Souvenirs de Charles-Henri Baron de Gleichen. Gleichen Charles Henri
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      Souvenirs de Charles-Henri Baron de Gleichen

      AVERTISSEMENT

      L a duchesse de Choiseul, qui nous est aujourd'hui si bien connue, a passionnément aimé son mari, nous le savons, et elle n'a jamais aimé que lui, on peut le croire sans témérité. Mais elle se laissait volontiers admirer, adorer, aimer, car elle inspirait à tous ceux qui l'approchaient et qui étaient touchés de sa beauté et de ses vertus, des sentiments qui, pour n'oser s'avouer hautement et se déguiser sous les noms honnêtes d'amitié et de dévouement, ressemblaient à ce que l'on est convenu d'appeler de l'amour. Parmi ces amoureux discrets et délicats se distinguait un étranger, un allemand, le baron de Gleichen, dont il est si souvent fait mention dans les lettres de Mme du Deffand et de la duchesse de Choiseul. Nul ne fut plus que lui, si on excepte l'abbé Barthélemy, sous le charme des attraits irrésistibles de cette femme autant estimable qu'aimable, qui avait toutes les vertus ou peu s'en faut, cela n'est pas douteux, et qui pourtant n'était pas chrétienne, avouons-le au risque de déplaire à ses adorateurs de ce temps-ci.

      J'ai ouï dire à de très-bons juges qui, par pure ignorance, ne rendaient pas justice au duc de Choiseul, qu'il était impossible qu'un mari si tendrement aimé par une femme si parfaite ne fût pas estimable. Le duc de Choiseul, quoique, hélas! bien souvent infidèle, était digne de tant d'amour; on n'inspire pas des sentiments tout à la fois si tendres et si passionnés sans les mériter. L'abbé Barthélemy, cet ami si dévoué, s'il vit dans la mémoire des hommes, ce n'est pas pour avoir écrit le Jeune Anacharsis et avoir su le phénicien, c'est uniquement à cause de l'affection qu'avait pour lui la duchesse de Choiseul, et du culte qu'il lui avait voué. Après le grand abbé, Gleichen est sûrement celui qui a le plus aimé la duchesse de Choiseul, et c'est lui sans contredit qui a fait de cette femme rare le portrait le plus ressemblant et aussi le plus flatteur. En revanche, elle lui a donné des marques de la plus véritable affection, et pour le conserver auprès d'elle, dans sa société de tous les jours, le duc de Choiseul, à sa prière, a fait et tenté des choses impossibles.

      Barthélemy et Gleichen ont été incontestablement les deux amis que la duchesse de Choiseul a le plus particulièrement distingués, et à qui elle a été le plus attachée. Cette recommandation a suffi pour faire revivre le nom de Barthélemy, déjà tombé dans l'oubli: qu'elle sauve du même naufrage la mémoire de Gleichen, qui mérite aussi bien d'être un peu connu pour lui-même, et à qui ses modestes Souvenirs assurent une place honorable parmi les chroniqueurs de la seconde moitié du dix-huitième siècle.

      Charles-Henri de Gleichen naquit en 1735 à Nemersdorf, auprès de Bayreuth. Son père, dont il était l'unique fils, était grand veneur de cette petite cour. Gleichen reçut sa première éducation dans la maison paternelle, et en 1750 il fut envoyé à l'université de Leipsig. Il y connut le poëte Gellert, qui fut vraisemblablement un de ses maîtres, et à qui il inspira une vive amitié. En 1752, Gleichen était de retour à Bayreuth, et il fut admis dans la maison du margrave en qualité de gentilhomme de la chambre. L'année suivante, il alla à Paris achever son éducation: il paraît avoir surtout fréquenté le salon de Mme de Graffigny. En 1755, Gleichen accompagna le margrave de Bayreuth et sa femme en Italie, et le 21 août de la même année, il fut attaché à la personne de la margrave en qualité de chambellan. Cette femme d'un mérite si distingué, digne sœur de Frédéric, honorait Gleichen d'une confiance toute particulière. Elle le renvoya en 1756 en Italie.

      Voici deux lettres qu'elle lui écrivait:

Bayreuth, le 9 avril 1756.

      «J'ai eu le plaisir, monsieur, de recevoir votre lettre. Tout ce que vous me dites de beau de Rome me fait venir l'eau à la bouche. Est-il possible qu'on puisse avoir des vapeurs, quand on est au paradis? Cependant vous mandez au marquis d'Adhémar que vous en êtes tourmenté. J'espère qu'elles vous donneront trêve à l'avenir et que j'aurai plus souvent de vos nouvelles.

