Michel Strogoff. Jules Verne
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Название: Michel Strogoff

Автор: Jules Verne

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ dans le gouvernement d’Irkoutsk, n’est plus en communication directe avec Moscou ?

      – Non.

      – Mais il doit savoir, par les dernières dépêches, quelles sont les mesures prises par Votre Majesté et quels secours il doit attendre des gouvernements les plus rapprochés de celui d’Irkoutsk ?

      – Il le sait, répondit le czar, mais ce qu’il ignore, c’est qu’Ivan Ogareff, en même temps que le rôle de rebelle, doit jouer le rôle de traître, et qu’il a en lui un ennemi personnel et acharné. C’est au grand-duc qu’Ivan Ogareff doit sa première disgrâce, et, ce qu’il y a de plus grave, c’est que cet homme n’est pas connu de lui. Le projet d’Ivan Ogareff est donc de se rendre à Irkoutsk, et là, sous un faux nom, d’offrir ses services au grand-duc. Puis, après qu’il aura capté sa confiance, lorsque les Tartares auront investi Irkoutsk, il livrera la ville, et avec elle mon frère, dont la vie est directement menacée. Voilà ce que je sais par mes rapports, voilà ce que ne sait pas le grand-duc, et voilà ce qu’il faut qu’il sache !

      – Eh bien, Sire, un courrier intelligent, courageux…

      – Je l’attends.

      – Et qu’il fasse diligence, ajouta le grand maître de police, car permettez-moi d’ajouter, Sire, que c’est une terre propice aux rébellions que cette terre sibérienne !

      – Veux-tu dire, général, que les exilés feraient cause commune avec les envahisseurs ? s’écria le czar, qui ne fut pas maître de lui-même devant cette insinuation du grand maître de police.

      – Que Votre Majesté m’excuse !… répondit en balbutiant le grand maître de police, car c’était bien véritablement la pensée que lui avait suggérée son esprit inquiet et défiant.

      – Je crois aux exilés plus de patriotisme ! reprit le czar.

      – Il y a d’autres condamnés que les exilés politiques en Sibérie, répondit le grand maître de police.

      – Les criminels ! Oh ! général, ceux-là je te les abandonne ! C’est le rebut du genre humain. Ils ne sont d’aucun pays. Mais le soulèvement, ou plutôt l’invasion n’est pas faite contre l’empereur, c’est contre la Russie, contre ce pays, que les exilés n’ont pas perdu toute espérance de revoir… et qu’ils reverront !… Non, jamais un Russe ne se liguera avec un Tartare pour affaiblir, ne fût-ce qu’une heure, la puissance moscovite !

      Le czar avait raison de croire au patriotisme de ceux que sa politique tenait momentanément éloignés. La clémence, qui était le fond de sa justice, quand il pouvait en diriger lui-même les effets, les adoucissements considérables qu’il avait adoptés dans l’application des ukases, si terribles autrefois, lui garantissaient qu’il ne pouvait se méprendre. Mais, même sans ce puissant élément de succès apporté à l’invasion tartare, les circonstances n’en étaient pas moins très graves, car il était à craindre qu’une grande partie de la population kirghise ne se joignît aux envahisseurs.

      Les Kirghis se divisent en trois hordes, la grande, la petite et la moyenne, et comptent environ quatre cent mille « tentes », soit deux millions d’âmes. De ces diverses tribus, les unes sont indépendantes, et les autres reconnaissent la souveraineté, soit de la Russie, soit des khanats de Khiva, de Khokhand et de Boukhara, c’est-à-dire des plus redoutables chefs du Turkestan. La horde moyenne, la plus riche, est en même temps la plus considérable, et ses campements occupent tout l’espace compris entre les cours d’eau du Sara-Sou, de l’Irtyche, de l’Ichim supérieur, le lac Hadisang et le lac Aksakal. La grande horde, qui occupe les contrées situées dans l’est de la moyenne, s’étend jusqu’aux gouvernements d’Omsk et de Tobolsk. Si donc ces populations kirghises se soulevaient, c’était l’envahissement de la Russie asiatique, et, tout d’abord, la séparation de la Sibérie, à l’est de l’Yeniseï.

