La chartreuse de Parme. Stendhal
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Название: La chartreuse de Parme

Автор: Stendhal

Издательство: Public Domain

Жанр: Зарубежная классика

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СКАЧАТЬ toujours les plus beaux yeux du monde et les petites mines les plus gracieuses; mais, vue de près, sa peau était parsemée d’un nombre infini de petites rides fines, qui faisaient de la marquise comme une jeune vieille. Aperçue à une certaine distance, par exemple au théâtre, dans sa loge, c’était encore une beauté; et les gens du parterre trouvaient le prince de fort bon goût. Il passait toutes les soirées chez la marquise Balbi, mais souvent sans ouvrir la bouche, et l’ennui où elle voyait le prince avait fait tomber cette pauvre femme dans une maigreur extraordinaire. Elle prétendait à une finesse sans bornes, et toujours souriait avec malice; elle avait les plus belles dents du monde, et à tout hasard, n’ayant guère de sens, elle voulait, par un sourire malin, faire entendre autre chose que ce que disaient ses paroles. Le comte Mosca disait que c’étaient ces sourires continuels, tandis qu’elle bâillait intérieurement qui lui donnaient tant de rides. La Balbi entrait dans toutes les affaires, et l’Etat ne faisait pas un marché de mille francs, sans qu’il y eût un souvenir pour la marquise (c’était le mot honnête à Parme). Le bruit public voulait qu’elle eût placé six millions de francs en Angleterre, mais sa fortune, à la vérité de fraîche date, ne s’élevait pas en réalité à quinze cent mille francs. C’était pour être à l’abri de ses finesses, et pour l’avoir dans sa dépendance, que le comte Mosca s’était fait ministre des finances. La seule passion de la marquise était la peur déguisée en avarice sordide: Je mourrai sur la paille, disait-elle quelquefois au prince que ce propos outrait. La duchesse remarqua que l’antichambre, resplendissante de dorures, du palais de la Balbi, était éclairée par une seule chandelle coulant sur une table de marbre précieux, et les portes de son salon étaient noircis par les doigts des laquais.

      – Elle m’a reçue, dit la duchesse à son ami, comme si elle eût attendu de moi une gratification de cinquante francs.

      Le cours des succès de la duchesse fut un peu interrompu par la réception que lui fit la femme la plus adroite de la cour, la célèbre marquise Raversi, intrigante consommée qui se trouvait à la tête du parti opposé à celui du comte Mosca. Elle voulait le renverser et d’autant plus depuis quelques mois, qu’elle était nièce du comte Sanseverina, et craignait de voir attaquer l’héritage par les grâces de la nouvelle duchesse.

      – La Raversi n’est point une femme à mépriser, disait le comte à son amie, je la tiens pour tellement capable de tout que je me suis séparé de ma femme uniquement parce qu’elle s’obstinait à prendre pour amant le chevalier Bentivoglio, l’un des amis de la Raversi.

      Cette dame, grande virago aux cheveux fort noirs, remarquable par les diamants qu’elle portait dès le matin, et par le rouge dont elle couvrait ses joues, s’était déclarée d’avance l’ennemie de la duchesse, et en la recevant chez elle prit à tâche de commencer la guerre. Le duc Sanseverina, dans les lettres qu’il écrivait de ***, paraissait tellement enchanté de son ambassade, et surtout de l’espoir du grand cordon, que sa famille craignait qu’il ne laissât une partie de sa fortune à sa femme qu’il accablait de petits cadeaux. La Raversi, quoique régulièrement laide, avait pour amant le comte Balbi, le plus joli homme de la cour: en général elle réussissait à tout ce qu’elle entreprenait.

      La duchesse tenait le plus grand état de maison. Le palais Sanseverina avait toujours été un des plus magnifiques de la ville de Parme, et le duc, à l’occasion de son ambassade et de son futur grand cordon, dépensait de fort grosses sommes pour l’embellir: la duchesse dirigeait les réparations.

      Le comte avait deviné juste: peu de jours après la présentation de la duchesse, la jeune Clélia Conti vint à la cour, on l’avait faite chanoinesse. Afin de parer le coup que cette faveur pouvait avoir l’air de porter au crédit du comte, la duchesse donna une fête sous prétexte d’inaugurer le jardin de son palais, et, par ses façons pleines de grâces, elle fit de Clélia, qu’elle appelait sa jeune amie du lac de Côme, la reine de la soirée. Son chiffre se trouva comme par hasard sur les principaux transparents’. La jeune Clélia, quoique un peu pensive, fut aimable dans ses façons de parler de la petite aventure près du lac, et de sa vive reconnaissance. On la disait fort dévote et fort amie de la solitude.

