Название: Un bon petit diable
Автор: Comtesse de Ségur
Издательство: Bookwire
Жанр: Книги для детей: прочее
isbn: 4064066089290
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L'Homme:-C'est ce que nous allons voir, ma bonne dame.
Le Juge:—Qu'y a-t-il donc? Vous m'avez fait demander pour constater un délit, madame Mac'Miche?
Madame Mac'Miche:—Oui, Monsieur le juge, un délit énorme, qui demande une éclatante réparation, une punition exemplaire! Cet homme que voici, qu'on reconnaît à son air féroce (tout le monde rit, le charretier plus fort que les autres), oui, Monsieur le juge, à son air féroce; il se dissimule devant vous, il fait le bon apôtre; mais vous allez voir. Cet homme m'a jetée par terre au beau milieu de la rue, m'a injuriée, m'a appelée de toutes sortes de noms, et, enfin, m'a donné un coup de fouet à travers les yeux, que j'en suis aveugle. Et je demande cent francs de dommages et intérêts, plus une amende de cent francs dont je bénéficierai, comme c'est de toute justice.»
Le charretier et son escorte riaient de plus belle; leur gaieté n'était pas naturelle; elle donna au juge, qui était un homme de sens et de jugement, quelques soupçons sur l'exactitude du récit de Mme Mac'Miche.
Il se tourna vers le charretier.
«La chose s'est-elle passée comme le raconte Madame?
L'Homme:—Pour ça non, Monsieur le juge, tout l'opposé. Madame est venue se jeter contre moi sur la route, au moment où je me tournais pour voir à mes chevaux; elle est tombée les quatre fers en l'air; faut croire qu'elle n'était pas solide sur ses jambes; mais ça, je n'en suis pas fautif. Voilà que je veux la relever; elle me repousse,... bonne poigne, allez!... et me dit des sottises; elle m'en dit, m'en défile un chapelet qui m'ennuie à la fin; ma foi j'ai pris la parole à mon tour, et je ne dis pas que je n'en aie dit de salées; on n'est pas charretier pour rien. Monsieur le juge sait bien; les chevaux,... ça n'a pas l'oreille tendre. Et quand je m'emporte, ma foi, je lâche tout mon répertoire. Mais voilà que Madame, qui n'était pas contente, à ce qu'il semblerait, me lance une claque en pleine figure. Ma foi, pour le coup, la moutarde m'a monté au nez et... je suis prompt, Monsieur le juge,... pas méchant mais prompt... Alors j'ai riposté... avec mon fouet... On n'est pas charretier pour rien, Monsieur le juge... Les chevaux, vous savez, ça se mène au fouet. Le malheur a voulu qu'elle présentât les yeux en face de mon fouet, ma foi, il était lancé et il a touché là où il a trouvé de la résistance. Mais ça ne lui a pas fait grand mal, allez, Monsieur le juge; elle a beuglé comme si je l'avais écorchée, mais elle y voit comme vous et moi; la preuve, c'est qu'elle vous a vu entrer, et je me moque bien de ses dommages et intérêts; je suis bien certain que vous ne lui en accorderez pas un centime.
Les Témoins:—Monsieur le juge, c'est la pure vérité qu'il dit; nous sommes tous témoins.
Madame Mac'Miche:—Comment, malheureux, vous prenez parti contre moi, une compatriote, pour favoriser la scélératesse d'un étranger, d'un misérable, d'un brigand!
Le Juge:—Eh! eh! Madame Mac'Miche, vous allez me forcer à verbaliser contre vous. Restez tranquille, croyez-moi; si quelqu'un a tort, c'est vous, qui avez injurié et frappé la première; et si vous intentiez un procès, c'est vous qui payeriez l'amende, et non pas cet homme, qui me fait l'effet d'être un brave homme, quoique un peu prompt, comme il le dit. Je n'ai plus rien à faire; je me retire et je viendrai tantôt savoir de vos nouvelles et vous dire deux mots.»
