Résurrection (Roman). León Tolstoi
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Читать онлайн книгу Résurrection (Roman) - León Tolstoi страница 10

Название: Résurrection (Roman)

Автор: León Tolstoi

Издательство: Bookwire

Жанр: Философия

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isbn: 4064066373573

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СКАЧАТЬ de papier blanc, et une énorme quantité de crayons de dimensions diverses, fraîchement taillés.

      Derrière les juges entra le substitut du procureur. Il s’avança, lui aussi, le plus vite qu’il put vers son siège, tenant toujours sa serviette sous l’aisselle et agitant le bras. Aussitôt assis, il se plongea dans la lecture du dossier, profitant des moindres minutes pour préparer son réquisitoire. Nous devons ajouter, en effet, que Breuer avait été tout récemment nommé substitut, et que c’était la quatrième fois seulement qu’il requérait en assises. Il était fort ambitieux, rêvait de faire une belle carrière, et jugeait indispensable, pour y réussir, d’obtenir des condamnations dans tous les procès où il prenait part. Il avait déjà combiné le plan général du réquisitoire qu’il prononcerait dans l’affaire de l’empoisonnement; mais il avait encore à prendre connaissance des faits mêmes de l’affaire, pour appuyer et étoffer son argumentation.

      Enfin le greffier, assis à l’extrémité opposée de l’estrade, et ayant disposé devant lui toutes les pièces qu’il aurait à lire, parcourait un article d’un journal prohibé, qu’il avait reçu la veille et lu déjà une première fois. Il voulait parler de cet article avec le juge à la grande barbe, qu’il savait être de même opinion que lui en politique: et, avant d’en parler, il désirait le connaître à fond.

      IV

      Le président, après avoir consulté des papiers, fit quelques questions à l’huissier et au greffier; puis, ayant reçu d’eux des réponses affirmatives, il donna ordre d’introduire les prévenus.

      Aussitôt une porte s’ouvrit, dans le fond, et deux gendarmes entrèrent, le bonnet de poil sur la tête, le sabre hors du fourreau. Derrière eux apparurent les trois prévenus: d’abord un homme, un roux au visage couvert de taches de rousseur, puis deux femmes. L’homme était vêtu d’un costume de prison, trop long et trop large pour lui. Il tenait ses bras serrés contre son corps, pour retenir les manches, qui, sans cela, eussent caché ses mains. Il semblait ne voir ni les juges ni le public, et gardait ses yeux obstinément fixés sur le banc auprès duquel il passait. Quand il en eut fait le tour, il s’assit et, levant les yeux sur le président, il se mit à agiter les lèvres comme s’il murmurait quelque chose.

      La femme qui venait ensuite, également vêtue d’un costume de détenue, pouvait avoir une cinquantaine d’années. Elle avait autour de la tête un fichu de prison. Et son visage, d’une pâleur grise, n’aurait eu rien que de très ordinaire si l’on n’y avait remarqué une absence complète de sourcils et de cils. Elle paraissait, d’ailleurs, absolument calme. En arrivant à sa place, comme sa robe s’était accrochée à un clou, elle la tira avec soin, sans hâte, la rajusta, et s’assit.

      L’autre femme était la Maslova.

      Dès qu’elle entra, les yeux de tous les hommes présents dans la salle se tournèrent vers elle et considérèrent longtemps son doux visage, sa taille fine, son ample poitrine saillante sous son sarrau. Le gendarme lui-même, devant qui elle devait passer, la regarda sans la quitter des yeux jusqu’à ce qu’elle se fût assise; après quoi, comme s’il s’était senti en faute, il se pressa de détourner le visage, et, s’étant secoué, fixa la fenêtre, en face de lui.

      Le président attendit que les prévenus se fussent assis. Puis il se tourna vers le greffier. Et la procédure ordinaire commença: l’appel des jurés, des suppléants, le jugement de ceux qui manquaient, leur condamnation à l’amende, l’examen des excuses de ceux qui s’étaient excusés, le remplacement des jurés absents par des suppléants. Puis le président demanda au pope de faire prêter serment aux jurés.

