Les deux nigauds. Comtesse de Ségur
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Название: Les deux nigauds

Автор: Comtesse de Ségur

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066089054

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СКАЧАТЬ guère.

      Les cinq autres convives s'acquittèrent si bien de leurs fonctions, que le panier demeura entièrement vide; les Polonais en avaient consommé les trois quarts; quand Simplicie demanda encore une poire et de la galette, tout était mangé. Prudence se repentit de n'avoir pas mieux surveillé et ménagé les provisions; elle jeta un regard de travers aux Polonais; ceux-ci étaient rassasiés et contents: ils ne bougèrent plus jusqu'à l'arrivée à Laval, où les voyageurs descendirent pour attendre le train qui devait les mener à Paris,

       Table des matières

      LE CHEMIN DE FER

      —J'espère que nous serons plus agréablement en chemin de fer que dans cette vilaine diligence, dit Simplicie.

      C'étaient les premières paroles qu'elle prononçait depuis leur départ;

       Mme Courtemiche et son chien l'avaient terrifiée ainsi qu'Innocent:

      —Faites enregistrer votre bagage! cria un employé,

      —Où faut-il aller? dit Prudence.

      —Par ici, Madame, dans la salle des bagages.

      —Prenez vos billets, dit un second employé. On n'enregistre pas les bagages sans billets.

      Prudence ne savait auquel entendre, où aller, à qui s'adresser; Simplicie à sa droite, Innocent à sa gauche gênaient ses mouvements; elle demandait sa malle aux voyageurs, qui l'envoyaient promener, les uns en riant, les autres en jurant. Enfin, les Polonais lui vinrent obligeamment en aide: l'un se chargea des billets, l'autre du bagage. En quelques minutes tout fut en règle.

      Prudence remerciait les Polonais, qui se rengorgeaient, ils la firent entrer dans la salle d'attente des troisièmes par habitude d'économie, ils avaient pris des troisièmes pour leurs trois protégés comme pour eux-mêmes.

      —Comme on est mal ici! dit Innocent.

      —Il n'y a que des blouses et des bonnets ronds, dit Simplicie.

      —La blouse vous gêne donc, Mam'selle? s'écria un ouvrier à la face réjouie. La blouse n'est pourtant pas méchante… quand on ne l'agace pas.

      —Est-ce que vous préféreriez le voisinage d'une crinoline qui vous écrase les genoux, qui vous serre les hanches, qui vous bat dans les jambes? ajouta une brave femme à bonnet rond, en regardant de travers Innocent et Simplicie.

      Simplicie eut peur; elle se serra contre Prudence; celle-ci se leva toute droite, le poing sur la hanche.

      —Prenez garde à votre langue, ma bonne femme. Mam'selle Simplicie n'a pas l'habitude qu'on lui parle rude; son papa, M. Gargilier, est un gros propriétaire d'à huit lieues d'ici, je vous en préviens, et…

      —Laissez-moi tranquille avec votre Monsieur propriétaire. Je m'en moque pas mal, moi. Je ne veux pas qu'on me méprise, moi et mon bonnet rond, et je parlerai si je veux et comme je veux.

      —Bien, la mère! reprit l'ouvrier à face réjouie. C'est votre droit de vous défendre; mais tout de même, je pense que Mam'selle… Simplicie, puisque Simplicie il y a, n'y a pas mis de malice; la voilà tout effrayée, voyez-vous; les malicieux ça ne s'effarouche pas pour si peu. N'ayez pas peur, Mam'selle; vous n'êtes pas ces habitués de troisièmes, je crois bien. Tenez votre langue et on ne vous dira rien, non plus qu'à ce grand garçon qu'on dirait passé dans une filière, ni à cette brave dame qui veille sur vous comme une poule sur ses poussins.

      La bonhomie de l'ouvrier calma la bonne femme et rassura Prudence, Innocent et Simplicie. Peu d'instants après, le sifflet, la cloche et l'appel des employés annoncèrent l'arrivée du train; les portes s'ouvrirent; les voyageurs se précipitèrent sur le quai, et chacun chercha une place convenable dans les wagons.

      Prudence voulut entrer dans les premières, les employés la repoussèrent; dans les secondes, elle fut renvoyée aux troisièmes, dont l'aspect lui parut si peu agréable qu'elle commença une lutte pour arriver du moins aux secondes. Mais les employés, trop occupés pour continuer la querelle, s'éloignèrent, la laissant sur le quai avec les enfants.

      —Train va partir! cria un des Polonais établis dans un wagon de troisième.

      —Montez vite! cria le second Polonais.

      Prudence hésitait encore; le premier coup de sifflet était donné; les deux Polonais s'élancèrent sur le quai, saisirent Prudence, Innocent et Simplicie, les entraînèrent dans leur wagon et refermèrent la portière. Au même instant le train s'ébranla, et Prudence commença à se reconnaître. Elle était entre ses deux jeunes maîtres et en face des Polonais; le wagon était plein, il y avait trois nourrices munies de deux nourrissons chacune, un homme ivre et un grand Anglais à longues dents.

      BOGINSKI.—Sans nous, vous restiez à Laval, Madame, et vous perdiez places et malle.

      PRUDENCE.—La malle! Seigneur Jésus! Où est-elle, la malle? Qu'en ont-ils fait?

      BOGINSKI.—Elle est dans bagage, Madame; soyez tranquille, malle jamais perdue avec chemin de fer!

      Prudence prenait confiance dans les Polonais; elle ne s'inquiéta donc plus de sa malle et commença l'examen des voyageurs; les poupons criaient tantôt un à un, tantôt tous ensemble. Les nourrices faisaient boire l'un, changeaient, secouaient l'autre; les couches salies restaient sur le plancher pour sécher et pour perdre leur odeur repoussante, Simplicie était en lutte avec une nourrice qui lui déposait un de ses nourrissons sur le bras. La nourrice ne se décourageait pas et recommençait sans cesse ses tentatives. Simplicie sentit un premier regret d'avoir quitté la maison paternelle; ce voyage dont elle se faisait une fête, qui devait être si gai, si charmant, avait commencé terriblement, et continuait fort désagréablement.

      —Prudence, dit-elle enfin à l'oreille de sa bonne, prends ma place, je t'en prie, et donne-moi la tienne; cette nourrice met toujours son sale enfant sur moi; tu, la repousseras mieux que moi.

      Prudence ne se le fit pas dire deux fois; elle se leva, changea de place avec Simplicie, et, regardant la nourrice d'un air peu conciliant, elle lui dit en se posant carrément dans sa place:

      —Ne nous ennuyez pas avec votre poupon, la nourrice. C'est vous qui en êtes chargée, n'est-ce pas? C'est vous qui gardez l'argent qu'il vous rapporte? Gardez donc aussi votre marmot: je n'en veux point, moi; vous êtes avertie; tant pis pour lui si j'ai à le pousser. Je pousse rudement, je vous en préviens.

      LA NOURRICE.—En quoi qu'il vous gêne, mon enfant? Le pauvre innocent ne sait pas seulement ce que vous lui voulez.

      PRUDENCE.—Aussi n'est-ce pas à lui que je m'adresse, mais à vous. Je ne veux que la paix moi, et pas autre chose.

      —La paix armée, je crois, dit le grand Anglais avec un accent très prononcé.

      LA NOURRICE.—Ah! vous êtes un milord, vous! Ne vous mêlez pas de nos affaires, s'il vous plaît Quand les Anglais vous arrivent à la traverse, ils font toujours du gâchis!

      —Quoi c'est gâchis? demanda СКАЧАТЬ