Lettres intimes. Hector Berlioz
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Название: Lettres intimes

Автор: Hector Berlioz

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ ai-je dit, comment se fait-il que, n'étant pas musiciens, vous n'ayez point été infectés du virus dilettantique, et que Rossini ne vous ait pas fait tourner le dos au naturel et au sens commun?

      – C'est, m'ont-ils répondu, qu'étant habitués à rechercher en peinture le grand, le beau et surtout le naturel, nous n'avons pu le méconnaître dans les sublimes tableaux de Glück et de Saliéri, non plus que dans les accents à la fois tendres, déchirants et terribles de madame Branchu et de son digne émule. Conséquemment, le genre de musique à la mode ne nous entraîne pas plus que ne le feraient des arabesques ou des croquis de l'école flamande.

      A la bonne heure, mon cher Ferrand, à la bonne heure! voilà des gens qui sentent, voilà des connaisseurs dignes d'aller à l'Opéra, dignes d'entendre et de comprendre Iphigénie en Tauride. Nous nous sommes donné mutuellement nos adresses, et nous nous reverrons à Paris au retour.

      Avez-vous revu Orphée, avec M. Nivière, et l'avez-vous saisi passablement?..

      Adieu; tout va bien pour moi: mon père est tout à fait dans mon parti, et maman parle déjà avec sang-froid de mon retour à Paris.

Votre ami.

      II

Paris, 29 novembre (1827).

      Mon cher Ferrand,

      Vous avez gardé un silence inexplicable à mon égard, ainsi qu'à l'égard de Berlioz2 et de Gounet. Je sais que vous avez fait une seconde maladie, plusieurs personnes nous l'ont appris; mais n'aviez-vous pas à votre disposition la plume de votre frère pour nous faire part de votre convalescence? Pourquoi nous laisser ainsi dans l'inquiétude? Nous avons cru pendant longtemps que vous étiez allé en Suisse.

      – Mais, disais-je toujours, quand cela serait, je n'y vois pas une raison pour ne pas nous écrire: il y a des postes en Suisse comme ailleurs.

      Je crois donc qu'il faut attribuer votre silence, non pas à l'oubli, mais à l'insouciance mêlée de paresse dont vous êtes abondamment pourvu. J'espère cependant que vous retrouverez assez d'activité pour me répondre.

      Ma Messe a été exécutée le jour de la Sainte-Cécile avec un succès double de la première fois; les petites corrections que j'y avais faites l'ont sensiblement améliorée; le morceau

Et iterum venturus

      surtout, qui avait été manqué la première fois, a été exécuté, celle-ci, d'une manière foudroyante, par six trompettes, quatre cors, trois trombones et deux ophicléides. Le chant du chœur qui suit, que j'ai fait exécuter par toutes les voix à l'octave, avec un éclat de cuivre au milieu, a produit sur tout le monde une impression terrible; pour mon compte, j'avais assez bien conservé mon sang-froid jusque-là, et il était important de ne pas me troubler. Je conduisais l'orchestre; mais, quand j'ai vu ce tableau du Jugement dernier, cette annonce chantée par six basses-tailles à l'unisson, ce terrible clangor tubarum, ces cris d'effroi de la multitude représentée par le chœur, tout enfin rendu exactement comme je l'avais conçu, j'ai été saisi d'un tremblement convulsif que j'ai eu la force de maîtriser jusqu'à la fin du morceau, mais qui m'a contraint de m'asseoir et de laisser reposer mon orchestre pendant quelques minutes; je ne pouvais plus me tenir debout, et je craignais que le bâton ne m'échappât des mains. Ah! que n'étiez-vous là! J'avais un orchestre magnifique, j'avais invité quarante-cinq violons, il en est venu trente-deux, huit altos, dix violoncelles, onze contre-basses; malheureusement, je n'avais pas assez de voix, surtout pour une immense église comme Saint-Eustache. Le Corsaire et la Pandore m'ont donné des éloges, mais sans détails: de ces choses banales, comme on en dit, pour tout le monde. J'attends le jugement de Castil-Blaze, qui m'avait promis d'y assister, de Fétis et de l'Observateur; voilà les seuls journaux que j'avais invités, les autres étant trop occupés de politique.

