Césarine Dietrich. Жорж Санд
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Название: Césarine Dietrich

Автор: Жорж Санд

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ au moins promettre de l'aimer toujours? Êtes-vous constant dans vos affections?

      – Oui, certes, mon amitié est fidèle; mais en fait de femmes je n'ai jamais aimé que ma mère et ma soeur; je ne sais rien de l'amour qu'une femme pure peut inspirer.

      – Que dites-vous là? Vous n'avez jamais aimé?

      – Non; cela vous étonne?

      – Quel âge avez-vous donc?

      – Trente ans.

      – Voici une mauvaise note pour mon carnet personnel… jamais aimé à trente ans!

      – Que voulez-vous? Je ne peux pas appeler amour les émotions très-sensuelles qu'éprouve un adolescent auprès des femmes. Un peu plus tard, les gens de ma condition abordent le monde et n'y conservent pas d'illusions. Ils sont placés entre la coquetterie effrénée des femmes qui exploitent leurs hommages et l'avidité honteuse de celles qui n'exploitent que leur bourse. Ce sont les dernières qui l'emportent parce qu'il est plus facile de s'en débarrasser.

      – Ainsi vous n'avez eu que des courtisanes pour maîtresses?

      – Mademoiselle de Nermont, je pense bien que vous rendrez compte de toutes mes réponses à mademoiselle Dietrich; mais je présume qu'il est un genre de questions qu'elle ne vous fera pas. Je vous dirai donc la vérité: courtisanes et femmes du monde, cela se ressemble beaucoup quand ces dernières ne sont pas radicalement vertueuses. Il y en a certes, je le reconnais, et il fut un temps, assure-t-on, où celles-ci inspiraient de grandes passions; mais aujourd'hui, si nous sommes moins passionnés, nous sommes plus honnêtes, nous respectons la vertu et la laissons tranquille. Les jeunes gens corrompus feignent de la dédaigner, sous prétexte qu'elle est ennuyeuse. Moi je la respecte sincèrement, surtout chez les femmes de mes amis; et puis les femmes honnêtes, étant plus rares qu'autrefois, sont plus fortes, plus difficiles à persuader, et il faudrait faire le métier de tartuffe pour les vaincre. Je ne me reproche donc pas d'avoir voulu ignorer l'amour que seules peuvent inspirer de telles femmes. Quelque mauvais que soit le monde actuel, il a cela de supérieur au temps passé, que les hommes qui se marient après avoir assouvi leurs passions fort peu idéales peuvent apporter à la jeune fille qu'ils épousent un coeur absolument neuf. Les roués d'autrefois, blasés sur la femme élégante et distinguée, vainqueurs en outre de mainte innocence, ne pouvaient se vanter de l'ingénuité morale que la légèreté de nos moeurs laisse subsister chez la plupart d'entre nous. Il me paraît donc impossible de ne pas aimer mademoiselle Dietrich avec une passion vraie et de ne pas l'aimer toujours, fût-on éconduit par elle, car aujourd'hui, évidemment maltraité, je me sens aussi enchaîné que je l'étais avant-hier par quelques paroles bienveillantes.

      Nous arrivions au salon, où Césarine, qui avait marché plus vite que nous et qui portait une fabuleuse activité en toutes choses, était déjà installée au piano. Elle s'était rhabillée avec un goût exquis, et pourtant elle se leva brusquement en voyant entrer le marquis; un léger mouvement de contrariété se lisait dans sa physionomie. On eût dit qu'elle ne comptait pas le revoir. Il s'en aperçût et prit congé. Il fut quelques jours sans reparaître.

      D'abord Césarine m'assura qu'elle était charmée de l'avoir découragé, bientôt elle fut piquée de sa susceptibilité. Il n'y put tenir et revint. Elle fut aimable, puis elle fut cruelle. Il bouda encore et il revint encore. Ceci dura quelques mois; cela devait durer toujours.

      C'est que le marquis au premier aspect semblait très-facile à réduire. Césarine l'avait vite pris en pitié et en dégoût lorsqu'elle s'était imaginé qu'elle avait affaire à une nature d'esclave; mais la soudaineté et la fréquence de ses dépits la firent revenir de cette opinion.

