Les bijoux indiscrets. Dénis Diderot
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Название: Les bijoux indiscrets

Автор: Dénis Diderot

Издательство: Public Domain

Жанр: Эротическая литература

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СКАЧАТЬ les deux partis en avaient appelé, permit, en sa présence, un colloque entre les plus savants de leurs chefs. L'affaire fut profondément discutée. On allégua la tradition, les livres sacrés et leurs commentateurs. Il y avait de grandes raisons et de puissantes autorités des deux côtés. Mangogul, perplexe, renvoya l'affaire à huitaine. Ce terme expiré, les sectaires et leurs antagonistes reparurent à son audience.

LE SULTAN

      Pontifes, et vous prêtres, asseyez-vous, leur dit-il. Pénétré de l'importance du point de discipline qui vous divise, depuis la conférence qui s'est tenue au pied de notre trône, nous n'avons cessé d'implorer les lumières d'en haut. La nuit dernière, à l'heure à laquelle Brama se plaît à se communiquer aux hommes qu'il chérit, nous avons eu une vision; il nous a semblé entendre l'entretien de deux graves personnages, dont l'un croyait avoir deux nez au milieu du visage, et l'autre deux trous au cul; et voici ce qu'ils se disaient. Ce fut le personnage aux deux nez qui parla le premier.

      «Porter à tout moment la main à son derrière, voilà un tic bien ridicule…

      – Il est vrai…

      – Ne pourriez-vous pas vous en défaire?..

      – Pas plus que vous de vos deux nez…

      – Mais mes deux nez sont réels; je les vois, je les touche; et plus je les vois et les touche, plus je suis convaincu que je les ai, au lieu que depuis dix ans que vous vous tâtez et que vous vous trouvez le cul comme un autre, vous auriez dû vous guérir de votre folie…

      – Ma folie! Allez, l'homme aux deux nez; c'est vous qui êtes fou.

      – Point de querelle. Passons, passons: je vous ai dit comment mes deux nez m'étaient venus. Racontez-moi l'histoire de vos deux trous, si vous vous en souvenez…

      – Si je m'en souviens! cela ne s'oublie pas. C'était le trente et un du mois, entre une heure et deux du matin.

      – Eh bien!

      – Permettez, s'il vous plaît. Je crains; non. Si je sais un peu d'arithmétique, il n'y a précisément que ce qu'il faut.

      – Cela est bien étrange! cette nuit donc?..

      – Cette nuit, j'entendis une voix qui ne m'était pas inconnue, et qui criait: A moi! à moi! Je regarde, et je vois une jeune créature effarée, échevelée, qui s'avançait à toutes jambes de mon côté. Elle était poursuivie par un vieillard violent et bourru. A juger du personnage par son accoutrement, et par l'outil dont il était armé, c'était un menuisier. Il était en culotte et en chemise. Il avait les manches de sa chemise retroussées jusqu'aux coudes, les bras nerveux, le teint basané, le front ridé, le menton barbu, les joues boursouflées, l'œil étincelant, la poitrine velue et la tête couverte d'un bonnet pointu.

      – Je le vois.

      – La femme qu'il était sur le point d'atteindre, continuait de crier: A moi! à moi! et le menuisier disait en la poursuivant: «Tu as beau fuir. Je te tiens; il ne sera pas dit que tu sois la seule qui n'en ait point. De par tous les diables, tu en auras un comme les autres.» A l'instant, la malheureuse fait un faux pas, et tombe à plat sur le ventre, se renforçant de crier: A moi! à moi! et le menuisier ajoutant: «Crie, crie tant que tu voudras; tu en auras un, grand ou petit; c'est moi qui t'en réponds.» A l'instant il lui relève les cotillons, et lui met le derrière à l'air. Ce derrière, blanc comme la neige, gras, ramassé, arrondi, joufflu, potelé, ressemblait comme deux gouttes d'eau à celui de la femme du souverain pontife.»

LE PONTIFE

      De ma femme!

LE SULTAN

      Pourquoi pas?

