Le dernier vivant. Paul Feval
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Название: Le dernier vivant

Автор: Paul Feval

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066085827

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СКАЧАТЬ à craindre: il n'y eut aucune rencontre dramatique. Je ne protégeai point de jeune fille assaillie par un taureau furieux, quoique les nôtres ici, soient magnifiques et très ombrageux. Nulle attaque de brigands ne me coucha sur un lit hospitalier pour y être soigné par la main des grâces.

      Mon Dieu non. Je vis tout uniment au détour d'un sentier, dans un champ fleuri et charmant que je n'oublierai jamais, une petite demoiselle qui chantait en cueillant des primevères.

      Elle en avait déjà un gros bouquet.

      Je n'aurais pas su dire si elle était jolie, car sa figure disparaissait presque tout entière dans l'ombre de son chapeau de paille.

      Au-dessus d'elle se courbait un châtaignier trapu dont les branches ne bourgeonnaient pas encore, mais la hâte dans laquelle ses petites mains adroites fouillaient en se jouant, étincelait de mille points brillants. L'épine noire boutonnait déjà et les pousses sveltes du chèvrefeuille étaient vertes parmi les ronces.

      Les oiseaux habillaient, cachant dans les broussées le mystère de leur travail amoureux; la violette invisible exhalait son souffle dans l'air; le blé tout jeune ondulait sous les caresses de la brise.

      Je m'arrêtai à regarder la fillette qui ne me voyait pas.

      Elle avait une robe d'indienne grise dont le tissu commun me semblait plus doux que la soie. Un ruban noir serrait sa ceinture. Ses cheveux blonds jouaient en grosses boucles sur ses épaules d'enfant.

      Ce n'était qu'une enfant.... Geoffroy, que je t'aimerais si ton cœur battait un peu!

      Moi, je pliais sous le poids d'une émotion qui m'irritait parce que je n'y comprenais rien, mais qui me ravissait en extase.

      Peut-être que je fis un mouvement, bien malgré moi, car je retenais mon souffle; peut-être que mon regard pesa sur la jeune fille. Elle se retourna comme si quelque chose l'importunait. Nos regards se croisèrent, ce fut moi qui rougis.

      Elle? son mouvement venait de mettre ses traits en pleine lumière, et le soleil du printemps éclaira son sourire.

      Car elle eut un sourire à la fois espiègle et ingénu, avant de bondir comme un jeune faon pour disparaître d'un saut de l'autre côté de la haie. Je ne la vis plus; il y avait une brèche derrière le gros châtaignier. Mais je l'entendis qui disait, dans l'autre champ:

      —Maman, c'est notre ennemi!

      Ce mot me terrassa.

      Et pourtant il était prononcé d'un accent de moquerie caressante.

      Notre ennemi! son ennemi à elle! l'ennemi de sa maman!

      N'avais-je pas agi de manière à mériter ce nom?

      Pour tous les trésors de l'univers, je n'aurais pas franchi la haie qui me séparait de la baronne et de sa fille, mes deux victimes. Je les avais en effet reconnues. J'étais sûr de n'avoir fait de mal qu'à elles en toute ma vie.

      Et ce terrible mot notre ennemi me les désignait aussi clairement que si elles se fussent nommées.

      Je revins sur mes pas, ou plutôt je m'enfuis en proie à un trouble que je n'essaierai même pas de décrire. Je tremblais comme un coupable. Je ne me souviens pas d'avoir été jamais si éperdument malheureux.

      Il ne me venait même pas à l'esprit qu'elles pussent suivre le même chemin que moi de l'autre côté de la haie. Je hâtais le pas, pensant m'éloigner d'elles.

      Au bout du champ, je les rencontrai face à face.

      T'attendais-tu à cela, Geoffroy? J'ai beau être misérable jusqu'à souhaiter de mourir, mon cœur fond dans ma poitrine au souvenir de cette heure délicieuse, comme si un rayon de bonheur éclairait et réchauffait mon désespoir.

      Va, je sais bien que je ne suis pas un homme fort comme vous autres. Qu'aurai-je de toi? Ta pitié? Elle me fait peur, je n'en veux pas.

      Je ne t'enverrai pas ces pauvres pages. En les écrivant, je sais que je les écris en vain—comme tant d'autres pages, à l'aide desquelles j'ai trompé mon angoisse.

      Cela me rassure de savoir que tu ne les liras pas, et j'y mets tout mon cœur comme si tu devais les lire.

      Je m'y complais, c'est ma seule jouissance. Je les garde quelques jours. Je les relis plusieurs fois avant de les anéantir....

      Elles étaient là devant moi, je n'avais plus aucun moyen de les éviter.

      Au premier regard, Jeanne et sa maman me parurent comme deux sœurs.

      Il y a des maladies qui amoindrissent et font l'effet d'un rajeunissement.

      Quand je les vis ainsi tout près de moi, se tenant par la main et me regardant avec une douceur pareille, je fis un pas en arrière et je chancelai.

      La jeune mère me dit:

      —Nous ne vous cherchions pas, M. Thibaut, mais vous avez été bon pour le père de cette chère enfant, et nous sommes contentes de vous remercier.

      J'avais vu mourir ma sœur aînée de la poitrine, vers ma dixième année. À cet âge-là on se souvient.

      C'était ma sœur qui m'apprenait à lire. Il me sembla que j'entendais, après quinze ans, la douceur voilée de sa voix.

      Et quelque chose aussi me rappelait la chère morte dans la suavité douloureuse de ces traits qui avaient une blancheur de cire.

      J'ai oublié ce que je répondis.

      Jeanne et sa mère me donnèrent la main....

      Note. Il y avait ici une phrase effacée avec beaucoup de soin, puis les initiales de Lucien, avec son paraphe, le tout barré d'un simple trait de plume.

      Pièce numéro 3

      (Anonyme, écriture différente du n°1, mais également contrefaite.)

       À M. L. Thibaut.

      30 septembre 1864.

      Mon cher Lucien,

      Vous avez encore des amis, bien que vous viviez comme un loup. Mais vous savez, les loups ont beau se cacher au fond du bois, on les relance. Je viens vous relancer pour vous dire ce que vous paraissez ne pas savoir: les courtes folies sont les meilleures.

      On ne vous demande rien pour cet adage ni pour cette conséquence qui en découle: la pire de toutes les folies est le mariage, parce que c'est celle qui dure le plus longtemps.

      Tant que vous n'avez pas sauté le fossé, mon pauvre garçon, il y a de la ressource, et on peut, on doit essayer de vous arrêter, fût-ce par le collet. Un bon médecin ne s'occupe pas de savoir si le remède est agréable à prendre ou non.

      Vous êtes entre les pattes de deux aventurières, on vous le dit tout net. Le proverbe chante: qui se ressemble s'assemble. Le papa et la maman de votre donzelle se ressemblaient, ils s'assemblèrent.

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