Le sergent Simplet. Paul d'Ivoi
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Название: Le sergent Simplet

Автор: Paul d'Ivoi

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ et Yvonne ajoutèrent en même temps:

      – Nous vous en serons fort obligés, mademoiselle.

      Diana ne répondit pas tout de suite. Un instant elle regarda fixement les Français.

      L’on eût cru que ses yeux se faisaient plus doux. La riposte un peu vive des jeunes gens paraissait lui causer une surprise agréable. Enfin elle ouvrit la bouche.

      – Je ne puis déférer à votre désir, d’abord parce que l’embarcation n’est pas parée et ensuite…

      Elle eut une légère hésitation, mais elle acheva cependant:

      – Je tiens à vous garder à dîner, maintenant.

      Et profitant du mutisme de ses hôtes, étonnés de la tournure que prenait l’entretien:

      – Comme preuve, je renonce à mes habitudes, je vous demande de vous nommer. Vous, mademoiselle, voulez-vous?

      Sa voix avait une caresse. Yvonne fit un pas vers l’Américaine.

      – Yvonne Ribor, mon frère de lait Marcel Dalvan, et son ami Claude Bérard, tous trois voyageant…

      Ici un temps d’arrêt. On ne pouvait apprendre la vérité à miss Diana…

      – Pour votre plaisir, acheva celle-ci?

      – Oui.

      – Ah! vous êtes riches! très bien.

      La sœur de lait de Marcel frémit. La phrase de son interlocutrice la cingla comme une insulte. La millionnaire supposait que l’on avait refusé ses cent livres, uniquement parce que l’on était muni de la forte somme.

      – Pas riches du tout, mademoiselle, fit-elle vivement. Je ne voudrais pas acheter votre considération par un mensonge. Une accusation déshonorante pèse sur moi. Mon frère Marcel a réuni toute sa fortune, cent mille francs, et aujourd’hui, avec son ami M. Claude Bérard, il va risquer sa vie et sa liberté pour confondre mes accusateurs.

      Miss Pretty hocha doucement la tête.

      – Ah! murmura-t-elle seulement.

      L’entrée d’un laquais mit fin à la conversation. Il venait annoncer que le dîner était servi. L’Américaine s’écria joyeusement:

      – Passons à la salle à manger.

      Et gracieuse, toute différente de ce qu’elle était tout à l’heure, elle s’avança vers Claude encore renfrogné:

      – Voulez-vous m’offrir le bras, monsieur Bérard?

      Le moyen de résister à pareille sirène? Le « Marsouin » s’exécuta. Une minute après tous étaient assis autour de la table. À voir les cloisons de vieux chêne tendues de cuir frappé, la vaisselle d’argent, les cristaux renvoyant en éclairs les feux des lampes électriques, les hôtes du yacht Fortune se demandaient s’ils étaient éveillés, s’ils se trouvaient bien à bord d’un vaisseau perdu sous le brouillard de la Mersey.

      Diana se mit en frais. Très instruite, intelligente, douée d’un esprit original, elle charma ses invités, les amena à se départir de leur réserve.

      Au dessert, les vins de première marque aidant, – tous des compatriotes de Bourgogne, Champagne ou Bordelais, avait fait remarquer miss Pretty, – les Français étaient gagnés. Yvonne surtout s’abandonnait à une sympathie qu’elle ne s’expliquait pas pour la jeune citoyenne des États-Unis.

      Pressée par elle, elle lui contait son histoire, n’omettant aucun détail malgré les gestes suppliants de Marcel. Il était bien imprudent de se confier ainsi à une inconnue de la veille; mais Mlle Ribor n’en avait pas conscience. D’ailleurs, l’Américaine prenait à tâche d’appeler sa confiance. Sa raideur s’était évanouie. Elle parlait, s’expliquait: elle disait sa tristesse à la mort de son père, peu tendre cependant, mais son seul parent; son éblouissement en se voyant, au sortir du pensionnat, une des plus riches héritières du globe. Puis la douleur cuisante qui la frappait lorsqu’elle comprenait son isolement.

      Pas d’amis autour d’elle, mais des courtisans, avides de mordre à belles dents à sa fortune, la flattant jusqu’à l’exaspérer. Elle avouait que le monde, composé de fripons et de plats adorateurs de l’argent, lui était devenu insupportable. La misanthropie l’étreignait.

      Alors, pour échapper à la meute des affamés, elle avait eu l’idée de vivre sur mer, entourée d’un équipage sûr. Elle allait de port en port, jetant l’ancre où il lui plaisait. Elle avait ainsi trouvé le bonheur relatif. De la société elle prenait le plaisir en écartant les ennuis. Son intendant se rendait dans les gares, sur les promenades, choisissait des gens de visage agréable. Elle les recevait à dîner sans les connaître, les renvoyait de même.

      – La première fois, déclarait-elle, les personnes bien élevées sont toujours supportables. J’écrème le meilleur de l’humanité, j’ignore le reste.

      – Tant pis pour vous, fit Claude à ce point de ses confidences.

      Elle l’interrogea du regard.

      – Parce que vous ne connaissez pas tout ce que cette humanité a de bon au fond. Vous avez vu les agents d’affaires, les parasites, et vous avez jugé l’homme sur ces tristes modèles. Il y a de braves gens, miss, et plus qu’on ne le croit. Seulement ceux-là restent chez eux, et pour les rencontrer, il faut prendre la peine de les chercher.

      Elle souriait sans trop d’incrédulité.

      – Peut-être, poursuivit-il, n’avez-vous pas besoin d’affection.

      – Oh si! si!

      – Alors acceptez un conseil. Livrez-vous à la recherche des nobles, des courageux, des droits; de ceux qui préfèrent l’idée au coffre-fort, l’étoile au louis. Rêveurs, disent les autres. Honneur d’un pays, répondrai-je. Ceux-là, c’est l’officier qui meurt pour le drapeau; le marin qui s’engloutit avec son navire; le savant qui use sa vie à résoudre un problème; l’artiste qui jette son âme sur le papier, sur la toile, dans le marbre; les modestes qui se privent de tout pour apprendre à leurs enfants le moyen de vivre avec probité.

      – Où sont-ils ceux-là?

      – Partout où l’on travaille, non pas à empiler des écus, mais à créer, à inventer, à arracher un secret à l’inconnu.

      La conversation devint générale, tantôt gaie, tantôt sérieuse, et vers onze heures, quand les voyageurs rentrèrent dans leurs cabines, ils eurent une impression de vide, de réveil pénible après un songe heureux.

      Au jour, ils s’apprêtèrent à partir. Ils devaient quitter le yacht sans revoir sa propriétaire. Sans se l’avouer, ils en éprouvaient un regret. Claude surtout avait peine à cacher son mécontentement, et grommelait sans cesse des aphorismes comme celui-ci:

      – Quand on ne veut pas recevoir les remerciements des gens, on ne les dérange pas pour leur faire un tas d’amabilités.

      Comme on le voit, les premières minutes d’entrevue étaient oubliées; les dernières en avaient effacé la trace.

      Munis СКАЧАТЬ