Название: Napoléon Le Petit
Автор: Victor Hugo
Издательство: Bookwire
Жанр: Документальная литература
isbn: 4064066084776
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«ART. 6. Le ministre de l'intérieur est chargé de l'exécution du présent décret.
«Fait au palais de l'Élysée, le 2 décembre 1851.
«LOUIS-NAPOLÉON BONAPARTE.»
En même temps Paris apprit que quinze représentants du peuple, inviolables, avaient été arrêtés chez eux, dans la nuit, par ordre de Louis-Napoléon Bonaparte.
II
MANDAT DES REPRÉSENTANTS
Ceux qui ont reçu en dépôt pour le peuple, comme représentants du peuple, le serment du 20 décembre 1848, ceux surtout qui, deux fois investis de la confiance de la nation, le virent jurer comme constituants et le virent violer comme législateurs, avaient assumé en même temps que leur mandat deux devoirs. Le premier, c'était: le jour où ce serment serait violé, de se lever, d'offrir leurs poitrines, de ne calculer ni le nombre ni la force de l'ennemi, de couvrir de leurs corps la souveraineté du peuple, et de saisir, pour combattre et pour jeter bas l'usurpateur, toutes les armes, depuis la loi qu'on trouve dans le code jusqu'au pavé qu'on prend dans la rue. Le second devoir, c'était, après avoir accepté le combat et toutes ses chances, d'accepter la proscription et toutes ses misères; de se dresser éternellement debout devant le traître, son serment à la main; d'oublier leurs souffrances intimes, leurs douleurs privées, leurs familles dispersées et mutilées, leurs fortunes détruites, leurs affections brisées, leur coeur saignant, de s'oublier eux-mêmes, et de n'avoir plus désormais qu'une plaie, la plaie de la France; de crier justice! de ne se laisser jamais apaiser ni fléchir, d'être implacables; de saisir l'abominable parjure couronné, sinon avec la main de la loi, du moins avec les tenailles de la vérité, et de faire rougir au feu de l'histoire toutes les lettres de son serment et de les lui imprimer sur la face!
Celui qui écrit ces lignes est de ceux qui n'ont reculé devant rien, le 2 décembre, pour accomplir le premier de ces deux grands devoirs; en publiant ce livre, il remplit le second.
III
MISE EN DEMEURE
Il est temps que la conscience humaine se réveille.
Depuis le 2 décembre 1851, un guet-apens réussi, un crime odieux, repoussant, infâme, inouï, si l'on songe au siècle où il a été commis, triomphe et domine, s'érige en théorie, s'épanouit à la face du soleil, fait des lois, rend des décrets, prend la société, la religion et la famille sous sa protection, tend la main aux rois de l'Europe, qui l'acceptent, et leur dit: mon frère ou mon cousin. Ce crime, personne ne le conteste, pas même ceux qui en profitent et qui en vivent, ils disent seulement qu'il a été «nécessaire»; pas même celui qui l'a commis, il dit seulement, que, lui criminel, il a été «absous». Ce crime contient tous les crimes, la trahison dans la conception, le parjure dans l'exécution, le meurtre et l'assassinat dans la lutte, la spoliation, l'escroquerie et le vol dans le triomphe; ce crime traîne après lui, comme parties intégrantes de lui-même, la suppression des lois, la violation des inviolabilités constitutionnelles, la séquestration arbitraire, la confiscation des biens, les massacres nocturnes, les fusillades secrètes, les commissions remplaçant les tribunaux, dix mille citoyens déportés, quarante mille citoyens proscrits, soixante mille familles ruinées et désespérées. Ces choses sont patentes. Eh bien! ceci est poignant à dire, le silence se fait sur ce crime; il est là, on le touche, on le voit, on passe outre et l'on va à ses affaires; la boutique ouvre, la Bourse agiote, le commerce, assis sur son ballot, se frotte les mains, et nous touchons presque au moment où l'on va trouver cela tout simple. Celui qui aune de l'étoffe n'entend pas que le mètre qu'il a dans la main lui parle et lui dit: «C'est une fausse mesure qui gouverne.» Celui qui pèse une denrée n'entend pas que sa balance élève la voix et lui dit: «C'est un faux poids qui règne.» Ordre étrange que celui-là, ayant pour base le désordre suprême, la négation de tout droit! l'équilibre fondé sur l'iniquité!