      – Je parierais, disait le comte, qu’elle a assez d’esprit pour avoir honte de son père.

      La duchesse fit son amie de cette jeune fille, elle se sentait de l’inclination pour elle; elle ne voulait pas paraître jalouse. et la mettait à toutes ses parties de plaisir; enfin son système était de chercher à diminuer toutes les haines dont le comte était l’objet.

      Tout souriait à la duchesse, elle s’amusait de cette existence de cour où la tempête est toujours à craindre; il lui semblait recommencer la vie. Elle était tendrement attachée au comte, qui littéralement était fou de bonheur. Cette aimable situation lui avait procuré un sang-froid parfait pour tout ce qui ne regardait que ses intérêts d’ambition. Aussi deux mois à peine après l’arrivée de la duchesse, il obtint la patente et les honneurs de premier ministre, lesquels approchent fort de ceux que l’on rend au souverain lui-même. Le comte pouvait tout sur l’esprit de son maître, on en eut à Parme une preuve qui frappa tous les esprits.

      Au sud-est et à dix minutes de la ville, s’élève cette fameuse citadelle si renommée en Italie, et dont la grosse tour a cent quatre-vingts pieds de haut et s’aperçoit de si loin. Cette tour, bâtie sur le modèle du mausolée d’Adrien, à Rome, par les Farnèse, petits-fils de Paul III, vers le commencement du XVIe siècle, est tellement épaisse, que sur l’esplanade qui la termine on a pu bâtir un palais pour le gouverneur de la citadelle et une nouvelle prison appelée la tour Farnèse. Cette prison, construite en l’honneur du fils aîné de Ranuce-Ernest II, lequel était devenu l’amant aimé de sa belle-mère, passe pour belle et singulière dans le pays. La duchesse eut la curiosité de la voir; le jour de sa visite, la chaleur était accablante à Parme, et là-haut, dans cette position élevée elle trouva de l’air, ce dont elle fut tellement ravie, qu’elle y passa plusieurs heures. On s’empressa de lui ouvrir les salles de la tour Farnèse.

      La duchesse rencontra sur l’esplanade de la grosse tour un pauvre libéral prisonnier, qui était venu jouir de la demi-heure de promenade qu’on lui accordait tous les trois jours. Redescendue à Parme, et n’ayant pas encore la discrétion nécessaire dans une cour absolue, elle parla de cet homme qui lui avait raconté toute son histoire. Le parti de la marquise Raversi s’empara de ces propos de la duchesse et les répéta beaucoup, espérant fort qu’ils choqueraient le prince. En effet, Ernest IV répétait souvent que l’essentiel était surtout de frapper les imaginations.

      – Toujours est un grand mot, disait-il, et plus terrible en Italie qu’ailleurs.

      En conséquence, de sa vie il n’avait accordé de grâce. Huit jours après sa visite à la forteresse, la duchesse reçut une lettre de commutation de peine, signée du prince et du ministre, avec le nom en blanc. Le prisonnier dont elle écrirait le nom devait obtenir la restitution de ses biens, et la permission d’aller passer en Amérique le reste de ses jours. La duchesse écrivit le nom de l’homme qui lui avait parlé. Par malheur cet homme se trouva un demi-coquin, une âme faible; c’était sur ses aveux que le fameux Ferrante Palla avait été condamné à mort.

      La singularité de cet te grâce mit le comble à l’agrément de la position de Mme Sanseverina. Le comte Mosca était fou de bonheur, ce fut une belle époque de sa vie, et elle eut une influence décisive sur les destinées de Fabrice. Celui-ci était toujours à Romagnano, près de Novare, se confessant, chassant, ne lisant point et faisant la cour à une femme noble comme le portaient ses instructions. La duchesse était toujours un peu choquée par cette dernière nécessité. Un autre signe qui ne valait rien pour le comte, c’est qu’étant avec lui de la dernière franchise sur tout au monde, et pensant tout haut en sa présence, elle ne lui parlait jamais de Fabrice qu’après avoir songé à la tournure de sa phrase.

      – Si СКАЧАТЬ