Les deux nigauds. Comtesse de Ségur
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Читать онлайн книгу Les deux nigauds - Comtesse de Ségur страница 4

Название: Les deux nigauds

Автор: Comtesse de Ségur

Издательство: Bookwire

Жанр: Языкознание

Серия:

isbn: 4064066089054

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СКАЧАТЬ du départ sonna enfin; Mme Gargilier pleurait, M. Gargilier était fort ému. Simplicie ne retenait plus ses larmes et désirait presque ne pas partir; Innocent cherchait à cacher son émotion et plaisantait sa soeur sur les pleurs qu'elle versait. Prudence paraissait fort mécontente.

      —Allons, Mam'selle, montez en voiture; il faut partir puisque c'est vous qui l'avez voulu!

      —Adieu, Simplicie; adieu, mon enfant, dit la mère en embrassant sa fille une dernière fois.

      Simplicie ne répondit qu'en embrassant tendrement sa mère; elle craignit de n'avoir plus le courage de la quitter si elle s'abandonnait à son attendrissement, et Simplicie voulait à toute force voir Paris.

      Elle monta en voiture; Innocent y était déjà. Prudence se plaça en face d'eux; elle avait de l'humeur et elle la témoignait.

      PRUDENCE.—Belle campagne que nous allons faire! Je n'avais jamais pensé. Monsieur et Mam'selle, que vous auriez assez peu de coeur pour quitter comme ça votre papa et votre maman!

      INNOCENT.—Mais, Prudence, c'est pour aller à Paris!

      PRUDENCE.—Paris!… Paris!… Je me moque bien de votre Paris! Une sale ville qui n'en finit pas, où on ne se rencontre pas, où on s'ennuie à mourir, où il y a des gens mauvais et voleurs à chaque coin de rue…

      INNOCENT.—Prudence, tu ne connais pas Paris, tu ne peux en parler.

      PRUDENCE.—Tiens! faut-il ne parler que de ceux qu'on connaît? Je ne connais pas Notre-Seigneur, et j'en parle pourtant tout comme si je l'avais vu. Ce n'est pas lui qui aurait tourmenté sa maman, la bonne sainte Vierge, pour aller à Paris!

      INNOCENT.—Nôtre-Seigneur a été à Jérusalem, c'était le Paris des Juifs.

      PRUDENCE.—Laissez donc! Vous ne me ferez pas croire cela, quand vous m'écorcheriez vive…; Tout de même, Mam'selle Simplicie a meilleur coeur que vous. Monsieur Innocent; elle pleure tout au moins.

      INNOCENT.—C'est parce qu'elle est fille et que les filles sont plus pleurnicheuses que les garçons.

      PRUDENCE.—Ma foi. Monsieur, s'il est vrai, comme on dit, que les larmes viennent du coeur, ça prouve qu'elles ont le coeur plus tendre et meilleur.

      Innocent leva les épaules et ne continua pas une discussion inutile. Simplicie finit par essuyer ses larmes; elle essaya de se consoler par la perspective de Paris. Ils arrivèrent bientôt à la petite ville d'où partaient la diligence qui devait les mener au chemin de fer; leurs places étaient retenues dans l'intérieur. Prudence fit charger sa malle sur la diligence; il n'y en avait qu'une pour les trois voyageurs; Prudence n'était pas riche en vêtements; Innocent n'avait que son petit trousseau de pensionnaire; Simplicie possédait, en dehors de ses quatre belles robes, deux robes de mérinos et peu d'accessoires.

      —En route, les voyageurs pour Redon! cria le conducteur. M: Gargilier, trois places d'intérieur!

      Nos trois voyageurs prirent leurs places.

      —M. Boginski, deux places! Mme Courtemiche, deux places! Mme

       Petitbeaudoit, une place!

