Название: Tartarin de Tarascon
Автор: Alphonse Daudet
Издательство: Bookwire
Жанр: Языкознание
isbn: 4064066090142
isbn:
Flèches empoisonnées, n'y touchez pas!
[30]Ou
Armes chargées, méfiez-vous!
Sans ces écriteaux, jamais je n'aurais osé entrer.
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Au milieu du cabinet, il y avait un guéridon. Sur le guéridon,
un flacon de rhum, une blague turque, les Voyages du capitaine
Cook, les romans de Cooper, de Gustave Aimard, des récits de
chasse à l'ours, chasse au faucon, chasse à l'éléphant,
[5]etc.... Enfin, devant le guéridon, un homme était assis, de
quarante à quarante-cinq ans, petit, gros, trapu, rougeaud, en
bras de chemise, avec des caleçons de flanelle, une forte barbe
courte et des yeux flamboyants, d'une main il tenait un livre,
de l'autre il brandissait une énorme pipe à couvercle de fer, et,
[10]tout en lisant je ne sais quel formidable récit de chasseurs de chevelures, il faisait, en avançant sa lèvre inférieure, une moue terrible, qui donnait à sa brave figure de petit rentier tarasconnais ce même caractère de férocité bonasse qui régnait dans toute la maison.
[15]Cet homme, c'était Tartarin, Tartarin de Tarascon, l'intrépide, le grand, l'incomparable Tartarin de Tarascon.
II
Coup d'oeil général
jeté sur la bonne ville de Tarascon;
les chasseurs de casquettes.
Au temps dont je vous parle, Tartarin de Tarascon n'était
pas encore le Tartarin qu'il est aujourd'hui, le grand Tartarin
de Tarascon, si populaire dans tout le midi de la France. Pourtant
[20]--même à cette époque--c'était déjà le roi de Tarascon.
Disons d'où lui venait cette royauté.
Vous saurez d'abord que là-bas tout le monde est chasseur,
depuis le plus grand jusqu'au plus petit. La chasse est la passion des
Tarasconnais, et cela depuis les temps mythologiques
[25]où la Tarasque faisait les cent coups dans les marais de la ville et où les Tarasconnais d'alors organisaient des battues contre elle. Il y a beau jour, comme vous voyez.
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Donc, tous les dimanches matin, Tarascon prend les armes et
sort de ses murs, le sac au dos, le fusil sur l'épaule, avec un
tremblement de chiens, de furets, de trompes, de cors de chasse.
C'est superbe à voir.... Par malheur, le gibier manque, il
[5]manque absolument.
Si bêtes que soient les bêtes, vous pensez bien qu'à la longue
elles ont fini par se méfier.
A cinq lieues autour de Tarascon, les terriers sont vides, les
nids abandonnés. Pas un merle, pas une caille, pas le moindre
[10]lapereau, pas le plus petit cul-blanc.
Elles sont cependant bien tentantes, ces jolies collinettes
tarasconnaises, toutes parfumées de myrte, de lavande, de romarin;
et ces beaux raisins muscats gonflés de sucre, qui s'échelonnent
an bord du Rhône, sont diablement appétissants aussi....
[15]Oui, mais il y a Tarascon derrière, et dans le petit monde du poil et de la plume, Tarascon est très mal noté. Les oiseaux de passage eux-mêmes l'ont marqué d'une grande croix sur leurs feuilles de route, et quand les canards sauvages, descendant vers la Camargue en longs triangles, aperçoivent de loin les clochers [20]de la ville, celui qui est en tête se met à crier bien fort: «Voilà Tarascon!... voilà Tarascon!» et toute la bande fait un crochet.
Bref, en fait de gibier, il ne reste plus dans le pays qu'un
vieux coquin de lièvre, échappé comme par miracle aux septembrisades
[25]tarasconnaises et qui s'entête à vivre là! A Tarascon, ce lièvre est très connu. On lui a donné un nom. Il s'appelle _le Rapide_. On sait qu'il a son gîte dans la terre de M. Bompard,--ce qui, par parenthèse, a doublé et même triplé le prix de cette terre,--mais on n'a pas encore pu l'atteindre.
[30]A l'heure qu'il est même, il n'y a plus que deux ou trois enragés qui s'acharnent après lui.
Les autres en ont fait leur deuil, et _le Rapide_ est passé depuis
longtemps à l'état de superstition locale, bien que le Tarasconnais
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soit très peu superstitieux de sa nature et qu'il mange les hirondelles
en salmis, quand il en trouve.
--Ah çà! me direz-vous, puisque le gibier est si rare à Tarascon,
qu'est-ce que les chasseurs tarasconnais font donc tous les
[5]dimanches?
Ce qu'ils font?
Eh mon Dieu! ils s'en vont en pleine campagne, à deux ou
trois lieues de la ville. Ils se réunissent par petits groupes de
cinq ou six, s'allongent tranquillement à l'ombre d'un puits, d'un
[10]vieux mur, d'un olivier, tirent de leurs carniers un bon morceau de boeuf en daube, des oignons crus, un _saucissot_, quelques anchois, et commencent un déjeuner interminable, arrosé d'un de ces jolis vins du Rhône qui font rire et qui font chanter.
Après quoi, quand on est bien lesté, on se lève, on siffle les
[15]chiens, on arme les fusils, et on se met en chasse. C'est à dire que chacun de ces messieurs prend sa casquette, la jette en l'air de toutes СКАЧАТЬ