Название: Cinq semaines en ballon
Автор: Jules Verne
Издательство: Public Domain
Жанр: Зарубежная классика
isbn:
isbn:
Mais aussi quel homme était le docteur pour ce digne Joe! avec quel respect et quelle confiance il accueillait ses décisions. Quand Fergusson avait parlé, fou qui eût voulu répondre. Tout ce qu’il pensait était juste ; tout ce qu’il disait, sensé ; tout ce qu’il commandait, faisable ; tout ce qu’il entreprenait, possible ; tout ce qu’il achevait, admirable. Vous auriez découpé Joe en morceaux, ce qui vous eût répugné sans doute, qu’il n’aurait pas changé d’avis à l’égard de son maître.
Aussi, quand le docteur conçut ce projet de traverser l’Afrique par les airs, ce fut pour Joe chose faite ; il n’existait plus d’obstacles ; dès l’instant que le docteur Fergusson avait résolu de partir, il était arrivé – avec son fidèle serviteur, car ce brave garçon, sans en avoir jamais parlé, savait bien qu’il serait du voyage.
Portrait de Joe.
Il devait d’ailleurs y rendre les plus grands services par son intelligence et sa merveilleuse agilité. S’il eut fallu nommer un professeur de gymnastique pour les singes du Zoological Garden, qui sont bien dégourdis cependant, Joe aurait certainement obtenu cette place. Sauter, grimper, voler, exécuter mille tours impossibles, il s’en faisait un jeu.
Si Fergusson était la tête et Kennedy le bras, Joe devait être la main. Il avait déjà accompagné son maître pendant plusieurs voyages, et possédait quelque teinture de science appropriée à sa façon ; mais il se distinguait surtout par une philosophie douce, un optimisme charmant ; il trouvait tout facile, logique, naturel, et par conséquent il ignorait le besoin de se plaindre ou de maugréer.
Entre autres qualités, il possédait une puissance et une étendue de vision étonnantes ; il partageait avec Mœstlin, le professeur de Képler, la rare faculté de distinguer sans lunettes les satellites de Jupiter et de compter dans le groupe des Pléiades quatorze étoiles, dont les dernières sont de neuvième grandeur. Il ne s’en montrait pas plus fier pour cela ; au contraire : il vous saluait de très loin, et, à l’occasion, il savait joliment se servir de ses yeux.
Avec cette confiance que Joe témoignait au docteur, il ne faut donc pas s’étonner des incessantes discussions qui s’élevaient entre Kennedy et le digne serviteur, toute déférence gardée d’ailleurs.
L’un doutait, l’autre croyait ; l’un était la prudence clairvoyante, l’autre la confiance aveugle ; le docteur se trouvait entre le doute et la croyance! je dois dire qu’il ne se préoccupait ni de l’une ni de l’autre.
«Eh bien! monsieur Kennedy ? disait Joe.
– Eh bien! mon garçon ?
– Voilà le moment qui approche. Il paraît que nous nous embarquons pour la lune.
– Tu veux dire la terre de la Lune, ce qui n’est pas tout à fait aussi loin ; mais sois tranquille, c’est aussi dangereux.
– Dangereux! avec un homme comme le docteur Fergusson!
– Je ne voudrais pas t’enlever tes illusions, mon cher Joe ; mais ce qu’il entreprend là est tout bonnement le fait d’un insensé : il ne partira pas.
– Il ne partira pas! Vous n’avez donc pas vu son ballon à l’atelier de MM. Mittchell, dans le Borough[12].
– Je me garderais bien de l’aller voir.
– Vous perdez là un beau spectacle, monsieur! Quelle belle chose! quelle jolie coupe! quelle charmante nacelle! Comme nous serons à notre aise là-dedans!
– Tu comptes donc sérieusement accompagner ton maître ?
– Moi, répliqua Joe avec conviction, mais je l’accompagnerai où il voudra! Il ne manquerait plus que cela! le laisser aller seul, quand nous avons couru le monde ensemble! Et qui le soutiendrait donc quand il serait fatigué ? qui lui tendrait une main vigoureuse pour sauter un précipice ? qui le soignerait s’il tombait malade ? Non, monsieur Dick, Joe sera toujours à son poste auprès du docteur, que dis-je, autour du docteur Fergusson.
– Brave garçon!
– D’ailleurs, vous venez avec nous, reprit Joe.
– Sans doute! fit Kennedy ; c’est-à-dire je vous accompagne pour empêcher jusqu’au dernier moment Samuel de commettre une pareille folie! Je le suivrai même jusqu’à Zanzibar, afin que là encore la main d’un ami l’arrête dans son projet insensé.
– Vous n’arrêterez rien du tout, monsieur Kennedy, sauf votre respect. Mon maître n’est point un cerveau brûlé ; il médite longuement ce qu’il veut entreprendre, et quand sa résolution est prise, le diable serait bien qui l’en ferait démordre.
– C’est ce que nous verrons!
– Ne vous flattez pas de cet espoir. D’ailleurs, l’important est que vous veniez. Pour un chasseur comme vous, l’Afrique est un pays merveilleux. Ainsi, de toute façon, vous ne regretterez point votre voyage.
– Non, certes, je ne le regretterai pas, surtout si cet entêté se rend enfin à l’évidence.
– À propos, dit Joe, vous savez que c’est aujourd’hui le pesage.
– Comment, le pesage ?
– Sans doute, mon maître, vous et moi, nous allons tous trois nous peser.
– Comme des jockeys!
– Comme des jockeys. Seulement, rassurez-vous, on ne vous fera pas maigrir si vous êtes trop lourd. On vous prendra comme vous serez.
– Je ne me laisserai certainement pas peser, dit l’Écossais avec fermeté.
– Mais, monsieur, il paraît que c’est nécessaire pour sa machine.
– Eh bien! sa machine s’en passera.
– Par exemple! et si, faute de calculs exacts, nous n’allions pas pouvoir monter!
– Eh parbleu! je ne demande que cela!
– Voyons, monsieur Kennedy, mon maître va venir à l’instant nous chercher.
– Je n’irai pas.
– Vous ne voudrez pas lui faire cette peine.
– Je la lui ferai.
– Bon! fit Joe en riant, vous parlez ainsi parce qu’il n’est pas là ; mais quand il vous dira face à face : «Dick (sauf votre respect), Dick, j’ai besoin de connaître exactement ton poids», vous irez, je vous en réponds.
– Je n’irai pas.»
En СКАЧАТЬ
12
Faubourg méridional de Londres.