      Les voyageurs montaient; il y avait six places, on y entassa les personnes que l'on venait d'appeler; Mme Courtemiche avait pris deux places pour elle et pour son chien, une grosse laide bête jaune puante et méchante; elle se trouva voisine de Prudence qui, se voyant écrasée, poussa à gauche; la grosse Bête, bien établie sur la banquette, grogna et montra les dents; Prudence la poussa plus fort; la bête se lança sur Prudence, qui para cette attaque par un vigoureux coup de poing sur l'échine; le chien jette des cris pitoyables, Mme Courtemiche venge son chéri par des cris et des injures. Le conducteur arrive, met la tête à la portière.

      —Qu'est-ce qu'il y a donc? dit-il avec humeur.

      MADAME COURTEMICHE.—Il y a que Madame, que voici, veut usurper la place de mon pauvre Chéri-Mignon, qu'elle l'a injurié, poussé, frappé, blessé peut-être.

      PRUDENCE.—La diligence est pour les humains et pas pour les chiens; est-ce que je dois accepter la société d'une méchante bête puante, parce qu'il vous plaît de la traiter comme une créature humaine?

      LE CONDUCTEUR.—Les chiens doivent être sur l'impériale avec les bagages; donnez-moi cette bête, que je la hisse.

      MADAME COURTEMICHE.—Non, vous n'aurez pas mon pauvre Chéri-Mignon, je ne le lâcherai pas, quand vous devriez me hisser avec.

      —Tiens, c'est une idée, dit le conducteur en riant Voyons, Madame, donnez-moi votre chien.

      —Jamais! dit Mme Courtemiche avec majesté.

      LE CONDUCTEUR.—Alors montez avec lui sur l'impériale.

      MADAME COURTEMICHE.—J'ai payé mes places à l'intérieur.

      LE CONDUCTEUR.—On vous rendra l'argent.

      MADAME COURTEMICHE.—Eh bien, oui, je monterai je n'abandonnerai pas

       Chéri-Mignon.

      Mme Courtemiche descendit de l'intérieur, suivit le conducteur et se prépara à grimper après lui l'échelle qu'on avait appliquée contre la voiture. A la seconde marche, elle trébucha, lâcha son chien, qui alla tomber en hurlant aux pieds d'un voyageur, et serait tombée elle-même sans l'aide d'un des garçons d'écurie resté au pied de l'échelle, et du conducteur, qui la saisit par le bras.

      —Poussez, cria le conducteur; poussez, ou je lâche.

      —Tirez, cria le garçon d'écurie; tirez ou je tombe avec mon colis.

      Le conducteur avait beau tirer, le garçon avait beau pousser, Mme

       Courtemiche restait au même échelon, appelait d'une voix lamentable son

       Chéri-Mignon.

      —Le voilà, votre Chéri-Mignon, dit un voyageur ennuyé de cette scène. A vous, conducteur! ajouta-t-il en ramassant le chien et en le lançant sur l'impériale.

      Le voyageur avait mal pris son élan; le chien n'arriva pas jusqu'au sommet de la voiture; il retomba sur le sein de sa maîtresse, que le choc fit tomber sur le garçon d'écurie; et tous trois roulèrent sur les bottes de paille placées là heureusement pour le chargement de la voiture, entraînant avec eux le conducteur, qui n'avait pas pu dégager son bras de l'étreinte de Mme Courtemiche. La paille amortit le choc; mais le chien, écrasé par sa maîtresse, redoublait ses hurlements, le garçon d'écurie étouffait et appelait au secours, le conducteur ne parvenait pas à se dégager du châle de Mme Courtemiche, des pattes du chien et des coups de pied du garçon; les voyageurs riaient à gorge déployée de la triste position des quatre victimes. Enfin, avec un peu d'aide, quelques tapes au chien, quelques poussades à la dame et quelques secours au garçon, chacun se releva plus ou moins en colère.

      —Madame veut-elle qu'on la hisse? dit un des voyageurs.

      —Je veux user de mes droits, répondit Mme Courtemiche, d'une voix tonnante.

      Et, saisissant son Chéri-Mignon de ses bras vigoureux, elle s'élança, avec plus d'agilité qu'on n'aurait СКАЧАТЬ