Le chevalier d'Harmental. Dumas Alexandre
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le chevalier d'Harmental - Dumas Alexandre страница 29

Название: Le chevalier d'Harmental

Автор: Dumas Alexandre

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ aux règlements intérieurs de la police de sa maison ne devait en rien déprécier auprès d'elle les mœurs de son pupille, dont il répondait comme de lui-même, tout ce qu'il avait obtenu, c'est que les demoiselles Denis paraîtraient au dessert.

      Mais le chevalier s'aperçut bientôt que si leur mère leur avait défendu de se faire voir, elle ne leur avait pas défendu de se faire entendre. À peine les trois convives furent-ils attablés autour d'un véritable déjeuner de dévote, composé d'une multitude de petits plats appétissants à l'œil et délicieux au goût, que les sons saccadés d'une épinette se firent entendre, accompagnant une voix qui ne manquait pas d'étendue, mais dont de fréquentes erreurs de tons dénotaient la déplorable inexpérience. Aux premières notes, madame Denis posa la main sur le bras de l'abbé; puis, après un instant de silence, pendant lequel elle écouta avec un complaisant sourire cette musique qui faisait venir la chair de poule au chevalier:

      – Entendez-vous? lui dit-elle: c'est notre Athénaïs qui joue du clavecin, et c'est Émilie qui chante.

      L'abbé Brigaud, tout en faisant signe de la tête qu'il entendait parfaitement et l'accompagnement et la voix marchait sur le pied de d'Harmental pour lui indiquer que l'occasion se présentait de placer un compliment.

      – Madame, dit aussitôt le chevalier, qui comprit l'appel que l'abbé faisait à sa politesse, nous vous devons un double remerciement, car vous nous offrez non seulement un excellent déjeuner, mais encore un concert délicieux.

      – Oui, répondit négligemment madame Denis; ce sont ces enfants qui s'amusent; elles ne savent pas que vous êtes là, et elles étudient; mais je vais leur défendre de continuer.

      Madame Denis fit un mouvement pour se lever.

      – Comment donc! madame, s'écria d'Harmental; parce que j'arrive de province, me croyez-vous donc tout à fait indigne de faire connaissance avec les talents de la capitale?

      – Dieu me garde, monsieur, d'avoir une pareille opinion de vous! répondit madame Denis d'un air plein de malice; car je sais que vous êtes musicien.

      Le locataire du troisième m'en a prévenue.

      – En ce cas, madame, il n'a pas dû vous donner une haute idée de mon mérite, reprit en riant le chevalier car il n'a pas paru apprécier infiniment le peu que j'en puis avoir.

      – Il m'a dit seulement que l'heure lui avait paru étrange pour faire de la musique. Mais écoutez, monsieur Raoul, ajouta madame Denis en tendant l'oreille vers la porte: les rôles sont changés; maintenant, mon cher abbé, c'est notre Athénaïs qui chante et c'est Émilie qui accompagne sa sœur sur la viole d'amour.

      Il paraît que madame Denis avait un faible pour Athénaïs; au lieu de parler comme elle l'avait fait pendant que c'était le tour d'Émilie de chanter, elle écouta d'un bout à l'autre la romance de sa favorite, les yeux tendrement fixés sur l'abbé Brigaud, qui, sans perdre un coup de fourchette ni un verre de vin, se contentait de faire de la tête des signes d'approbation. Du reste, Athénaïs chantait un peu plus juste que sa sœur, mais elle rachetait cette qualité par un défaut au moins équivalent aux oreilles du chevalier: elle avait la voix d'une vulgarité effrayante.

      Quant à madame Denis, elle dodelinait la tête à fausse mesure, avec un air de béatitude qui faisait infiniment plus d'honneur à sa complaisance maternelle qu'à son intelligence musicale.

      Un duo succéda aux solos. Les demoiselles Denis avaient juré de débiter tout leur répertoire. D'Harmental chercha à son tour sous la table les pieds de l'abbé Brigaud pour lui en écraser au moins un; mais il ne rencontra que ceux de madame Denis, qui, prenant la recherche que faisait à tâtons le chevalier pour une agacerie personnelle, se tourna gracieusement de son côté.

