Borgia. Michel Zevaco
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Название: Borgia

Автор: Michel Zevaco

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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      – Si monsieur le chevalier veut me suivre…

      – Où me conduisez-vous ?…

      – Dans la salle des audiences, où j’ai l’ordre de vous intro-duire. Monseigneur vous attend.

      Ragastens suivit sans plus de réflexion le laquais qui se glis-sait entre les groupes. Cependant, aux regards d’envie et de stu-péfaction qui convergèrent sur lui, il dut se rendre compte qu’une faveur inouïe venait de lui être accordée.

      Il poussa un soupir, en songeant que cette faveur allait lui être inutile. En effet, il était fermement résolu à faire ses adieux à César. La seule idée de combattre contre Primevère lui causait une insurmontable horreur. Et, d’autre part, l’accueil qu’il avait jusque-là reçu de César le mettait dans l’impossibilité de se tour-ner contre lui… Mais, tout au moins, il pourrait profiter de l’évidente amitié de Borgia pour apporter à son nouvel ami Ra-phaël Sanzio une aide efficace.

      Ce fut en agitant ces diverses pensées qu’il pénétra dans la salle des audiences – non par la porte monumentale et officielle, mais par une porte plus petite, réservée aux allées et venues des intimes – dernière faveur qui provoqua parmi les courtisans un murmure de véritable admiration.

      Près de la porte, se tenait immobile l’introducteur, entouré de ses deux hérauts. Devant une haute fenêtre, douze abbés fai-sant office de secrétaires, penchés sur une table immense, écri-vaient fiévreusement. Tout autour de la salle, des gardes nobles debout, l’épée à la main, se tenaient droits et rigides, sans un geste.

      Enfin, au milieu, assise à une table, une femme décachetait activement des lettres amoncelées devant elle. À quelques pas de là, un homme, botté, cuirassé, à demi renversé dans un fauteuil, les jambes croisées l’une sur l’autre, se balançait.

      L’homme, c’était César…

      La femme, c’était Lucrèce Borgia.

      – Ah ! s’écria César en l’apercevant, voici le chevalier, le brave Ragastens à qui, comme à son compatriote Bayard, on pourrait donner le titre de « chevalier sans peur et sans re-proche !… »

      – Monseigneur… interrompit Ragastens embarrassé.

      – Ma sœur, continua César, vous n’avez pas vu le chevalier empoigner un homme et s’en servir comme une catapulte qui lancerait un bloc de rocher… Vous n’avez pas vu le chevalier faire sauter à son cheval un triple rang de faquins armés de poi-gnards…

      – Vous m’avez raconté tout cela, mon frère. Asseyez-vous, terrible chevalier… nous aurons à causer.

      Ragastens s’était incliné devant la jeune femme et une ra-pide évocation des magnifiques splendeurs du Palais-Riant passa devant ses yeux.

      – Allons bon ! reprit Lucrèce en parcourant une lettre, voilà le cardinal Vicenti qui proteste contre la redevance que nous de-mandons sur chaque mariage et enterrement… Écrivez-lui, ajou-ta-t-elle, en se tournant vers les abbés secrétaires, qu’il n’a qu’à s’en référer aux termes formels de notre dernière bulle Esto ma-triomonium… Aidez-moi donc, chevalier… décachetez-moi ce paquet.

      Ragastens obéit, abasourdi, stupéfait.

      Lucrèce parlait, agissait, commandait, comme si elle eût été le pape ! Ce n’était plus la Lucrèce du Palais-Riant. C’était une reine aux yeux durs, à la parole brève, au geste impérieux, un di-plomate, un ministre travaillant à l’expédition des affaires d’État !…

      – Ah ! ah ! s’écria César en riant, vous êtes étonné, cheva-lier… Avouez que vous êtes stupéfait… Vous en verrez bien d’autres… Notre Lucrèce, voyez-vous, c’est notre forte tête !

      – Monseigneur ! fit Ragastens, j’admire sans en être étonné, l’activité d’esprit et la puissance de travail de Mme la duchesse de Bisaglia.

      – Une lettre de notre envoyé à Pesaro ! fit Lucrèce. Il nous prévient que les bons habitants de Pesaro s’agitent… deux mille hommes en armes… À toi, César !…

      – Bon ! Nous allons régler tout cela d’un coup !

      – Écrivez à l’ambassadeur d’Espagne que ce qu’il demande est impossible, reprit Lucrèce. Le pape ne peut tolérer une pa-reille usurpation de ses droits… Le roi d’Espagne est trop catho-lique pour ne pas le comprendre… Et, s’il le faut, on l’aidera à comprendre…

      – Diable ! Tu te fâches, Lucrèce ? ricana César. Qu’y a-t-il ?…

      – Rien… une misère.

      Ragastens assistait avec une stupéfaction croissante à cette scène où Lucrèce se révélait. Elle était la papesse !… Une sorte d’écœurement lui venait devant le flagrant délit de cette impu-dente audace. Il s’était un peu reculé, dans la pénombre d’une encoignure. Mais de là, il voyait tout, il entendait tout…

      – Écrivez, dit à ce moment Lucrèce en se tournant vers l’un des secrétaires, écrivez au cardinal Orsini que Sa Sainteté le prie à déjeuner demain, en sa villa du Belvédère…

      – Alors, ce pauvre cardinal Orsini déjeune avec nous, de-main ? interrogea César à demi-voix.

      – Ça lui apprendra, répondit Lucrèce sur le même ton, ça lui apprendra à faire des enquêtes sur la mort de notre pauvre cher François…

      Ragastens avait entendu. Il frissonna. Il crut avoir entrevu la lugubre signification de cette invitation…

      – À propos, continua Lucrèce tout haut, et l’assassin de notre cher frère, est-il trouvé ?

      – J’ai fait arrêter une vingtaine de chenapans, répondit né-gligemment César. Une douzaine d’entre eux ont déjà subi la tor-ture, mais pas un de ces faquins ne veut avouer… Il faudra bien pourtant retrouver le scélérat… un tel crime ne saurait demeurer impuni.

      – C’est mon avis, dit froidement Lucrèce.

      Ragastens écoutait de ses deux oreilles et se demandait s’il ne rêvait pas… Il avait sinon la certitude matérielle, du moins la conviction instinctive que le duc de Gandie avait été assassiné au Palais-Riant. Et ce fut avec une horreur insurmontable qu’il en-tendit César parler, avec un sinistre sourire, de la torture infligée à des malheureux à qui il « fallait » faire avouer le crime qu’ils n’avaient pas commis.

      Il fut sur le point de dire aussitôt à César qu’il était venu pour lui faire ses adieux. La pensée des promesses qu’il avait faites à Raphaël Sanzio le retint. Et il résolut d’attendre la fin de cette scène.

      Il allait se rapprocher de la table à laquelle était assise Lu-crèce, lorsqu’une petite porte latérale s’ouvrit. Un moine entra et se dirigea aussitôt vers Lucrèce. Ragastens tressaillit en recon-naissant dom Garconio.

      Celui-ci n’avait pas vu le chevalier. Il s’était arrêté près de la table, et tournait le dos à Ragastens.

      – Eh bien ? demanda Lucrèce au moine.

      – Princesse, c’est fait.

      – Bon СКАЧАТЬ