Le meunier d'Angibault. Жорж Санд
Чтение книги онлайн.

Читать онлайн книгу Le meunier d'Angibault - Жорж Санд страница 17

Название: Le meunier d'Angibault

Автор: Жорж Санд

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

Серия:

isbn:

isbn:

СКАЧАТЬ avait été forcé d'exiger, vu la difficulté de se procurer de l'argent et le taux usuraire établi dans le pays. Madame de Blanchemont devait se soumettre à des conditions encore plus dures, si elle voulait continuer le système auquel son mari avait été autorisé par elle; ou bien, avant de demander les revenus, elle devait payer l'arriéré, capital et intérêts, et intérêt des intérêts, somme qui s'élevait à plus de cent mille francs. Quant aux autres créanciers, ils voulaient rentrer dans leurs fonds entièrement, ou garder leur créance entière à titre de placement. Il fallait donc vendre la terre ou trouver promptement des capitaux; en un mot, la terre valait huit cent mille francs, elle était grevée de quatre cent mille francs de dettes, sans compter celle envers M. Bricolin. Il restait trois cent mille francs, unique fortune désormais de madame de Blanchemont, indépendante de celle que son mari avait ou n'avait pas laissée à son fils et dont elle ne connaissait pas encore la situation.

      Marcelle était loin de s'attendre à de si grands désastres, elle n'en avait pas prévu la moitié. Les créanciers n'avaient pas encore réclamé, et, bien nantis de leurs titres, ils attendaient, M. Bricolin tout le premier, que la veuve s'informât de sa position pour lui demander le paiement intégral ou la continuation du revenu que l'emprunt leur assurait. Lorsqu'elle demanda à Bricolin pourquoi, depuis un mois qu'elle était veuve, il ne lui avait pas fait connaître l'état de ses affaires, il lui répondit avec une brutale franchise qu'il n'avait pas de raison pour se presser, que sa créance était bonne, et que chaque jour d'indifférence de la part du propriétaire était un jour de profit pour le fermier, pendant lequel il cumulait les intérêts de son argent sans rien aventurer. Ce raisonnement péremptoire éclaira promptement Marcelle sur le genre de moralité de M. Bricolin.

      – C'est juste, lui répondit-elle en souriant avec une ironie que le fermier ne daigna pas comprendre. Je vois que c'est ma faute si chaque jour que je laisse écouler dévore plus que le revenu auquel je croyais pouvoir prétendre. Mais, dans l'intérêt de mon fils, je dois mettre un terme à cette espèce de débâcle, et j'attends de vous, monsieur Bricolin, un bon conseil à cet égard.

      M. Bricolin, très surpris du calme avec lequel la dame de Blanchemont venait d'apprendre qu'elle était à peu près ruinée, et encore plus de la confiance avec laquelle elle le consultait, la regarda entre les deux yeux. Il vit dans sa physionomie une sorte de défi malicieux porté par la plus parfaite candeur à sa cupidité.

      – Je vois bien, dit-il, que vous voulez me tenter, mais je ne veux pas m'exposer à des reproches de la part de votre famille. Cela fait tort à un homme d'être accusé de complaisance intéressée à des prêts usuraires. Il faut, madame de Blanchemont, que je vous parle sérieusement; mais ici les murs sont trop minces, et ce que j'ai à vous dire n'a pas besoin d'être ébruité. Si vous voulez faire semblant de venir avec moi examiner le vieux château, je vous dirai, 1° ce que je vous conseillerais de faire si j'étais votre parent; 2° ce que, étant votre créancier, je désire que vous fassiez; vous verrez s'il y a un troisième avis à examiner. Je ne le pense pas.

      Si le vieux château n'eût pas été entouré d'orties, de mares stagnantes et fétides, et de mille décombres mutilés qui n'avaient plus aucune autre physionomie que celle d'un désordre barbare, c'eût été un débris du passé assez pittoresque. Il y avait un reste de fossé avec de grands roseaux, de superbes lierres sur toute une face du bâtiment, et un éboulement où des cerisiers sauvages avaient acquis un développement magnifique. Ce côté ne manquait pas de poésie. M. Bricolin montra à Marcelle la chambre que son mari avait coutume d'habiter en passant. Il y avait un reste d'ameublement du temps de Louis XVI, très-malpropre et très-fané. Cependant cette pièce était habitable, et madame de Blanchemont résolut d'y passer la nuit.