      J'ai été entendu dans un très mauvais moment; beaucoup de personnes que j'avais invitées, entre autres les dames Lefranc, ne sont pas venues à cause des troubles affreux dont le quartier Saint-Denis était le théâtre depuis quelques jours. Quoi qu'il en soit, j'ai réussi au delà de mon espérance; j'ai vraiment un parti à l'Odéon, aux Bouffes, au Conservatoire et au Gymnase. J'ai reçu des félicitations de toutes parts; j'ai reçu, le soir même de l'exécution, une lettre de compliments d'un monsieur que je ne connais pas et qui m'a écrit des choses charmantes. J'avais envoyé des lettres d'invitation à tous les membres de l'Institut, j'étais bien aise qu'ils entendissent exécuter ce qu'ils appellent de la musique inexécutable; car ma Messe est trente fois plus difficile que ma cantate du concours, et vous savez que j'ai été obligé de me retirer parce que M. Rifaut n'a pas pu m'exécuter sur le piano, et que M. Berton s'est empressé de me déclarer inexécutable, même à l'orchestre.

      Mon grand crime, aux yeux de ce vieil et froid classique (à présent du moins), est de chercher à faire du neuf.

      C'est une chimère, mon cher, me disait-il il y a un mois; il n'y a point de neuf en musique; les grands maîtres se sont soumis à certaines formes musicales que vous ne voulez pas adopter. Pourquoi chercher à faire mieux que les grands maîtres? Et puis je sais que vous avez une grande admiration pour un homme qui, sans doute, n'est pas sans talent… sans génie… C'est Spontini.

      – Oh! oui, monsieur, j'ai une grande admiration pour lui, et je l'aurai toujours.

      – Eh bien, mon cher, Spontini… aux yeux des véritables connaisseurs, ne jouit pas… d'une grande considération.

      Là-dessus, vous pensez bien, je lui ai tiré ma révérence. Ah! vieux podagre, si c'est là mon crime, il faut avouer qu'il est grand, car jamais admiration ne fut plus profonde ni plus motivée; rien ne peut l'égaler, si ce n'est le mépris que m'inspire la petite jalousie de l'académicien.

      Faut-il m'avilir jusqu'à concourir encore une fois?.. Il le faut pourtant, mon père le veut; il attache à ce prix une grande importance. A cause de lui, je me représenterai; je leur écrirai un petit orchestre bourgeois à deux ou trois parties, qui fera autant d'effet sur le piano que l'orchestre le plus riche; je prodiguerai les redondances, puisque ce sont là les formes auxquelles les grands maîtres se sont soumis, et qu'il ne faut pas faire mieux que les grands maîtres, et, si j'obtiens le prix, je vous jure que je déchire ma Scène aux yeux de ces messieurs, aussitôt que le prix sera donné.

      Je vous parle de tout cela avec feu, mon cher ami; mais vous ne savez pas combien peu j'y attache d'importance: je suis depuis trois mois en proie à un chagrin dont rien ne peut me distraire, et le dégoût de la vie est poussé chez moi aussi loin que possible; le succès même que je viens d'obtenir n'a pu qu'un instant soulever le poids douloureux qui m'oppresse, et il est retombé plus lourd qu'auparavant. Je ne puis ici vous donner la clef de l'énigme; ce serait trop long, et, d'ailleurs, je crois que je ne saurais former des lettres en vous parlant de ce sujet; quand je vous reverrai, vous saurez tout; je finis par cette phrase que l'ombre du roi de Danemark adresse à son fils Hamlet:

      Farewell, farewell, remember me!

      III

Paris, vendredi, 6 juin 1828.

      Mon cher ami,

      Vous séchez sans doute d'impatience de connaître le résultat de mon concert; si je ne vous ai pas écrit plus tôt, c'est que j'attendais le jugement des journaux; tous ceux qui ont parlé de moi, à l'exception de la Revue musicale et de la Quotidienne, que je n'ai pas encore pu me procurer, doivent vous parvenir en même temps que ma lettre.

      Grand, СКАЧАТЬ



<p>2</p>

Auguste Berlioz.