Название: Les grandes espérances
Автор: Чарльз Диккенс
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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CHAPITRE VIII
La maison de M. Pumblechook, située dans la Grande Rue, était poudreuse, comme doit l'être toute maison de blatier et de grainetier. Je pensais, à part moi, qu'il devait être un homme bienheureux, avec une telle quantité de petits tiroirs dans sa boutique; et je me demandais, en regardant dans l'un des tiroirs inférieurs, et en considérant les petits paquets de papier qui y étaient entassés, si les graines et les oignons qu'ils contenaient étaient essentiellement désireux de sortir un jour de leur prison pour aller germer en plein champ.
C'était le lendemain matin de mon arrivée que je me livrai à ces remarques. La veille au soir, on m'avait envoyé coucher dans un grenier si bas de plafond, dans le coin où était le lit, que je calculai qu'une fois dans ce lit les tuiles du toit n'étaient guère à plus d'un pied au-dessus de ma tête. Ce même matin, je découvris qu'il existait une grande affinité entre les graines et le velours à côtes. M. Pumblechook portait du velours à côtes, ainsi que son garçon de boutique; de sorte qu'il y avait une odeur générale répandue sur le velours à côtes qui ressemblait tellement à l'odeur des graines, et dans les graines une telle odeur de velours à côtes, qu'on n'aurait pu dire que très difficilement laquelle des deux odeurs dominait. Je remarquai en même temps que M. Pumblechook paraissait réussir dans son commerce en regardant le sellier de l'autre côté de la rue, lequel sellier semblait n'avoir autre chose à faire dans l'existence qu'à mettre ses mains dans ses poches et à fixer le carrossier, qui, à son tour, gagnait sa vie en contemplant, les deux bras croisés, le boulanger qui, de son côté, ne quittait pas des yeux le mercier; celui-ci se croisait aussi les bras et dévisageait l'épicier, qui, sur le pas de sa porte, bayait à l'apothicaire. L'horloger, toujours penché sur une petite table avec son verre grossissant dans l'œil, et toujours espionné par un groupe de commères à travers le vitrage de la devanture de sa boutique, semblait être la seule personne, dans la Grande-Rue, qui donnât vraiment quelque attention à son travail.
M. Pumblechook et moi nous déjeunâmes à huit heures dans l'arrière-boutique, tandis que le garçon de magasin, assis sur un sac de pois dans la boutique même, savourait une tasse de thé et un énorme morceau de pain et de beurre. Je considérais M. Pumblechook comme une pauvre société. Sans compter qu'ayant été prévenu par ma sœur que mes repas devaient avoir un certain caractère de diète mortifiante et pénitentielle, il me donna le plus de mie possible, combinée avec une parcelle inappréciable de beurre, et mit dans mon lait une telle quantité d'eau chaude, qu'il eût autant valu me retrancher le lait tout à fait; de plus, sa conversation roulait toujours sur l'arithmétique. Le matin, quand je lui dis poliment bonjour, il me répondit:
«Sept fois neuf, mon garçon?»
Comment aurais-je pu répondre, interrogé de cette manière, dans un pareil lieu et l'estomac creux! J'avais faim; mais avant que j'eusse le temps d'avaler une seule bouchée, il commença une addition qui dura pendant tout le déjeuner.
«Sept?.. et quatre?.. et huit?.. et six?.. et deux?.. et dix?..»
Et ainsi de suite. Après chaque nombre, j'avais à peine le temps de mordre une bouchée, ou de boire une gorgée, pendant qu'étalé dans son fauteuil et ne songeant à rien, il mangeait du jambon frit et un petit pain chaud, de la manière la plus gloutonne, si j'ose me servir de cette expression irrévérencieuse.
On comprendra que je vis arriver avec bonheur le moment de nous rendre chez miss Havisham; quoique je ne fusse pas parfaitement rassuré sur la manière dont j'allais être reçu sous le toit de cette dame. En moins d'un quart d'heure, nous arrivâmes à la maison de miss Havisham qui était construite en vieilles briques, d'un aspect lugubre, et avait une grande grille en fer. Quelques une des fenêtres avaient été murées; le bas de toutes celles qui restaient avait été grillé. Il y avait une cour devant la maison, elle était également grillée, de sorte qu'après avoir sonné, nous dûmes attendre qu'on vînt nous ouvrir. En attendant, je jetai un coup d'œil à l'intérieur, bien que M. Pumblechook m'eût dit:
«Cinq et quatorze?»
Mais je fis semblant de ne pas l'entendre. Je vis que d'un côté de la maison il y avait une brasserie; on n'y travaillait pas et elle paraissait n'avoir pas servi depuis longtemps.
On ouvrit une fenêtre, et une voix claire demanda:
«Qui est là?»
À quoi mon compagnon répondit:
«Pumblechook.
– Très bien!» répondit la voix.
Puis la fenêtre se referma, et une jeune femme traversa la cour avec un trousseau de clefs à la main.
«Voici Pip, dit M. Pumblechook.
– Ah! vraiment, répondit la jeune femme, qui était fort jolie et paraissait très fière. Entre, Pip.»
M. Pumblechook allait entrer aussi quand elle l'arrêta avec la porte:
«Oh! dit-elle, est-ce que vous voulez voir miss Havisham?
– Oui, si miss Havisham désire me voir, répondit M. Pumblechook désappointé.
– Ah! dit la jeune femme, mais vous voyez bien qu'elle ne le désire pas.»
Elle dit ces paroles d'une façon qui admettait si peu d'insistance que, malgré sa dignité offensée, M. Pumblechook ne put protester, mais il me lança un coup d'œil sévère, comme si je lui avais fait quelque chose! et il partit en m'adressant ces paroles de reproche:
«Mon garçon, que ta conduite ici fasse honneur à ceux qui t'ont élevé à la main!»
Je craignais qu'il ne revînt pour me crier à travers la grille:
«Et seize?..»
Mais il n'en fit rien.
Ma jeune introductrice ferma la grille, et nous traversâmes la cour. Elle était pavée et très propre; mais l'herbe poussait entre chaque pavé. Un petit passage conduisait à la brasserie, dont les portes étaient ouvertes. La brasserie était vide et hors de service. Le vent semblait plus froid que dans la rue, et il faisait entendre en s'engouffrant dans les ouvertures de la brasserie, un sifflement aigu, semblable au bruit de la tempête battant les agrès d'un navire.
Elle vit que je regardais du côté de la brasserie, et elle me dit:
«Tu pourrais boire tout ce qui se brasse de bière là-dedans, aujourd'hui, sans te faire de mal, mon garçon.
– Je le crois bien, mademoiselle, répondis-je d'un air rusé.
– Il vaut mieux ne pas essayer de brasser de la bière dans ce lieu, elle surirait bientôt, n'est-ce pas, mon garçon?
– Je le crois, mademoiselle.
– Ce n'est pas que personne soit tenté de l'essayer, ajouta-t-elle, et la brasserie ne servira plus guère. Quant à la bière, il y en a assez dans les caves pour noyer Manor House tout entier.
– Est-ce que c'est là le nom de la maison, mademoiselle?
– C'est un de ses noms, mon garçon.
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