Mont Oriol. Guy de Maupassant
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Название: Mont Oriol

Автор: Guy de Maupassant

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ fixé, jetait aux gens un regard résolu qui donnait un attrait charmant de fermeté et un singulier caractère à cette mignonne et fine personne. Elle n’avait pas grand’chose, de vagues malaises, des tristesses, des crises de larmes sans cause, des colères sans raison, de l’anémie enfin. Elle désirait surtout un enfant, attendu en vain depuis deux ans qu’elle était mariée.

      Le docteur Bonnefille affirma que les eaux d’Enval seraient souveraines et écrivit aussitôt ses prescriptions.

      Elles avaient toujours l’aspect redoutable d’un réquisitoire.

      Sur une grande feuille blanche de papier à écolier, ses ordonnances s’étalaient par nombreux paragraphes de deux ou trois lignes chacun, d’une écriture rageuse, hérissée de lettres pareilles à des pointes.

      Et les potions, les pilules, les poudres qu’on devait prendre à jeun, le matin, à midi, ou le soir, se suivaient avec des airs féroces.

      On croyait lire:

      Attendu que M. X… est atteint d’une maladie chronique, incurable et mortelle;

      Il prendra: 1º Du sulfate de quinine qui le rendra sourd, et lui fera perdre la mémoire;

      2º Du bromure de potassium qui lui détruira l’estomac, affaiblira toutes ses facultés, le couvrira de boutons, et fera fétide son haleine;

      3º De l’iodure de potassium aussi, qui, desséchant toutes les glandes sécrétantes de son individu, celles du cerveau comme les autres, le laissera, en peu de temps, aussi impuissant qu’imbécile;

      4º Du salicylate de soude, dont les effets curatifs ne sont pas encore prouvés, mais qui semble conduire à une mort foudroyante et prompte les malades traités par ce remède;

      Et concurremment:

      «Du chloral qui rend fou, de la belladone qui attaque les yeux, de toutes les solutions végétales, de toutes les compositions minérales qui corrompent le sang, rongent les organes, mangent les os, et font périr par le médicament ceux que la maladie épargne.»

      Il écrivit longtemps, sur le recto et sur le verso, puis signa comme aurait fait un magistrat pour un arrêt capital.

      La jeune femme, assise en face de lui, le regardait, avec une envie de rire qui relevait le coin de ses lèvres.

      Dès qu’il fut sorti, après un grand salut, elle prit le papier noirci d’encre, en fit une boule, puis la jeta dans la cheminée, et, riant enfin de tout son coeur:

      – Oh! père, où as-tu découvert ce fossile? Mais il a tout à fait l’air d’un chand d’habits… Oh!… c’est bien de toi, cela, de déterrer un médecin d’avant la Révolution!… Oh! qu’il est drôle… et sale… ah oui… sale… vrai, je crois qu’il a taché mon porte-plume…

      La porte s’ouvrit, on entendit la voix de M. Andermatt qui disait: «Entrez, Docteur!» Et le docteur Latonne parut. Droit, mince, correct, sans âge, vêtu d’un veston élégant, et tenant à la main le haut chapeau de soie qui distingue le médecin traitant dans la plupart des stations thermales d’Auvergne, le médecin parisien, sans barbe ni moustache, ressemblait à un acteur en villégiature.

      Le marquis, interdit, ne savait que dire ni que faire, tandis que sa fille avait l’air de tousser dans son mouchoir pour ne point éclater de rire au nez du nouveau venu. Il salua avec assurance, et s’assit sur un signe de la jeune femme. M. Andermatt, qui le suivait, lui raconta, avec minutie, la situation de sa femme, ses indispositions avec leurs symptômes, l’opinion des médecins consultés à Paris, suivie de sa propre opinion appuyée sur des raisons spéciales exprimées en termes techniques.

      C’était un homme encore très jeune, un juif, faiseur d’affaires. Il en faisait de toutes sortes et s’entendait à toutes choses avec une souplesse d’esprit, une rapidité de pénétration, une sûreté de jugement tout à fait merveilleuses. Un peu trop gros déjà pour sa taille qui n’était point haute, joufflu, chauve, l’air poupard, les mains grasses, les cuisses courtes, il avait l’air trop frais et malsain, et parlait avec une facilité étourdissante.

      Il avait épousé, par adresse, la fille du marquis de Ravenel pour étendre ses spéculations dans un monde qui n’était point le sien. Le marquis, d’ailleurs, possédait environ trente mille francs de revenu, et deux enfants seulement; mais M. Andermatt, en se mariant, âgé de trente ans à peine, tenait déjà cinq ou six millions; et il avait semé de quoi en récolter dix ou douze. M. de Ravenel, homme indécis, irrésolu, changeant et faible, repoussa d’abord avec colère les ouvertures qu’on lui faisait pour cette union, s’indignant à la pensée de voir sa fille alliée à un israélite, puis, après six mois de résistance il cédait, sous la pression de l’or accumulé, à la condition que les enfants seraient élevés dans la religion catholique.

      Mais on attendait toujours, et aucun enfant ne s’annonçait encore. C’est alors que le marquis, enchanté depuis deux ans des eaux d’Enval, se rappela que la brochure du docteur Bonnefille promettait aussi la guérison de la stérilité.

      Il fit donc venir sa fille, que son gendre accompagna pour l’installer, et pour la confier, sur l’avis de son médecin de Paris, aux soins du docteur Latonne. Donc Andermatt l’avait été chercher dès son arrivée; et il continuait à énumérer les symptômes constatés chez sa femme. Il termina en disant combien il souffrait dans ses espérances de paternité déçues.

      Le docteur Latonne le laissa aller jusqu’au bout, puis, se tournant vers la jeune femme:

      – Avez-vous quelque chose à ajouter, Madame?

      Elle répondit avec gravité:

      – Non, rien du tout, Monsieur.

      Il reprit:

      – Alors, je vous prierai de vouloir bien enlever votre robe de voyage et votre corset; et de passer un simple peignoir blanc, tout blanc.

      Elle s’étonnait; il expliqua vivement son système:

      – Mon Dieu, Madame, c’est bien simple. On était convaincu autrefois que toutes les maladies venaient d’un vice du sang ou d’un vice organique, aujourd’hui nous supposons simplement que, dans beaucoup de cas, et surtout dans votre cas spécial, les malaises indécis dont vous souffrez, et même des troubles graves, très graves, mortels, peuvent provenir uniquement de ce qu’un organe quelconque, ayant pris, sous des influences faciles à déterminer, un développement anormal au détriment de ses voisins, détruit toute l’harmonie, tout l’équilibre du corps humain, modifie ou arrête ses fonctions, entrave le jeu de tous les autres organes.

      Il suffit d’un gonflement de l’estomac pour faire croire à une maladie du coeur qui, gêné dans ses mouvements, devient violent, irrégulier, même intermittent parfois. Les dilatations du foie ou de certaines glandes peuvent causer des ravages que les médecins peu observateurs attribuent à mille causes étrangères.

      Aussi, la première chose que nous devons faire est de constater si tous les organes d’un malade ont bien leur volume et leur place normale; car il suffit de bien peu de chose pour bouleverser la santé d’un homme. Je vais donc, si vous le permettez, Madame, vous examiner avec grand soin, et tracer sur votre peignoir les limites, les dimensions et les positions de vos organes.

      Il avait mis son chapeau sur une chaise et il parlait avec aisance. Sa bouche large, en s’ouvrant et se fermant, creusait dans ses joues rasées deux rides profondes qui lui donnaient aussi un certain air ecclésiastique.

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