      – Ainsi donc monsieur Raoul, lui dit-elle; vous venez jeune et sans expérience, vous exposer ainsi à tous les dangers de la capitale?

      – Oh! mon Dieu, oui, dit l'abbé Brigaud, prenant la parole, de peur que d'Harmental, entraîné par l'occasion, ne pût résister au plaisir de répondre quelque baliverne. Vous voyez en ce jeune homme madame Denis, le fils d'un ami qui m'a été bien cher (il porta sa serviette à ses yeux), et qui, je l'espère, fera honneur aux soins que j'ai donnés à son éducation; car, sans qu'il en ait l'air, c'est un ambitieux que mon pupille!

      – Et monsieur a raison, reprit madame Denis. Quand on a les talents et la figure de monsieur, il me semble que l'on peut parvenir à tout.

      – Ah! mais, madame Denis, dit l'abbé Brigaud, si vous me le gâtez ainsi du premier coup, je ne vous l'amènerai plus, prenez-y garde! Raoul, mon enfant continua-t-il en s'adressant au chevalier d'un ton paternel, j'espère que vous ne croyez pas un mot de cela. Puis, se penchant à l'oreille de madame Denis: – Tel que vous le voyez, ajouta-t-il, il aurait pu rester à Sauvigny et y tenir la première place après le seigneur: il a trois bonnes mille livres de rentes en biens fonds!

      – C'est justement ce que je compte donner à chacune de mes filles, répondit madame Denis en haussant la voix de façon à être entendue du chevalier, et en lui lançant un regard de côté pour voir quel effet produirait sur lui l'annonce d'une telle magnificence.

      Malheureusement pour l'établissement futur de mesdemoiselles Denis, le chevalier pensait en ce moment à toute autre chose qu'à réunir les trois mille livres de rentes dont cette généreuse mère dotait ses filles aux mille écus annuels dont l'avait gratifié l'abbé Brigaud. Le fausset de mademoiselle Émilie, le contralto de mademoiselle Athénaïs, la pauvreté de l'accompagnement de toutes deux, l'avaient ramené par ses souvenirs à la voix si pure et si flexible, et à l'exécution si distinguée et si savante de sa voisine. Il en était résulté que grâce à cette puissance de réaction singulière qu'une grande préoccupation nous donne contre les objets extérieurs, le chevalier était parvenu à échapper au charivari qui s'exécutait dans la chambre voisine, et, se réfugiant en lui-même, y suivait une douce mélodie qui serpentait dans sa mémoire et qui, tout absente qu'elle était, parvenait à le garantir, comme une armure enchantée, des sons aigus et criards qui venaient s'émousser autour de lui.

      – Voyez comme il écoute! disait madame Denis à Brigaud. À la bonne heure! il y a plaisir à faire des frais pour un jeune homme comme celui-là!

      Aussi je laverai la tête à monsieur Fremond!

      – Qu'est-ce que c'est que monsieur Fremond? demanda l'abbé en se servant à boire.

      – C'est le locataire du troisième, un mauvais petit rentier à douze cents livres, dont le carlin m'a déjà valu des désagréments avec toute la maison, et qui est venu se plaindre que monsieur Raoul l'empêchait de dormir, lui et son chien.

      – Ma chère madame Denis, dit l'abbé Brigaud, il ne faut pas vous brouiller pour cela avec monsieur Fremond. Deux heures du matin sont une heure indue, et si mon pupille veut absolument veiller, qu'il fasse de la musique dans la journée et qu'il dessine le soir.

      – Comment! monsieur Raoul dessine aussi? s'écria madame Denis, tout émerveillée de ce surcroît de talent.

      – S'il dessine? Comme Mignard!

      – Oh! mon cher abbé, dit madame Denis en joignant les mains, si nous pouvions obtenir une chose…

      – Laquelle? demanda l'abbé.

      – Si nous pouvions obtenir qu'il fit le portrait de notre Athénaïs!

      Le chevalier se réveilla en sursaut de sa préoccupation, comme un voyageur endormi sur l'herbe, СКАЧАТЬ