Le chasseur noir. Emile Chevalier
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Название: Le chasseur noir

Автор: Emile Chevalier

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ faire ses plaisanteries, vivre de sa vie propre à sa propre manière, ô Dieu, oui!

      Le franc-trappeur recula un peu, mâcha violemment sa chique, examina Nick des pieds à la tête, et dit d’une voix qu’épaississait le jus de tabac:

      – Vous, Nick Whiffles! ah! oui; ça m’en a l’air!

      – Qu’est-ce que vous entendez par là? demanda sèchement Nick.

      – J’entends que je ne suis pas tout à fait un dindon, répliqua le trappeur avec une grimace.

      – Je ne vous comprends pas précisément. Soyez un peu plus clair si ce n’est pas trop de peine, continua tranquillement Nick.

      – Eh! ne me jetez pas de poussière aux yeux si vous ne voulez pas que je louche! fut-il riposté avec un sang-froid provocateur.

      – Je n’aime pas qu’un homme commence ma connaissance par douter de ma parole, répliqua aigrement Nick. Si vous ne pouvez croire celui qui vous dit son nom, vous devez être un homme sans foi, et m’est avis que nous ne pouvons plus suivre le même chemin. Je ne suis pas querelleur, mais je veux que l’on me croie quand je dis la simple vérité. Je ne suis pas fier de mon nom, ô Dieu, non! et pour les raisons que j’ai données, j’aimerais bien à le perdre[14]. Mais si vous suspectez ma véracité, je crains qu’une diablesse de difficulté ne s’élève entre nous.

      – Ah! ah! vous menacez! Vous voudriez me pincer, n’est-ce pas? Très-bon,

      M. Ténébreux, je vas vous donner une leçon de savoir-vivre. Huh!

      Le trappeur couronna sa remarque d’un grognement qui eût honoré un ours gris.

      – Avant d’aller plus loin, j’aimerais à avoir une sorte de manche pour vous empoigner, dit Nick.

      – Qu’est-ce que ça?

      – Votre nom, si vous aimez mieux.

      – Prenez Jack Wiley et empoignez-moi par là; mais doucement, mon compère, car il y a du verre en moi, et je casse quand on me manie trop rudement.

      – Verre et bronze aussi, s’écria Nick.

      – A votre aise. Quant aux sobriquets indiens, ils ne m’ont pas plus fait défaut qu’aux autres trappeurs dans le pays. Il y en a qui m’appellent le Veau-médecin.

      – J’aimerais assez à l’entendre geindre, monsieur.

      – Une tribu m’appelle Deux-cents-chevaux, parce qu’en une seule nuit, je lui ai volé autant de ces animaux. Laissons-là; je ne me sens pas disposé à me quereller avec un homme qui m’a rendu de bons services, quand même il essaierait de me blaguer un peu.

      – Soit; mais si les choses ne s’étaient pas passées comme ça entre nous, je vous ferais croire que la lune est composée de bosses de bison et qu’on en peut rôtir une tranche au bout d’un bâton. Mais allons, Jack Wiley, suivons cette crête.

      – Cette crête! non. Elle nous conduirait trop près de la Ville des sorciers, repartit Wiley.

      – Voilà bien une notion indienne, mais les blancs ne devraient pas avoir des idées aussi puériles. J’ai entendu parler de cette prétendue ville. Son surnaturel est aussi naturel que moi, je le jurerais, oui bien, votre serviteur!

      – Je ne prétends pas être plus sage que mes voisins et ne parlerai que pour mon compte. Aussi je vous le dis: je me tiendrai à l’écart de la Vallée du Trappeur. On assure que ceux qui y sont entrés n’en sont jamais sortis et que jamais, non plus, on n’en a entendu parler. Les Indiens pensent que la localité est hantée par un mauvais esprit et que tous les gens qui y mettent le pied ne peuvent plus l’en retirer. Ils sont obligés d’y rôder jusqu’à la fin de leurs jours… Vous n’avez pas besoin de secouer la tête, je vous dis qu’on les y a vus, M. Ténébreux.

      – Bon, je ne vous disputerai pas sur ce, point, quoique je n’aie jamais songé à trouver quelque chose de pire que moi, partout où je vais. Je n’ai, du reste, jamais pu voir d’esprits moi-même; mais j’ai eu une nièce qui pouvait les voir par légions, au bénéfice de ses amoureux, vous comprenez? sans doute vous avez entendu parler de ma famille. Il y a eu mon grand-père, le voyageur, et mon oncle, l’historien, qui étaient des gaillards extraordinaires dans leurs branches d’affaires. Je sais bien qu’il y a des gens qui ont glosé et ri sous cape quand j’ai parlé des exploits de mon grand-père le voyageur, et de mon oncle l’historien, mais ça ne fait rien de rien, oui bien, je le jure, votre serviteur!

      En jasant ainsi, les voyageurs finirent par atteindre une hauteur d’où leur vue dominait complètement la Ville hantée, dont les murailles granitiques avaient une apparence sépulcrale à la clarté terne et blafarde de la lune.

      – Voyez-vous là, en bas? dit Jack en étendant la main.

      – Où?

      – Où ces rochers sont amoncelés. Eh bien, c’est l’entrée de la Vallée du Trappeur perdu. On l’appelle la Porte du Diable. Ayant, comme je vous l’ai dit, chassé à la rivière aux Loutres, aux sources du Castor et au Rocher noir, j’ai recueilli ces histoires de l’un, de l’autre, en faisant mes affaires.

      – Vous prenez plus intérêt à ces niaiseries que moi. Qu’on me donne un bon territoire pour trapper ou chasser et je ferai un pied-de-nez aux superstitions des Indiens et des blancs ignorants.

      Nick s’interrompit soudain et ajouta d’un ton différent;

      – Regardez parmi les rochers, Jack, n’est-ce pas un de vos fantômes?

      – Où ça? où ça? demanda Wiley.

      – Ne le voyez-vous pas qui remue, là, à gauche?

      – Oui, c’est vrai, répliqua précipitamment le trappeur. Il vaudrait mieux ne pas approcher, de peur…

      – Vous irez où il vous plaira, M. Deux-cents-chevaux, mais mes yeux m’ont été donnés pour mon service et je les utiliserai, interrompit Nicolas.

      Ce qui avait sollicité l’attention de Nick, c’étaient plusieurs personnes glissant, en un seul rang, le long des rochers.

      Elles n’étaient pas tellement éloignées qu’il ne pût les voir distinctement.

      A leurs vêtements et à leur démarche, on pouvait les prendre pour des blancs, mais il eût peut-être été imprudent de l’affirmer.

      Nicolas les compta.

      Ils étaient cinq, et le plus avancé avait la taille ceinte d’une écharpe rouge. Leurs armes reluisaient au clair de lune.

      Aussitôt, Whiffles se rappela la scène du petit bassin, alors qu’il cherchait à découvrir qui lui avait volé ses pièges. Tout son esprit se tint en éveil.

      Il épia avec un intérêt indescriptible la marche des cinq personnages, tandis que Wiley demeurait silencieux à son côté; mais en suivant anxieusement la direction de ses regards.

      Les cinq individus descendirent au fond de la vallée et disparurent près de la Porte du Diable.

      – Que pensez-vous de ça? fit brusquement Wiley.

      – Il СКАЧАТЬ