      Il est vrai que ces Kirghis, fort novices dans l’art de la guerre, sont plutôt des pillards nocturnes et agresseurs de caravanes que des soldats réguliers. Ainsi que l’a dit M. Levchine, « un front serré ou un carré de bonne infanterie résiste à une masse de Kirghis dix fois plus nombreux, et un seul canon peut en détruire une quantité effroyable ».

      Soit, mais encore faut-il que ce carré de bonne infanterie arrive dans le pays soulevé, et que les bouches à feu quittent les parcs des provinces russes, qui sont éloignées de deux ou trois mille verstes. Or, sauf par la route directe qui joint Ekaterinbourg à Irkoutsk, les steppes, souvent marécageuses, ne sont pas aisément praticables, et plusieurs semaines s’écouleraient certainement avant que les troupes russes pussent se trouver en mesure de repousser les hordes tartares.

      Omsk est le centre de l’organisation militaire de la Sibérie occidentale qui est destinée à tenir en respect les populations kirghises. Là sont les limites que ces nomades, incomplètement soumis, ont plus d’une fois insultées, et, au ministère de la Guerre, on avait tout lieu de penser qu’Omsk était déjà très menacé. La ligne des colonies militaires, c’est-à-dire de ces postes de Cosaques qui sont échelonnés depuis Omsk jusqu’à Sémipalatinsk, devait avoir été forcée en plusieurs points. Or, il était à craindre que les « grands sultans » qui gouvernent les districts kirghis n’eussent accepté volontairement ou subi involontairement la domination des Tartares, musulmans comme eux, et qu’à la haine provoquée par l’asservissement ne se fût jointe la haine due à l’antagonisme des religions grecque et musulmane.

      Depuis longtemps, en effet, les Tartares du Turkestan, et principalement ceux des khanats de Boukhara, de Khokhand, de Koundouze, cherchaient, aussi bien par la force que par la persuasion, à soustraire les hordes kirghises à la domination moscovite.

      Quelques mots seulement sur ces Tartares.

      Les Tartares appartiennent plus spécialement à deux races distinctes, la race caucasique et la race mongole.

      La race caucasique, celle, a dit Abel de Rémusat, « qui est regardée en Europe comme le type de la beauté de notre espèce, parce que tous les peuples de cette partie du monde en sont issus », réunit sous une même dénomination les Turcs et les indigènes de souche persane.

      La race purement mongolique comprend les Mongols, les Mandchous et les Thibétains.

      Les Tartares, qui menaçaient alors l’Empire russe, étaient de race caucasique et occupaient plus particulièrement le Turkestan. Ce vaste pays est divisé en différents États, qui sont gouvernés par des khans, d’où la dénomination de khanats. Les principaux khanats sont ceux de Boukhara, de Khiva, de Khokhand, de Koundouze, etc.

      À cette époque, le khanat le plus important et le plus redoutable était celui de Boukhara. La Russie avait déjà eu à lutter plusieurs fois avec ses chefs, qui, dans un intérêt personnel et pour leur imposer un autre joug, avaient soutenu l’indépendance des Kirghis contre la domination moscovite. Le chef actuel, Féofar-Khan, marchait sur les traces de ses prédécesseurs.

      Ce khanat de Boukhara s’étend du nord au sud, entre les trente-septième et quarante et unième parallèles, et de l’est à l’ouest, entre les soixante et unième et soixante-sixième degrés de longitude, c’est-à-dire sur une surface d’environ dix mille lieues carrées.

      On compte dans cet État une population de deux millions cinq cent mille habitants, une armée de soixante mille hommes, portée au triple en temps de guerre, et trente mille cavaliers. C’est un pays riche, varié dans ses productions animales, végétales, minérales, et qui a été agrandi par l’accession des territoires de Balkh, d’Aukoï et de Meïmaneh. Il possède dix-neuf villes considérables. СКАЧАТЬ