Le grand Meaulnes. Alain-Fournier
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Название: Le grand Meaulnes

Автор: Alain-Fournier

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ style="font-size:15px;">      À son entrée, Meaulnes leva la tête et, les sourcils froncés, cria aux gars qui se précipitaient sur le poêle, en se bousculant :

      – On ne peut donc pas être tranquille une minute, ici !

      – Si tu n’es pas content, il fallait rester où tu étais, répondit, sans lever la tête, Jasmin Delouche qui se sentait appuyé par ses compagnons.

      Je pense qu’Augustin était dans cet état de fatigue où la colère monte et vous surprend sans qu’on puisse la contenir.

      – Toi, dit-il, en se redressant et en fermant son livre, un peu pâle, tu vas commencer par sortir d’ici !

      L’autre ricana :

      – Oh ! cria-t-il. Parce que tu es resté trois jours échappé, tu crois que tu vas être le maître maintenant ?

      Et, associant les autres à sa querelle :

      – Ce n’est pas toi qui nous feras sortir, tu sais !

      Mais déjà Meaulnes était sur lui. Il y eut d’abord une bousculade : les manches des blouses craquèrent et se décousirent. Seul, Martin, un des gars de la campagne entrés avec Jasmin, s’interposa :

      – Tu vas le laisser ! dit-il, les narines gonflées, secouant la tête comme un bélier.

      D’une poussée violente, Meaulnes le jeta, titubant, les bras ouverts, au milieu de la classe ; puis, saisissant d’une main Delouche par le cou, de l’autre ouvrant la porte, il tenta de le jeter dehors. Jasmin s’agrippait aux tables et traînait les pieds sur les dalles, faisant crisser ses souliers ferrés, tandis que Martin, ayant repris son équilibre, revenait à pas comptés, la tête en avant, furieux. Meaulnes lâcha Delouche pour se colleter avec cet imbécile, et il allait peut-être se trouver en mauvaise posture, lorsque la porte des appartements s’ouvrit à demi. M. Seurel parut, la tête tournée vers la cuisine, terminant, avant d’entrer, une conversation avec quelqu’un…

      Aussitôt la bataille s’arrêta. Les uns se rangèrent autour du poêle, la tête basse, ayant évité jusqu’au bout de prendre parti. Meaulnes s’assit à sa place, le haut de ses manches décousu et défroncé. Quant à Jasmin, tout congestionné, on l’entendit crier durant les quelques secondes qui précédèrent le coup de règle du début de la classe :

      – Il ne peut plus rien supporter maintenant. Il fait le malin. Il s’imagine peut-être qu’on ne sait pas où il a été !

      – Imbécile ! Je ne le sais pas moi-même, répondit Meaulnes, dans le silence déjà grand.

      Puis, haussant les épaules, la tête dans les mains, il se mit à apprendre ses leçons.

      CHAPITRE VII. LE GILET DE SOIE

      Notre chambre était, comme je l’ai dit, une grande mansarde. À moitié mansarde, à moitié chambre. Il y avait des fenêtres aux autres logis d’adjoints ; on ne sait pas pourquoi celui-ci était éclairé par une lucarne. Il était impossible de fermer complètement la porte, qui frottait sur le plancher. Lorsque nous y montions, le soir, abritant de la main notre bougie que menaçaient tous les courants d’air de la grande demeure, chaque fois nous essayions de fermer cette porte, chaque fois nous étions obligés d’y renoncer. Et, toute la nuit, nous sentions autour de nous, pénétrant jusque dans notre chambre, le silence des trois greniers.

      C’est là que nous nous retrouvâmes, Augustin et moi, le soir de ce même jour d’hiver.

      Tandis qu’en un tour de main j’avais quitté tous mes vêtements et les avais jetés en tas sur une chaise au chevet de mon lit, mon compagnon, sans rien dire, commençait lentement à se déshabiller. Du lit de fer aux rideaux de cretonne décorés de pampres, où j’étais monté déjà, je le regardais faire. Tantôt il s’asseyait sur son lit bas et sans rideaux. Tantôt il se levait et marchait de long en large, tout en se dévêtant. La bougie, qu’il avait posée sur une petite table d’osier tressée par des bohémiens, jetait sur le mur son ombre errante et gigantesque.

      Tout au contraire de moi, il pliait et rangeait, d’un air distrait et amer, mais avec soin, ses habits d’écolier, Je le revois plaquant sur une chaise sa lourde ceinture ; pliant sur le dossier sa blouse noire extraordinairement fripée et salie ; retirant une espèce de paletot gros bleu qu’il avait sous sa blouse, et se penchant en me tournant le dos, pour l’étaler sur le pied de son lit… Mais lorsqu’il se redressa et se retourna vers moi, je vis qu’il portait, au lieu du petit gilet à boutons de cuivre, qui était d’uniforme sous le paletot, un étrange gilet de soie, très ouvert, que fermait dans le bas un rang serré de petits boutons de nacre.

      C’était un vêtement d’une fantaisie charmante, comme devaient en porter les jeunes gens qui dansaient avec nos grands-mères, dans les bals de mil huit cent trente.

      Je me rappelle, en cet instant, le grand écolier paysan, nu-tête, car il avait soigneusement, posé sa casquette sur ses autres habits – visage si jeune, si vaillant et si durci déjà. Il avait repris sa marche à travers la chambre lorsqu’il se mit à déboutonner cette pièce mystérieuse d’un costume qui n’était pas le sien. Et il était étrange de le voir en bras de chemise, avec son pantalon trop court, ses souliers boueux, mettant la main sur ce gilet de marquis.

      Dès qu’il l’eut touché, sortant brusquement de sa rêverie, il tourna la tête vers moi et me regarda d’un œil inquiet. J’avais un peu envie de rire. Il sourit en même temps que moi et son visage s’éclaira.

      – Oh ! dis-moi ce que c’est, fis-je, enhardi, à voix basse. Où l’as-tu pris ?

      Mais son sourire s’éteignit aussitôt. Il passa deux fois sur ses cheveux ras sa main lourde, et tout soudain, comme quelqu’un qui ne peut plus résister à son désir, il réendossa sur le fin jabot sa vareuse qu’il boutonna solidement et sa blouse fripée ; puis il hésita un instant, en me regardant de côté… Finalement, il s’assit sur le bord de son lit, quitta ses souliers qui tombèrent bruyamment sur le plancher ; et, tout habillé comme un soldat au cantonnement d’alerte, il s’étendit sur son lit et souffla la bougie.

      Vers le milieu de la nuit je m’éveillai soudain. Meaulnes était au milieu de la chambre, debout, sa casquette sur la tête, et il cherchait au porte-manteau quelque chose – une pèlerine qu’il se mit sur le dos… La chambre était très obscure. Pas même la clarté que donne parfois le reflet de la neige. Un vent noir et glacé soufflait dans le jardin mort et sur le toit.

      Je me dressai un peu et je lui criai tout bas :

      – Meaulnes ! tu repars ?

      Il ne répondit pas. Alors, tout à fait affolé, je dis :

      – Eh bien, je pars avec toi. Il faut que tu m’emmènes.

      Et je sautai à bas.

      Il s’approcha, me saisit par le bras, me forçant à m’asseoir sur le rebord du lit, et il me dit :

      – Je ne puis pas t’emmener, François. Si je connaissais bien mon chemin, tu m’accompagnerais. Mais il faut d’abord СКАЧАТЬ