Les Quarante-Cinq — Tome 3. Dumas Alexandre
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Название: Les Quarante-Cinq — Tome 3

Автор: Dumas Alexandre

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      Au haut de l'escalier, Remy s'arrêta. En le reconnaissant positivement, cette fois, le comte avait poussé une exclamation, et, au son de la voix du comte, Remy s'était retourné.

      Aussi, à son visage si remarquable par la cicatrice qui le labourait, à son regard plein d'inquiétude, Henri ne conserva-t-il aucun doute, et, trop ému pour prendre un parti à l'instant même, s'éloigna-t-il en se demandant, avec un horrible serrement de coeur, pourquoi Remy avait quitté sa maîtresse, et pourquoi il se trouvait seul sur la même route que lui.

      Nous disons seul, parce que Henri n'avait d'abord prêté aucune attention au second cavalier.

      Sa pensée roulait d'abîme en abîme.

      Le lendemain, à l'heure de l'ouverture des portes, lorsqu'il crut pouvoir se trouver face à face avec les deux voyageurs, il fut bien surpris d'apprendre que, dans la nuit, ces deux inconnus avaient obtenu du gouverneur la permission de sortir, et que, contre toutes les habitudes, on avait ouvert les portes pour eux.

      De cette façon, et comme ils étaient partis vers une heure du matin, ils avaient six heures d'avance sur Henri.

      Il fallait rattraper ces six heures. Henri mit son cheval au galop et rejoignit à Mons les voyageurs qu'il dépassa.

      Il vit encore Remy, mais, cette fois, il eût fallu que Remy fût sorcier pour le reconnaître. Henri s'était affublé d'une casaque de soldat et avait acheté un autre cheval.

      Toutefois, l'oeil défiant du bon serviteur déjoua presque cette combinaison, et, à tout hasard, le compagnon de Remy, prévenu par un seul mot, eut le temps de détourner son visage que Henri, cette fois encore, ne put apercevoir.

      Mais le jeune homme ne perdit point courage; il questionna dans la première hôtellerie qui donna asile aux voyageurs, et comme il accompagnait ses questions d'un irrésistible auxiliaire, il finit par apprendre que le compagnon de Remy était un jeune homme fort beau, mais fort triste, sobre, résigné, et ne parlant jamais de fatigue.

      Henri tressaillit, un éclair illumina sa pensée.

      — Ne serait-ce point une femme? demanda-t-il.

      — C'est possible, répondit l'hôte; aujourd'hui beaucoup de femmes passent ainsi déguisées pour aller rejoindre leurs amants à l'armée de Flandre, et comme notre état à nous autres aubergistes est de ne rien voir, nous ne voyons rien.

      Cette explication brisa le coeur de Henri. N'était-il pas probable, en effet, que Remy accompagnât sa maîtresse déguisée en cavalier?

      Alors, et si cela était ainsi, Henri ne comprenait rien que de fâcheux dans cette aventure.

      Sans doute, comme le disait l'hôte, la dame inconnue allait rejoindre son amant en Flandre.

      Remy mentait donc lorsqu'il parlait de ces regrets éternels; cette fable d'un amour passé qui avait à tout jamais habillé sa maîtresse de deuil, c'était donc lui qui l'avait inventée pour éloigner un surveillant importun.

      — Eh bien! alors, se disait Henri, plus brisé de cette espérance qu'il ne l'avait jamais été de son désespoir, eh bien! tant mieux, un moment viendra où j'aurai le pouvoir d'aborder cette femme et de lui reprocher tous ces subterfuges qui abaisseront cette femme, que j'avais placée si haut dans mon esprit et dans mon coeur, au niveau des vulgarités ordinaires; alors, alors, moi qui m'étais fait l'idée d'une créature presque divine, alors, en voyant de près cette enveloppe si brillante d'une âme tout ordinaire, peut-être me précipiterai-je moi-même du faîte de mes illusions, du haut de mon amour.

      Et le jeune homme s'arrachait les cheveux et se déchirait la poitrine, à cette idée qu'il perdrait peut-être un jour cet amour et ces illusions qui le tuaient, tant il est vrai que mieux vaut un coeur mort qu'un coeur vide.

      Il en était là, les ayant dépassés comme nous avons dit et rêvant à la cause qui avait pu pousser en Flandre, en même temps que lui, ces deux personnages indispensables à son existence, lorsqu'il les vit entrer à Bruxelles.

      Nous savons comment il continua de les suivre.

      A Bruxelles, Henri avait pris de sérieuses informations sur la campagne projetée par M. le duc d'Anjou.

      Les Flamands étaient trop hostiles au duc d'Anjou pour bien accueillir un Français de distinction; ils étaient trop fiers du succès que la cause nationale venait d'obtenir, car c'était déjà un succès que de voir Anvers fermer ses portes au prince que les Flandres avaient appelé pour régner sur elles; ils étaient trop fiers, disons-nous, de ce succès pour se priver d'humilier un peu ce gentilhomme qui venait de France, et qui les questionnait avec le plus pur accent parisien, accent qui, à toute époque, a paru si ridicule au peuple belge.

      Henri conçut dès lors des craintes sérieuses sur cette expédition, dont son frère menait une si grande part; il résolut en conséquence de précipiter sa marche sur Anvers.

      C'était pour lui une surprise indicible que de voir Remy et sa compagne, quelque intérêt qu'ils parussent avoir à n'être pas reconnus, suivre obstinément la même route qu'il suivait.

      C'était une preuve que tous deux tendaient à un même but.

      Au sortir du bourg, Henri, caché dans les trèfles où nous l'avons laissé, était certain, cette fois au moins, de voir en face le visage de ce jeune homme qui accompagnait Remy.

      Là il reconnaîtrait toutes ses incertitudes et y mettrait fin.

      Et c'est alors, comme nous le disons, qu'il déchirait sa poitrine, tant il avait peur de perdre cette chimère qui le dévorait, mais qui le faisait vivre de mille vies, en attendant qu'elle le tuât.

      Lorsque les deux voyageurs passèrent devant le jeune homme, qu'ils étaient loin de soupçonner être caché là, la dame était occupée à lisser ses cheveux, qu'elle n'avait point osé renouer à l'hôtellerie.

      Henri la vit, la reconnut, et faillit rouler évanoui dans le fossé où son cheval paissait tranquillement.

      Les voyageurs passèrent.

      Oh! alors, la colère s'empara de Henri, si bon, si patient, tant qu'il avait cru voir chez les habitants de la maison mystérieuse cette loyauté qu'il pratiquait lui-même.

      Mais après les protestations de Remy, mais après les hypocrites consolations de la dame, ce voyage ou plutôt cette disparition constituait une espèce de trahison envers l'homme qui avait si opiniâtrement, mais en même temps si respectueusement assiégé cette porte.

      Lorsque le coup qui venait de frapper Henri fut un peu amorti, le jeune homme secoua ses beaux cheveux blonds, essuya son front couvert de sueur, et remonta à cheval, bien décidé à ne plus prendre aucune des précautions qu'un reste de respect lui avait conseillé de prendre, et il se mit à suivre les voyageurs, ostensiblement et à visage découvert.

      Plus de manteau, plus de capuchon, plus d'hésitation dans sa marche, la route était à lui comme aux autres; il s'en empara tranquillement, réglant le pas de son cheval sur le pas des deux chevaux qui le précédaient.

      Il était décidé à ne parler ni à Remy, ni à sa compagne, mais à se faire seulement reconnaître d'eux.

      — Oh! СКАЧАТЬ