Название: Les Trois Mousquetaires / Три мушкетера
Автор: Александр Дюма
Издательство: КАРО
Серия: Littérature classique (Каро)
isbn: 978-5-9925-1601-2
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– Je dis qu’il est probable que les choses se sont passées ainsi, mais je n’en jure pas, Sire. Vous savez combien la vérité est difficile à connaître, et à moins d’être doué de cet instinct admirable qui a fait nommer Louis XIII le Juste…
– Et vous avez raison, Tréville ; mais ils n’étaient pas seuls, vos mousquetaires, il y avait avec eux un enfant ?
– Oui, Sire, et un homme blessé, de sorte que trois mousquetaires du roi, dont un blessé, et un enfant, non seulement ont tenu tête à cinq des plus terribles gardes de M. le cardinal, mais encore en ont porté quatre à terre.
– Mais c’est une victoire, cela ! s’écria le roi tout rayonnant ; une victoire complète !
– Oui, Sire, aussi complète que celle du pont de Cé.
– Quatre hommes, dont un blessé, et un enfant, dites-vous ?
– Un jeune homme à peine ; lequel s’est même si parfaitement conduit en cette occasion, que je prendrai la liberté de le recommander à Votre Majesté.
– Comment s’appelle-t-il ?
– D’Artagnan, Sire. C’est le fils d’un de mes plus anciens amis ; le fils d’un homme qui a fait avec le roi votre père, de glorieuse mémoire, la guerre de partisan.
– Et vous dites qu’il s’est bien conduit, ce jeune homme ? Racontez-moi cela, Tréville ; vous savez que j’aime les récits de guerre et de combat. »
Et le roi Louis XIII releva fièrement sa moustache en se posant sur la hanche.
« Sire, reprit Tréville, comme je vous l’ai dit M. d’Artagnan est presque un enfant, et comme il n’a pas l’honneur d’être mousquetaire, il était en habit bourgeois ; les gardes de M. le cardinal, reconnaissant sa grande jeunesse et, de plus, qu’il était étranger au corps, l’invitèrent donc à se retirer avant qu’ils attaquassent.
– Alors, vous voyez bien, Tréville, interrompit le roi, que ce sont eux qui ont attaqué.
– C’est juste, Sire : ainsi, plus de doute ; ils le sommèrent donc de se retirer ; mais il répondit qu’il était mousquetaire de coeur et tout à Sa Majesté, qu’ainsi donc il resterait avec messieurs les mousquetaires.
– Brave jeune homme ! murmura le roi.
– En effet, il demeura avec eux ; et Votre Majesté a là un si ferme champion, que ce fut lui qui donna à Jussac ce terrible coup d’épée qui met si fort en colère M. le cardinal.
– C’est lui qui a blessé Jussac ? s’écria le roi ; lui, un enfant ! Ceci, Tréville, c’est impossible.
– C’est comme j’ai l’honneur de le dire à Votre Majesté.
– Jussac, une des premières lames du royaume !
– Eh bien, Sire ! il a trouvé son maître.
– Je veux voir ce jeune homme, Tréville, je veux le voir, et si l’on peut faire quelque chose, eh bien, nous nous en occuperons.
– Quand Votre Majesté daignera-t-elle le recevoir ?
– Demain à midi, Tréville.
– L’amènerai-je seul ?
– Non, amenez-les-moi tous les quatre ensemble. Je veux les remercier tous à la fois ; les hommes dévoués sont rares, Tréville, et il faut récompenser le dévouement.
– À midi, Sire, nous serons au Louvre.
– Ah ! par le petit escalier, Tréville, par le petit escalier. Il est inutile que le cardinal sache…
– Oui, Sire.
– Vous comprenez, Tréville, un édit est toujours un édit ; il est défendu de se battre, au bout du compte.
– Mais cette rencontre, Sire, sort tout à fait des conditions ordinaires d’un duel : c’est une rixe, et la preuve, c’est qu’ils étaient cinq gardes du cardinal contre mes trois mousquetaires et M. d’Artagnan.
– C’est juste, dit le roi ; mais n’importe, Tréville, venez toujours par le petit escalier. »
Tréville sourit. Mais comme c’était déjà beaucoup pour lui d’avoir obtenu de cet enfant qu’il se révoltât contre son maître, il salua respectueusement le roi, et avec son agrément prit congé de lui.
Dès le soir même, les trois mousquetaires furent prévenus de l’honneur qui leur était accordé. Comme ils connaissaient depuis longtemps le roi, ils n’en furent pas trop échauffés : mais d’Artagnan, avec son imagination gasconne, y vit sa fortune à venir, et passa la nuit à faire des rêves d’or. Aussi, dès huit heures du matin, était-il chez Athos.
D’Artagnan trouva le mousquetaire tout habillé et prêt à sortir. Comme on n’avait rendez-vous chez le roi qu’à midi, il avait formé le projet, avec Porthos et Aramis, d’aller faire une partie de paume dans un tripot situé tout près des écuries du Luxembourg. Athos invita d’Artagnan à les suivre, et malgré son ignorance de ce jeu, auquel il n’avait jamais joué, celui-ci accepta, ne sachant que faire de son temps, depuis neuf heures du matin qu’il était à peine jusqu’à midi.
Les deux mousquetaires étaient déjà arrivés et pelotaient ensemble. Athos, qui était très fort à tous les exercices du corps, passa avec d’Artagnan du côté opposé, et leur fit défi. Mais au premier mouvement qu’il essaya, quoiqu’il jouât de la main gauche, il comprit que sa blessure était encore trop récente pour lui permettre un pareil exercice. D’Artagnan resta donc seul, et comme il déclara qu’il était trop maladroit pour soutenir une partie en règle, on continua seulement à s’envoyer des balles sans compter le jeu. Mais une de ces balles, lancée par le poignet herculéen de Porthos, passa si près du visage de d’Artagnan, qu’il pensa que si, au lieu de passer à côté, elle eût donné dedans, son audience était probablement perdue, attendu qu’il lui eût été de toute impossibilité de se présenter chez le roi. Or, comme de cette audience, dans son imagination gasconne, dépendait tout son avenir, il salua poliment Porthos et Aramis, déclarant qu’il ne reprendrait la partie que lorsqu’il serait en état de leur tenir tête, et il s’en revint prendre place près de la corde et dans la galerie.
Malheureusement pour d’Artagnan, parmi les spectateurs se trouvait un garde de Son Éminence, lequel, tout échauffé encore de la défaite de ses compagnons, arrivée la veille seulement, s’était promis de saisir la première occasion de la venger. Il crut donc que cette occasion était venue, et s’adressant à son voisin :
« Il n’est pas étonnant, dit-il, que ce jeune homme ait eu peur d’une balle, c’est sans doute un apprenti mousquetaire. »
D’Artagnan se retourna comme si un serpent l’eût mordu, et regarda fixement le garde qui venait de tenir cet insolent propos.
« Pardieu ! reprit celui-ci en frisant insolemment, sa moustache, regardez-moi tant que vous voudrez, mon petit monsieur, j’ai dit ce que j’ai dit.
– Et comme ce que vous avez dit est trop СКАЧАТЬ