Ajoutons, ce qui, du reste, va de soi, que l'auteur de ce crime est un malfaiteur de la plus cynique et de la plus basse espèce.
À l'heure qu'il est, que tous ceux qui portent une robe, une écharpe ou un uniforme, que tous ceux qui servent cet homme le sachent, s'ils se croient les agents d'un pouvoir, qu'ils se détrompent. Ils sont les camarades d'un pirate. Depuis le 2 décembre, il n'y a plus en France de fonctionnaires, il n'y a que des complices. Le moment est venu que chacun se rende bien compte de ce qu'il a fait et de ce qu'il continue de faire. Le gendarme qui a arrêté ceux que l'homme de Strasbourg et de Boulogne appelle des «insurgés», a arrêté les gardiens de la constitution. Le juge qui a jugé, les combattants de Paris ou des provinces, a mis sur la sellette les soutiens de la loi. L'officier qui a gardé à fond de cale les «condamnés», a détenu les défenseurs de la république et de l'état. Le général d'Afrique qui emprisonne à Lambessa les déportés courbés sous le soleil, frissonnants de fièvre, creusant dans la terre brûlée un sillon qui sera leur fosse, ce général-là séquestre, torture et assassine les hommes du droit. Tous, généraux, officiers, gendarmes, juges, sont en pleine forfaiture. Ils ont devant eux plus que des innocents, des héros! plus que des victimes, des martyrs!
Qu'on le sache donc, et qu'on se hâte, et, du moins, qu'on brise les chaînes, qu'on tire les verrous, qu'on vide les pontons, qu'on ouvre les geôles, puisqu'on n'a pas encore le courage de saisir l'épée! Allons, consciences, debout! éveillez-vous, il est temps!
Si la loi, le droit, le devoir, la raison, le bon sens, l'équité, la justice, ne suffisent pas, qu'on songe à l'avenir. Si le remords se tait, que la responsabilité parle!
Et que tous ceux qui, propriétaires, serrent la main d'un magistrat; banquiers, fêtent un général; paysans, saluent un gendarme; que tous ceux qui ne s'éloignent pas de l'hôtel où est le ministre, de la maison où est le préfet, comme d'un lazaret; que tous ceux qui, simples citoyens, non fonctionnaires, vont aux bals et aux banquets de Louis Bonaparte et ne voient pas que le drapeau noir est sur l'Élysée, que tous ceux-là le sachent également, ce genre d'opprobre est contagieux; s'ils échappent à la complicité matérielle, ils n'échappent pas à la complicité morale.
Le crime du 2 décembre les éclabousse.
La situation présente, qui semble calme à qui ne pense pas, est violente, qu'on ne s'y méprenne point. Quand la moralité publique s'éclipse, il se fait dans l'ordre social une ombre qui épouvante.
Toutes les garanties s'en vont, tous les points d'appui s'évanouissent.
Désormais il n'y a pas en France un tribunal, pas une cour, pas un juge qui puisse rendre la justice et prononcer une peine, à propos de quoi que ce soit, contre qui que ce soit, au nom de quoi que ce soit.
Qu'on traduise devant les assises un malfaiteur quelconque, le voleur dira aux juges: Le chef de l'état a volé vingt-cinq millions à la Banque; le faux témoin dira aux juges: Le chef de l'état a fait un serment à la face de Dieu et des hommes, et ce serment, il l'a violé; le coupable de séquestration arbitraire dira: Le chef de l'état a arrêté et détenu contre toutes les lois les représentants du peuple souverain; l'escroc dira: СКАЧАТЬ