Francia; Un bienfait n'est jamais perdu. Жорж Санд
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СКАЧАТЬ éclairer sur les dangers qui vous sont personnels.

      – Des dangers, à moi? vis-à-vis d'un pareil monument? Pour qui donc me prenez-vous, mon cousin? Avez-vous si mauvaise opinion des Françaises…

      – Les Françaises sont beaucoup moins coquettes que les femmes russes, mais elles sont plus téméraires, plus franches, si vous voulez, parce qu'elles sont plus braves. Elles irritent des vanités qu'elles ne connaissent pas. Oserai-je vous demander si M. le marquis de Thièvre désire la restauration des Bourbons par raison de sentiment…

      – Mais oui, d'abord.

      – Sans doute; mais n'a-t-il pas de grands avantages à faire valoir?..

      – Nous sommes assez riches pour être désintéressés.

      – D'accord! Pourtant, si vous étiez desservis auprès d'eux…

      – Notre position serait très-fausse, car on ne sait ce qui peut arriver. Nous nous sommes beaucoup compromis, nous avons fait de grands sacrifices. – Mais en quoi votre oncle peut-il nous nuire auprès des Bourbons?

      – Le tsar peut tout, répondit Mourzakine d'un air profond.

      – Et votre oncle peut tout sur le tsar?

      – Non pas tout, mais beaucoup, reprit-il avec on mystérieux sourire qui effraya la marquise.

      – Vous croyez donc, dit-elle après un moment d'hésitation, que j'ai eu tort de railler sa galanterie tout à l'heure?

      – Devant moi, oui, grand tort!

      – Cela pourra vous nuire, vraiment?

      – Oh! cela, peu importe! mais le mal qu'il peut vous faire, je m'en soucie beaucoup plus… Vous ne connaissez pas mon oncle. Il a été l'idole des femmes dans son temps; il était beau, et il les aimait passionnément. Il a beaucoup rabattu de ses prétentions et de ses audaces; mais il ne faut pas agacer le vieux lion, et vous l'avez agacé. Un instant, il a pu croire…

      – Taisez-vous. Est-ce par… jalousie que vous me donnez cette amère leçon?

      – C'est par jalousie, je ne peux pas le nier, puisque vous me forcez à vous le dire; mais c'est aussi par amitié, par dévouement, et par suite de la connaissance que j'ai du caractère de mon oncle. Il est aigri par l'âge, ce qui ajoute au tempérament le plus vindicatif qu'il y ait en Russie, pays où rien ne s'oublie. Prenez garde, ma belle, ma séduisante cousine! Il y a des griffes acérées sous les pattes de velours.

      – Ah! mon Dieu, s'écria-t-elle, voilà que vous m'effrayez! Je ne sais pourtant pas quel mal il peut me faire!..

      – Voulez-vous que je vous le dise?

      – Oui, oui, dites; il faut que je le sache.

      – Vous ne vous fâcherez pas?

      – Non.

      – Ce soir, quand le père, comme nous appelons le tsar, lui demandera ce qu'il a vu et entendu dans la journée, il lui dira, oh! je l'entends d'ici! Il lui dira:

      » – J'ai vu mon neveu logé chez une femme d'une beauté incomparable. Il en est fort épris.

      – Bien, tant mieux pour lui! dira le père, qui est encore jeune, et qui aime les femmes avec candeur.

      Demain il se souviendra, et il demandera le soir à mon oncle:

      – Eh bien! ton neveu est-il heureux?

      – Probablement, répondra le comte.

      Et il ne manquera pas de lui faire remarquer M. le marquis de Thièvre dans quelque salon de l'hôtel de Talleyrand. Il lui dira:

      – Pendant que le mari fait ici de la politique et aspire à vous faire sa cour, mon neveu fait la cour à sa femme et passe agréablement ses arrêts…

      – Assez! dit la marquise en se levant avec dépit; mon mari sera noté comme ridicule, il jouera peut-être un rôle odieux. Vous ne pouvez pas rester une heure de plus chez moi, mon cousin!

      Le trait avait porté plus profondément que ne le voulait Mourzakine, la marquise sonnait pour annoncer à ses gens le départ du prince russe, mais il ne se démonta pas pour si peu.

      – Vous avez raison, ma cousine, dit-il avec une émotion profonde. Il faut que je vous dise adieu pour jamais; soyez sûre que j'emporterai votre image dans mon coeur au fond des mines de la Sibérie.

      – Que parlez-vous de Sibérie? Pourquoi?

      – Pour avoir levé mes arrêts, je n'aurai certes pas moins!

      – Ah ça! c'est donc quelque chose d'atroce que votre pays? Restez, restez;… je ne veux pas vous perdre. Louis, dit-elle au domestique appelé par la sonnette, emportez ces fleurs, qui m'incommodent.

      Et, dès qu'il fut sorti, elle ajouta:

      – Vous resterez, mon cousin, mais vous me direz comment il faut agir pour nous préserver, vous et moi, de la rancune de votre grand magot d'oncle. En conscience, je ne peux pas être sérieusement aimable avec lui, je le déteste!

      – Soyez aimable comme une femme vertueuse qu'aucune séduction ne peut émouvoir ou compromettre. Les hommes comme lui n'en veulent pas à la vertu. Ils ne sont pas jaloux d'elle. Persuadez-lui qu'il n'a pas de rival. Sacrifiez-moi, dites-lui du mal de moi, raillez-moi devant lui.

      – Vous souffririez cela! dit la marquise, frappée de la platitude de ces nuances de caractère qu'elle ne saisissait pas.

      Il lui prit alors un dégoût réel, et elle ajouta:

      – Cousin, je ferai tout ce qui pourra vous être utile, excepté cela. Je dirai tout simplement à votre oncle que vous ne me plaisez ni l'un ni l'autre… Pardon! il faut que j'aille m'habiller un peu, c'est l'heure où je reçois.

      Et elle sortit sans attendre de réponse.

      – Je l'ai blessée, se dit Mourzakine. Elle croit que, par politique, je renonce à lui plaire. Elle me prend pour un enfant parce qu'elle est une enfant elle-même. Il faudra qu'elle m'aime assez pour m'aider de bonne grâce à tromper mon oncle.

      Une demi-heure plus tard, le salon de madame de Thièvre était rempli de monde. Le grand événement de l'entrée des étrangers à Paris avait suspendu la veille toutes les relations. Dès le lendemain, la vie parisienne reprenait son cours avec une agitation extraordinaire dans les hautes classes. Tandis que les hommes se réunissaient en conciliabules fiévreux, les femmes, saisies d'une ardente curiosité de l'avenir, se questionnaient avec inquiétude ou se renseignaient dans un esprit de propagande royaliste. Madame de Thièvre, dont on savait le mari actif et ambitieux, était le point de mire de toutes les femmes de son cercle. Elle ne leur prêcha pas la légitimité, plusieurs n'en avaient pas besoin, elles étaient toutes converties; d'autres n'y comprenaient goutte et flairaient d'où viendrait le vent. Madame de Thièvre, avec un aplomb remarquable, leur dit qu'on aurait bientôt une cour, qu'il s'agissait de chercher d'avance le moyen de s'y faire présenter des premières, et qu'il serait bien à propos de délibérer sur le costume.

      – Mais n'aurons-nous pas une reine qui réglera ce point essentiel? dit une jeune femme.

      – Non, СКАЧАТЬ