      – Cela contrariera un peu ma femme, qui tenait à honneur de vous recevoir dans ses meubles, dit M. Bricolin; mais je ne connais rien de plus mal à propos que de tourmenter les personnes. Si le vieux château vous plaît, il ne faut pas disputer des goûts, comme on dit, et j y ferai transporter vos effets. On mettra un lit de sangle dans ce cabinet pour votre fille de chambre. En attendant, je vais vous parler sérieusement de vos affaires, madame de Blanchemont: c'est le plus pressé.

      Et, tirant un fauteuil, Bricolin s'y installa et commença ainsi:

      – D'abord, permettez-moi de vous demander si vous avez par devers vous une autre fortune que la terre de Blanchemont? je ne crois pas, si je suis bien informé.

      – Je n'ai à moi rien autre chose, répondit Marcelle avec tranquillité.

      – Et pensez-vous que votre fils ait à hériter d'une grosse fortune du chef de son père?

      – Je n'en sais rien. Si les propriétés de M. de Blanchemont sont aussi grevées que la mienne…

      – Ah! vous n'en savez rien? Vous ne vous occupez donc pas de vos affaires? c'est drôle! Mais tous les nobles sont comme cela. Moi, je suis obligé de connaître votre position. C'est mon métier et mon intérêt. Or donc, voyant que feu M. le baron allait grand train, et ne prévoyant pas qu'il mourrait si jeune, j'ai dû m'assurer des brèches qu'il pouvait avoir faites à sa fortune, afin d'être en garde contre des emprunts qui auraient pu excéder un jour la valeur des terres d'ici, et me laisser sans garantie. J'ai donc fait courir et fureter les gens du métier, et je sais, à un sou près, ce qui reste, au jour d'aujourd'hui, à votre petit bonhomme.

      – Faites-moi donc le plaisir de me l'apprendre, monsieur Bricolin.

      – C'est facile, et vous pourrez le vérifier. Si je me trompe de dix mille francs, c'est tout le bout du monde. Votre mari avait environ un million de fortune, il reste cela au soleil, sauf qu'il y a neuf cent quatre-vingt ou quatre-vingt-dix mille francs de dettes à payer.

      – Ainsi, mon fils n'a plus rien? dit Marcelle troublée de cette révélation nouvelle.

      – Comme vous dites. Avec ce que vous avez il aura encore trois cent mille francs un jour. C'est encore joli si vous voulez rassembler et liquider cela. En terres, ça représente six ou sept mille livres de rente. Si vous voulez le manger, c'est encore plus joli.

      – Je n'ai pas l'intention de détruire l'unique avenir de mon fils. Mon devoir est de me dégager autant que possible des embarras où je me trouve.

      – En ce cas, écoutez: Vos terres et les siennes rapportent deux pour cent. Vous payez les intérêts de vos dettes quinze et vingt pour cent; avec les intérêts cumulés, vous arriverez promptement à augmenter sans fin le capital de la dette. Comment allez-vous faire?

      – Il faut vendre, n'est-ce pas?

      – Comme vous voudrez. Je crois que c'est dans votre intérêt bien entendu, à moins que, pourtant, comme vous avez pour longtemps la jouissance du bien de votre fils, vous ne préfériez profiter du désordre, et faire votre part.

      – Non, monsieur Bricolin, telle n'est pas mon intention.

      – Mais vous pourriez encore tirer de l'argent de cette fortune-là, et comme le petit a encore des grands parents dont il héritera, il pourrait n'être pas banqueroutier à l'époque de sa majorité.

      – C'est très-bien raisonné, dit froidement Marcelle; mais je veux agir tout autrement. Je veux tout vendre afin que les dettes de la succession n'excèdent pas le capital; et quant à ma fortune, je veux la liquider, afin d'avoir le moyen d'élever convenablement mon fils.

      – En ce cas, vous voulez vendre Blanchemont?

      – Oui, monsieur Bricolin, tout de suite.

      – Tout de suite? Oh! je le crois bien; quand on est dans votre position, et qu'on veut en sortir franchement, il n'y a pas СКАЧАТЬ