      «Après avoir passé le plus triste hiver du monde par rapport à ma santé, j'ai fini par prendre une fausse pleurésie. Comme je suis encore si languissante, je ne crois pas de longtemps me tirer d'affaire. J'en viens à nos commissions:

      «Je vous laisse entièrement le maître de mes trésors, et d'en acheter tout ce qu'il vous plaira. Le diable règne beaucoup chez moi à force de retrancher sur mes charmes. Je vous envoie 200 sequins, que vous pourrez employer à votre plaisir, pour ce que vous trouverez de plus beau. Je vous prie de faire en sorte que Pompée Battoni finisse le tableau du margrave, et qu'il soit envoyé tout de suite. Pour ce qui est du portrait du duc et de ma fille, je ferai écrire à Stuttgard.

      «Je trouve comme vous que le modèle de la Flore est extrêmement cher.

      «Je vous prie de faire mes excuses au prélat Marcolini de ce que je ne lui ai point répondu, et de dire au prélat Emaldi que ma tabatière partira incessamment, et que c'est le peintre qui en a retardé l'envoi.

      «Le service de porcelaine pour le cardinal Valenti est parti le 5 de ce mois. Je vous adresse la lettre. Mandez-moi si La Condamine est encore à Rome, et en ce cas faites-lui bien mes compliments. Dites-lui que mon portrait va être commencé, et soyez persuadé de ma parfaite estime, monsieur.

      «Votre très-affectionnée

«Wilhelmine.»
A Bayreuth, le 18 avril 1756.

      «J'ai eu un plaisir infini, monsieur, en lisant votre relation, et j'en aurai encore plus, si vous voulez bien la continuer. Tout ce qui renouvelle les idées de mon voyage me récrée l'esprit. Vous devez m'avoir bien des obligations de vous avoir renvoyé au charmant séjour où vous êtes.

      «Si l'on m'y veut un peu de bien, je le mérite par le tendre amour que j'ai pour ce paradis. Faites, je vous prie, bien des compliments à tous ceux qui se souviennent de moi, et surtout aux cardinaux de la maison Corsini, dont vous ne me dites rien, et à M. de Stainville.

      «J'aurais été charmée si M. de Canillac avait reçu le chapeau de cardinal. Je vous adresse deux lettres. Vous n'avez pas besoin de recommandations. Si je vous en donne, c'est plutôt par une marque de mon estime que par toute autre raison. Soyez persuadé, monsieur, que je tâcherai de vous en convaincre en toute occasion.

«Wilhelmine.»

      P. S. Je suis encore très-malade, et j'ignore si je relèverai de cette maladie, ou non. La tabatière de M. le prélat Emaldi est partie. Il m'a été impossible de dicter plus longtemps.

      Gleichen resta en Italie jusqu'après la mort de la margrave, qui arriva le 14 octobre 1758. Il revint en passant par Avignon et Genève, et il s'arrêta pour faire aux Délices une visite à Voltaire, qu'il avait déjà vu à Bayreuth en 1753. Pendant son séjour à Rome, Gleichen avait connu l'ambassadeur de France, le comte de Stainville, et avait été admis dans sa familiarité. Vers la fin de 1758, le comte de Stainville était devenu duc de Choiseul et ministre des affaires étrangères en France, à la place du cardinal de Bernis. Le margrave de Bayreuth avait à réclamer le payement des subsides que la France lui avait promis pour prix de sa neutralité, et on ne s'empressait guères, paraît-il, de faire droit à ses justes réclamations. Il semble que le duc de Choiseul lui fit dire qu'il lui serait agréable d'avoir à traiter de cette affaire avec le baron de Gleichen. Cette insinuation fut un ordre, et Gleichen retourna à Paris chargé de cette commission: on peut soupçonner pourtant qu'il aurait souhaité un autre emploi. Voici ce que lui écrivait à ce sujet la duchesse de Choiseul:

      «Je suis bien aise, monsieur le baron, que vous ayez eu des preuves de l'intérêt que M. de Choiseul et moi prenons à vous. J'ai bien senti cependant que ce que nous avons demandé, que vous fussiez employé par le margrave en France, n'était pas ce qui devait vous être le plus agréable, mais je ne crois pas que ce soit ce qui doive vous être le moins utile. C'est toujours un commencement, et commencer, dans toutes les affaires, est toujours l'opération la plus difficile: l'impulsion une fois donnée, c'est au talent à la conduire où il veut.»

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