      – C'est un boudeur, disait-elle, c'est moins ennuyeux qu'un extatique.

      Elle reconnaissait en lui de grandes et sérieuses qualités, une bravoure de coeur et de tempérament remarquable, une véritable générosité d'instincts, une culture d'esprit suffisante, une réelle bonté, un commerce agréable quand on ne le froissait pas; en somme, il méritait si peu d'être froissé qu'il était dans son droit de ne pas le souffrir.

      Au bout de notre saison d'été à la campagne, M. Dietrich pressa Césarine de s'expliquer sur ses sentiments pour le marquis.

      – Je n'ai rien décidé, répondit-elle. Je l'aime et l'estime beaucoup. S'il veut se contenter d'être mon ami, je le reverrai toujours avec plaisir; mais s'il veut que je me prononce à présent sur le mariage, qu'il ne revienne plus, ou qu'il ne revienne pas plus souvent que nos autres voisins.

      M. Dietrich n'accepta point cette étrange réponse. Il remontra qu'une jeune fille ne peut faire son ami d'un homme épris d'elle.

      – C'est pourtant ce à quoi j'aspire d'une façon générale, répondit Césarine. Je trouve l'amitié des hommes plus sincère et plus noble que celle des femmes, et, comme ils y mêlent toujours quelque prétention de plaire, si on les éloigne, on se trouve seule avec les personnes du sexe enchanteur, jaloux et perfide, à qui l'on ne peut se fier. Je n'ai qu'une amie, moi, c'est Pauline. Je n'en désire point d'autre. Il y a bien ma tante; mais c'est mon enfant bien plus que mon amie.

      – Mais, en fait d'amis, vous avez moi et votre oncle. Vous ferez bien d'en rester là.

      – Vous oubliez, cher père, quelques douzaines de jeunes et vieux cousins qui me sont très-cordialement dévoués, j'en suis sûre, et à qui vous trouvez bon que je témoigne de l'amitié. Aucun d'eux n'aspire à ma main. Les uns sont mariés, ou pères de famille; les autres savent trop ce qu'ils vous doivent pour se permettre de me faire la cour. Je ne vois pas pourquoi le marquis ne ferait pas comme eux, pour une autre raison: la crainte de m'ennuyer.

      – Heureusement le marquis n'acceptera point cette situation ridicule.

      – Pardon, mon papa; faute de mieux, il l'accepte.

      – Ah oui-da! vous lui avez dit: «Soyez mon complaisant pour le plaisir de l'être?»

      – Non, je lui ai dit: «Soyez mon camarade jusqu'à nouvel ordre.»

      – Son camarade! s'écria M. Dietrich en s'adressant à moi avec un haussement d'épaules; elle devient folle, ma chère amie!

      – Oui, je sais bien, reprit Césarine, ça ne se dit pas, ça ne se fait pas. Le fait est, ajouta-t-elle en éclatant de rire, que je n'ai pas le sens commun, cher papa! Eh bien! je dirai à M. de Rivonnière que vous m'avez trouvée absurde et que nous ne devons plus nous voir.

      Là-dessus, elle prit son ouvrage et se mit à travailler avec une sérénité complète. Son père l'observa quelques instants, espérant voir percer le dépit ou le chagrin sous ce facile détachement. Il ne put rien surprendre; toute la contrariété fut pour lui. Il avait pris Jacques de Rivonnière en grande amitié. Il l'avait beaucoup encouragé, il le désirait vivement pour son gendre. Il n'avait pas assez caché ce désir à Césarine. Naturellement elle était résolue à l'exploiter.

      Quand nous fûmes seules, je la grondai. Comme toujours, elle m'écouta avec son bel oeil étonné; puis, m'ayant laissée tout dire, elle me répondit avec une douceur enjouée:

      – Vous avez peut-être raison. Je fais de la peine à papa, et j'ai l'air de le forcer à tolérer une situation excentrique entre le marquis et moi, ou de renoncer à une espérance qui lui est chère. Il faut donc que je renonce, moi, à une amitié qui m'est douce, ou que j'épouse un homme pour qui je n'ai pas d'amour pour qui je n'aurai par conséquent ni respect ni enthousiasme. Est-ce là ce que l'on veut? Je suis peut-être СКАЧАТЬ