Название: Monsieur de Camors — Complet
Автор: Feuillet Octave
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
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Le jeune comte rougit légèrement.
— Je m'appelle Camors, dit-il.
— Vous ne voulez pas que je vous adopte?.. Vous refusez d'être l'héritier de mon nom et de mes biens?
— Oui, général.
— Voulez-vous que je vous donne le temps d'y réfléchir?
— Non, général. Je suis sincèrement flatté et reconnaissant de vos intentions généreuses à mon égard; mais, dans les questions d'honneur, je ne réfléchis jamais.
Le général souffla bruyamment comme une locomotive qui lâche sa vapeur, il se leva, fit deux ou trois fois le tour de la galerie, les pieds en dehors, la poitrine effacée, et vint se rasseoir sur le divan, qui gémit.
— Quels sont vos projets? dit-il.
— Je compte d'abord, général, essayer d'accroître ma fortune, qui est un peu mince. Je ne suis pas aussi étranger aux affaires qu'on le pense. Les relations de mon père et les miennes me donnent un pied dans quelques grandes entreprises industrielles et financières, où j'espère réussir avec beaucoup de travail et de volonté. En même temps j'ai quelque idée de me préparer à la vie publique, et d'aspirer à la députation quand les circonstances me le permettront.
— Bien! très bien! il faut qu'un homme fasse quelque chose. L'oisiveté est la mère de tous les vices... J'aime le cheval comme vous; c'est un noble animal... Je prends un vif intérêt aux luttes du sport: elles améliorent la race hippique et contribuent puissamment à une bonne remonte de notre cavalerie; mais le sport doit être une distraction et non une profession... Hem! ainsi vous prétendez être député?
— Avec le temps, général.
— Parbleu! sans doute!.. Mais je puis vous servir, moi, dans cette voie-là. Quand le cœur vous en dira, je donnerai ma démission, je vous recommanderai à mes braves et fidèles électeurs, et vous prendrez ma place. Ça vous convient-il?
— À merveille, général, et je vous remercie de tout cœur; mais pourquoi donner votre démission?
— Ah! pourquoi, pourquoi! pour vous être utile et agréable d'abord, et puis ensuite parce que je commence à en avoir assez, moi, parce que je ne serai pas fâché personnellement de donner cette petite leçon-là au gouvernement. Je souhaite qu'elle lui profite!.. Vous me connaissez, je ne suis pas un jacobin; j'ai d'abord cru que ça marcherait... mais quand on voit ce qui se passe!
— Qu'est-ce qui se passe, général?
— Quand on voit un Tonnelier grand dignitaire... on voudrait avoir la plume de Tacite, ma parole! Lorsque je pris ma retraite, vers 48, — sur un indigne passe-droit qu'on m'avait fait, — je n'avais pas encore l'âge de la réserve, et j'étais encore capable de bons et loyaux services... J'aurais pu m'attendre peut-être dans un état de choses régulier à quelque dédommagement... Je l'ai trouvé, au reste, dans la confiance de mes braves et fidèles électeurs... mais enfin on se lasse de tout, mon jeune ami... Les séances du Luxembourg... je veux dire du Palais Bourbon, me fatiguent un peu... Bref, quelque regret que je doive éprouver en me séparant de mes honorables collègues et de mes chers électeurs, je me démettrai de mes fonctions quand vous serez prêt et disposé... N'avez-vous pas une propriété dans le département?
— Oui, général, une propriété qui appartenait à ma mère.. Un petit manoir avec un peu de terre autour, qui s'appelle Reuilly.
— Reuilly!.. à deux pas de Des Rameures!.. parfait!.. Eh bien, c'est le pied à l'étrier, cela!
— Oui, mais il y a un malheur: c'est que je suis forcé de vendre cette terre.
— Pourquoi diable?
— Général, c'est tout ce qui me reste. Cela rapporte une dizaine de mille francs. Pour me lancer dans les affaires, il me faut quelques capitaux, une mise de fonds, et je désire ne pas emprunter.
Le général se leva, et son pas martial et cadencé ébranla de nouveau le parquet de la galerie; après quoi, il se laissa retomber sur le divan.
— Il ne faut pas vendre votre terre! dit-il. Je ne vous dois rien... mais j'ai de l'affection pour vous... Vous ne voulez pas être mon fils adoptif; je le regrette, et je suis bien forcé de passer à d'autres projets... Je vous avertis que je passe à d'autres projets!.. Il ne faut pas vendre votre terre, si vous tenez à être député. Les gens du pays, et Des Rameures en particulier, ne voudraient plus de vous. Cependant, vous avez besoin d'argent. Permettez-moi de vous prêter trois cent mille francs. Vous me les rendrez quand vous pourrez, sans intérêts, et, si vous ne me les rendez pas, vous me ferez plaisir!
— Mais, en vérité, général...
— Voyons, acceptez... comme parent, comme ami... comme fils d'un ami, au titre que vous voudrez... mais acceptez, ou vous m'offenserez sérieusement!
M. de Camors se leva, prit la main du général, la serra avec émotion et lui dit d'un ton bref:
— J'accepte, monsieur, merci!
Le général, sur ces mots, se leva comme un lion en furie, la moustache hérissée, les narines ouvertes et fumantes; il regarda le jeune comte avec un air de véritable férocité, et, l'attirant soudain sur sa poitrine, il l'embrassa cordialement. Il marcha ensuite vers la porte avec sa solennité accoutumée, enleva une larme sur sa joue d'un doigt furtif, et sortit.
C'était un brave homme que le général, et, comme beaucoup de braves gens, il n'avait pas été heureux en ce monde. On pouvait rire de ses travers, on ne pouvait lui reprocher aucun vice. Il avait l'esprit СКАЧАТЬ