Les trappeur de l'Arkansas. Gustave Aimard
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Название: Les trappeur de l'Arkansas

Автор: Gustave Aimard

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ garni de pointes placées à la distance d’un pied, embusqué à la porte de l’enclos, coupait avec une adresse infinie les jarrets de derrière des pauvres bêtes au fur et à mesure qu’elles passaient devant lui.

      Si par hasard il manquait son coup, ce qui était rare, un second vaquero à cheval suivait l’animal au grand galop, lui jetait le lasso autour des cornes et le maintenait jusqu’à ce que le premier lui eût coupé les jarrets.

      Nonchalamment appuyé contre le portique de l’hacienda, un homme d’une quarantaine d’années, revêtu d’un riche costume de gentilhomme fermier, les épaules recouvertes d’un zarapé aux brillantes couleurs, et la tête garantie des derniers rayons du soleil couchant par un fin chapeau de paille de Panama d’au moins cinq cents piastres, semblait présider à cette scène tout en fumant une cigarette de maïs.

      C’était un cavalier de haute mine, à la taille élancée fine, cambrée et parfaitement proportionnée, les traits de son visage, bien dessinés, aux lignes fermes et arrêtées dénotaient la loyauté, le courage et surtout une volonté de fer. Ses grands yeux noirs ombragés par d’épais sourcils étaient d’une douceur sans égale, mais lorsqu’une contrariété un peu vive colorait son teint bruni d’un reflet rougeâtre, son regard prenait une fixité et une force que nul ne pouvait supporter et qui faisaient hésiter et trembler les plus braves.

      La finesse des extrémités et plus que tout le cachet d’aristocratie empreint sur sa personne dénotaient au premier coup d’œil que cet homme était de pure et noble race castillane.

      En effet, ce personnage était don Ramon Garillas de Saavedra, le propriétaire de l’hacienda del Milagro que nous venons de décrire.

      Don Ramon Garillas descendait d’une famille espagnole dont le chef avait été un des principaux lieutenants de Cortez, et s’était établi au Mexique après la miraculeuse conquête de cet aventurier de génie.

      Jouissant d’une fortune princière, mais repoussé, à cause de son mariage avec une femme de race aztèque mêlée, par les autorités espagnoles, il s’était adonné tout entier à la culture de ses terres et à l’amélioration de ses vastes domaines.

      Après dix-sept ans de mariage, il se trouvait chef d’une nombreuse famille composée de six garçons et de trois filles, en tout neuf enfants, dont Rafaël, celui que nous avons vu si lestement tuer le vaquero, était l’aîné.

      Le mariage de don Ramon et de doña Jesusita n’avait été qu’un mariage de convenance, contracté du point de vue seul de la fortune, mais qui pourtant les rendait comparativement heureux ; nous disons comparativement, parce que la jeune fille n’étant sortie du couvent que pour se marier, l’amour n’avait jamais existé entre eux, mais avait été remplacé par une tendre et sincère affection.

      Doña Jesusita passait son temps dans les soins que nécessitaient ses enfants, au milieu de ses femmes indiennes ; de son côté son mari complètement absorbé par les devoirs de sa vie de gentilhomme fermier restait presque toujours avec ses vaqueros, ses péons et ses chasseurs, ne voyant sa femme que pendant quelques minutes aux heures des repas, et restant parfois des mois entiers absent pour une partie de chasse sur les bords du rio Gila.

      Cependant nous devons ajouter que, absent ou présent, don Ramon veillait avec le plus grand soin à ce que rien ne manquât au bien-être de sa femme et à ce que ses moindres caprices fussent satisfaits, n’épargnant ni l’argent ni les peines pour lui procurer ce qu’elle paraissait désirer.