Avant que Mme Mac'Miche fût revenue de sa surprise et eût pris le temps de riposter au juge de paix, celui-ci s'était empressé de disparaître; le charretier et l'escorte le suivirent, et Mme Mac'Miche resta seule avec Betty, qui riait sous cape et qui était assez satisfaite de l'échec subi par cette maîtresse violente, injuste et exigeante. A sa grande surprise, Mme Mac'Miche resta immobile et sans parole; Betty lui demanda si elle voulait monter dans sa chambre; elle se leva, repoussa Betty qui lui offrait le bras, monta lestement l'escalier comme quelqu'un qui y voit très clair, et s'aperçut, en ouvrant la porte de sa chambre, qu'un des carreaux était brisé.
Madame Mac'Miche:—Encore ce malfaiteur! Ce Charles de malheur! C'est par là qu'il s'est frayé un passage. Betty, va me le chercher; il m'a narguée en disant qu'il allait chez Juliette; tu l'y trouveras.»
IV
LE FOUET; LE PARAFOUET
Pendant que se passait ce que nous venons de raconter. Charles était allé chercher du calme près de sa cousine et amie Juliette; il l'avait trouvé seule comme il l'avait laissée; il lui raconta le peu de succès de son bon mouvement, et le moyen qu'il avait employé pour se préserver d'une rude correction.
Juliette:—Mon pauvre Charles, tu as eu très grand tort; il ne faut jamais faire à ta cousine des menaces si affreuses, et que tu sais bien ne pas pouvoir exécuter.
Charles:—Je l'aurais parfaitement exécutée; j'étais prêt à mettre le feu aux rideaux, et j'étais très décidé à le faire.
Juliette:—Oh! Charles, je ne te croyais pas si mauvais! Et qu'en serait-il arrivé? On t'aurait mis dans une prison, où tu serais resté jusqu'à seize ou dix-huit ans.
Charles:—En prison! Quelle folie!
Juliette:—Oui, mon ami, en prison; on a condamné pour incendie volontaire des enfants plus jeunes que toi!
Charles:—Je ne savais pas cela! C'est bien heureux que tu, me l'aies dit, car j'aurais recommencé à la première occasion.
Juliette:—Oh non! tu n'aurais pas recommencé, d'abord par amitié pour moi, et puis parce que Betty aurait caché toutes les allumettes et ne t'aurait pas laissé faire.
Charles:—Betty! Elle déteste ma cousine; elle est enchantée quand je lui joue des tours.
Juliette:—C'est bien mal à Betty de t'encourager à mal faire.»
Ils continuèrent à causer, Juliette cherchant toujours à calmer Charles, lorsque Betty entra.
«Je viens te chercher, Charlot, de la part de ta cousine qui est joliment en colère, va. Bonjour, Mam'selle Juliette; que dites-vous de notre mauvais sujet?
Juliette:—Je dis que vous pourriez lui faire du bien en lui donnant de bons conseils, Betty; il doit à sa cousine du respect et de la soumission.
Betty:—Elle est bien mauvaise, allez, Mam'selle!
Juliette:—C'est fort triste; mais elle est tout de même sa tutrice; c'est elle qui l'élève...
Charles:-Ah! ouiche! Elle m'élève joliment! Depuis que je sais lire, écrire et compter, elle ne me laisse plus aller à l'école parce qu'elle prétend avoir les yeux malades; elle me garde chez elle pour lire haut, pour écrire ses lettres, faire ses comptes, et toute la journée comme ça.
Juliette:—Cela t'apprend toujours quelque chose, et ce n'est pas déjà si ennuyeux.
Charles:—Quelquefois non; ainsi, elle me fait lire à présent Nicolas Nickleby; c'est amusant, je ne dis pas; mais quelquefois c'est le journal, qui est assommant, ou l'histoire de France, d'Angleterre; je m'endors en lisant; et sais-tu comment СКАЧАТЬ