      «Le personnage aux deux trous ajouta: C'était elle en effet, car je me la remets. Le vieux menuisier lui pose un de ses pieds sur les reins, se baisse, passe ses deux mains au bas de ses deux fesses, à l'endroit où les jambes et les cuisses se fléchissent, lui repousse les deux genoux sous le ventre, et lui relève le cul; mais si bien que je pouvais le reconnaître à mon aise, reconnaissance qui ne me déplaisait pas, quoique de dessous les cotillons il sortît une voix défaillante qui criait: A moi! à moi! Vous me croirez une âme dure, un cœur impitoyable; mais il ne faut pas se faire meilleur qu'on n'est; et j'avoue, à ma honte, que dans ce moment, je me sentis plus de curiosité que de commisération, et que je songeai moins à secourir qu'à contempler.»

      Ici le grand pontife interrompit encore le sultan, et lui dit: «Seigneur, serais-je par hasard un des deux interlocuteurs de cet entretien?..

      – Pourquoi pas?

      – L'homme au deux nez?

      – Pourquoi pas?

      – Et moi, ajouta le chef des novateurs, l'homme aux deux trous?

      – Pourquoi pas?»

      «Le scélérat de menuisier avait repris son outil qu'il avait mis à terre. C'était un vilebrequin. Il en passe la mèche dans sa bouche, afin de l'humecter; il s'en applique fortement le manche contre le creux de l'estomac, et se penchant sur l'infortunée qui criait toujours: A moi! à moi! il se dispose à lui percer un trou où il devait y en avoir deux, et où il n'y en avait point.»

LE PONTIFE

      Ce n'est pas ma femme.

LE SULTAN

      Le menuisier interrompant tout à coup son opération, et se ravisant, dit: «La belle besogne que j'allais faire! Mais aussi c'eût été sa faute: Pourquoi ne pas se prêter de bonne grâce? Madame, un petit moment de patience.» Il remet à terre son vilebrequin; il tire de sa poche un ruban couleur de rose pâle; avec le pouce de sa main gauche, il en fixe un bout à la pointe du coccix, et pliant le reste en gouttière, en le pressant entre les deux fesses avec le tranchant de son autre main, il le conduit circulairement jusqu'à la naissance du bas-ventre de la dame, qui, tout en criant: A moi! à moi! s'agitait, se débattait, se démenait de droite et de gauche, et dérangeait le ruban et les mesures du menuisier, qui disait: «Madame, il n'est pas encore temps de crier; je ne vous fais point de mal. Je ne saurais y procéder avec plus de ménagement. Si vous n'y prenez garde, la besogne ira tout de travers; mais vous n'aurez à vous en prendre qu'à vous-même. Il faut accorder à chaque chose son terrain. Il y a certaines proportions à garder. Cela est plus important que vous ne pensez. Dans un moment il n'y aura plus de remède; et vous en serez au désespoir.»

LE PONTIFE

      Et vous entendiez tout cela, seigneur?

LE SULTAN

      Comme je vous entends.

LE PONTIFE

      Et la femme?

LE SULTAN

      Il me sembla, ajoute l'interlocuteur, qu'elle était à demi persuadée; et je présumai, à la distance de ses talons, qu'elle commençait à se résigner. Je ne sais trop ce qu'elle disait au menuisier; mais le menuisier lui répondait: «Ah! c'est de la raison que cela; qu'on a de peine à résoudre les femmes!» Ses mesures prises un peu plus tranquillement, maître Anofore étendant son ruban couleur de rose pâle sur un petit pied-de-roi, et tenant un crayon, dit à la dame: «Comment le voulez-vous?

      « – Je n'entends pas.

      « – Est-ce dans la proportion antique, ou dans la proportion moderne?..»

LE PONTIFE

      O profondeur des décrets d'en haut! combien cela serait fou, si cela n'était pas révélé! Soumettons nos entendements, et adorons.

LE SULTAN

      Je ne me rappelle СКАЧАТЬ