      Ce pope était un gros vieillard chauve, au visage rouge, avec quelques cheveux blancs et une barbe blanche mal fournie. Il était vêtu d’une soutane de soie cannelle, avec une croix d’or, attachée à une chaîne, et qu’il ne cessait de retourner sur sa poitrine, de ses doigts enflés. Il portait aussi une petite décoration cousue sur le côté. Il était dans les ordres depuis quarante-neuf ans, et s’apprêtait à célébrer, l’année suivante, son jubilé, comme avait fait tout récemment l’archiprêtre de la cathédrale. Il était attaché au tribunal depuis la construction du Palais de Justice; il s’enorgueillissait fort d’avoir fait prêter serment à plusieurs dizaines de milliers de personnes, et de continuer, dans sa vieillesse à travailler pour le bien de l’Église, de la patrie, et aussi de sa famille, à qui il comptait laisser, en plus de sa maison, un capital d’au moins trente mille roubles en bonnes obligations. L’idée ne lui était jamais venue qu’il pût mal agir en faisant prêter serment sur l’Évangile devant un tribunal; loin d’en être embarrassé, il aimait cette occupation, qui, souvent, lui fournissait l’occasion de faire connaissance avec des personnages distingués. C’est ainsi qu’il avait été très heureux, ce jour-là, de faire connaissance avec le fameux avocat de Pétersbourg, pour qui sa considération avait encore doublé quand il avait su qu’un seul procès lui avait rapporté dix mille roubles.

      Dès que le président l’eut autorisé à faire prêter serment aux jurés, le vieux pope, soulevant avec lenteur ses pieds enflés, se mit en marche vers le pupitre dressé devant l’image sainte. Les jurés se levèrent, et, en troupe pressée, le suivirent.

      — Un instant! — dit le pope, taquinant sa croix de sa main droite, et attendant que tous les jurés se fussent approchés.

      Quand tous furent arrivés auprès de l’image, le pope, penchant sur le côté sa tête blanche, la passa dans le trou graisseux de son étole, puis, ayant remis en ordre ses cheveux clairsemés, se tourna vers les jurés; «Vous lèverez la main droite et vous disposerez vos doigts comme ceci!» dit-il, en même temps qu’il soulevait sa grosse main, les doigts pliés comme pour prendre une prise. «Et maintenant, répétez avec moi: Je jure devant le Saint Évangile et la croix vivifiante de Notre-Seigneur que, dans l’affaire dans laquelle… Ne baissez pas la main!» Dit-il, s’interrompant et s’adressant à un jeune homme qui faisait mine de détendre le bras. Puis il reprit lentement, avec des arrêts après chaque membre de phrase: «que dans l’affaire… dans laquelle…».

      Le personnage représentatif aux beaux favoris, le colonel retraité, le marchand, et d’autres jurés tenaient le bras levé et les doigts pliés exactement comme le voulait le pope; certains autres, au contraire, semblaient procéder sans entrain et d’une façon indécise. Les uns répétaient très haut la formule du serment, avec expression et passion; d’autres la murmuraient tout bas, restaient en retard sur les paroles du pope, puis, comme effrayés, se hâtaient de le rattraper. Mais tous éprouvaient une impression de gêne, à l’exception du vieux pope, qui gardait la conviction sereine d’accomplir un acte éminemment important et utile.

      Après le serment, le président enjoignit aux jurés de se choisir un président du jury. Aussitôt les jurés se levèrent de nouveau et se rendirent dans leur salle de délibération, où presque tous, immédiatement, prirent des cigarettes et se mirent à fumer. Quelqu’un proposa d’élire pour président le personnage représentatif, ce à quoi tous se hâtèrent de consentir. Puis, après avoir jeté leurs cigarettes, les jurés rentrèrent dans la salle. Le personnage représentatif déclara au président que c’était lui qu’on avait élu, et tous se rassirent sur leurs sièges aux hauts dossiers.

      Tout marcha sans accident, mais non pas sans solennité; et cette solennité, cette légalité, ces formalités confirmaient encore magistrats et jurés leur sentiment de remplir un devoir social grave et sérieux. Nekhludov, lui aussi, partageait ce sentiment.

      Quand les jurés se furent assis, le président du tribunal leur adressa une allocution pour leur exposer leurs droits, leurs obligations, et leur responsabilité. En parlant, il СКАЧАТЬ