      Doña Jesusita était douée d’une beauté ravissante et d’une douceur angélique ; elle semblait avoir accepté sinon avec joie du moins sans trop de peine le genre de vie auquel son mari l’avait obligée à se plier ; mais dans les profondeurs de son grand œil noir languissant, dans la pâleur de ses traits et surtout dans le nuage de tristesse qui obscurcissait continuellement son beau front d’une blancheur mate, il était facile de deviner qu’une âme ardente était renfermée dans cette séduisante statue, et que ce cœur qui s’ignorait soi-même avait tourné toutes ses pensées vers ses enfants, qu’elle s’était mise à adorer de toutes les forces virginales de l’amour maternel, le plus beau et le plus sain de tous.

      Pour don Ramon, toujours bon et prévenant pour sa femme, qu’il ne s’était jamais donné la peine d’étudier, il avait le droit de la croire la plus heureuse créature du monde, et elle l’était en effet depuis que Dieu l’avait rendue mère.

      Le soleil était couché depuis quelques instants, le ciel perdait peu à peu sa teinte pourprée et s’assombrissait de plus en plus, quelques étoiles commençaient déjà à scintiller sur la voûte céleste, et le vent du soir se levait avec une force qui présageait pour la nuit un de ces orages terribles, comme ces régions en voient souvent éclater.

      Le mayoral, après avoir fait renfermer avec soin le reste du ganado dans l’enclos, rassembla les vaqueros et péons, et tous se dirigèrent vers l’hacienda où la cloche du souper les avertissait que l’heure du repos était enfin venue.

      Lorsque le majordome passa le dernier en le saluant devant son maître :

      – Eh bien, lui demanda celui-ci, nô Eusébio, combien de têtes avons-nous cette année ?

      – Quatre cent cinquante, mi amò – mon maître —, répondit le mayoral, grand homme sec et maigre, à la tête grisonnante et au visage tanné comme un morceau de cuir, en arrêtant son cheval et ôtant son chapeau, c’est-à-dire soixante-quinze têtes de plus que l’année passée ; nos voisins les jaguars et les Apaches ne nous ont pas causé de grands dommages, cette saison.

      – Grâce à vous, nô Eusébio, répondit don Ramon, votre vigilance a été extrême, je saurai vous en récompenser.

      – Ma meilleure récompense est la bonne parole que Votre Seigneurie vient de me dire, répondit le mayoral, dont le rude visage s’éclaira d’un sourire de satisfaction, ne dois-je pas veiller sur ce qui vous appartient avec le même soin que si tout était à moi ?

      – Merci, reprit le gentilhomme avec émotion en serrant la main de son serviteur, je sais que vous m’êtes dévoué.

      – À la vie et à la mort, mon maître, ma mère vous a nourri de son lait, je suis à vous et à votre famille.

      – Allons ! allons ! nô Eusébio, dit gaiement l’hacendero, le souper est prêt, la señora doit être à table, ne la laissons pas nous attendre plus longtemps.

      Sur ce, tous deux entrèrent dans le patio et nô Eusébio, ainsi que don Ramon l’avait nommé, se prépara, comme il le faisait chaque soir, à fermer les portes.

      Pendant ce temps don Ramon entra dans la salle à manger de l’hacienda, où tous les vaqueros et les péons étaient réunis.

      Cette salle à manger était meublée d’une immense table qui en tenait tout le centre ; autour de cette table il y avait des bancs de bois garnis de cuir et deux fauteuils sculptés destinés à don Ramon et à la señora. Derrière les fauteuils un Christ en ivoire de quatre pieds de haut pendait au mur entre deux tableaux représentant, l’un Jésus au jardin des Oliviers, l’autre le Sermon sur la montagne. Çà et là accrochées le long des murailles blanchies à la chaux, grimaçaient des têtes de jaguars, de buffles ou d’élans tués à la chasse par l’hacendero.

      La table était abondamment servie de lahua, potage épais fait de farine de maïs cuite avec de la viande, de puchero ou olla podrida et de pépian ; de distance en distance il y avait des bouteilles de mezcal et des carafes d’eau.

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