'évêchesseF de Cautin, mariée à lui, alors que, simple tonsuré, il ne briguait pas encore l'épiscopat… Depuis qu'il est prélat, il l'appelle benoîtement ma soeur, selon les canons des conciles… et l'évêchesse reste en effet sa soeur; le saint homme, depuis son épiscopat, trouvant qu'une femme c'est trop… ou trop peu.

      –Oh! malheur! – disait la belle évêchesse, – malheur à ces nuits d'été où l'on est seule à respirer le parfum des fleurs, à écouter dans la feuillée le murmure des brises nocturnes, pareilles au frissonnement des baisers amoureux!.. Oh! dans ma solitude, je la redoute cette énervante chaleur des nuits d'été; elle me pénètre; elle circule en vain dans mes veines!.. J'ai vingt-huit СКАЧАТЬ